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UNE GÉOPOLITIQUE SOUS-RÉGIONALE ÉBRANLÉE

La République de Guinée, encore appelée Guinée-Conakry, est sans président, à la suite d’un coup d’État perpétré tôt ce dimanche, 5 septembre. Alpha Condé en exercice depuis octobre 2020 après sa réélection à l’âge de 82 ans pour un 3e mandat, est entre les mains des forces spéciales dirigées par le colonel Mamady Doumbouya. Prétexte pour la rédaction d’emedia.sn de s’intéresser à ce pays. Dans ce jet, il est question de la géopolitique et les rapports entre la Guinée avec la sous-région dont le Sénégal.

La Guinée est un pays d’Afrique Occidentale d’une superficie de 242 857 km2. Elle est limitée au Nord-Ouest, par la Guinée-Bissau ; au Nord, par le Sénégal ; au Nord-Est, par le Mali ; au Sud-Ouest, par la Sierra-Leone ; au Sud, par le Liberia et au Sud-Est, par la Côte-d’Ivoire.

Pour un pays de taille très moyenne, partager des frontières (compte non tenu de la façade maritime) avec 06 États, peut s’avérer une source potentielle de difficultés géopolitiques. Le constat est fait déjà en 2010, dans un contexte sous-régional ambiant dominé par la conflictualité de forte amplitude, par l’étude et analyse stratégiques et géopolitiques de la situation de la République de Guinée, mesurant les impacts de la situation géopolitique oust-africaine. De fait, la Guinée est intégrée dans « la dorsale forestière de feu » en Afrique Occidentale, selon le rapport.

Plus grave encore, singulièrement durant les conflits en Sierra – Leone et au Liberia, la Guinée fut, de fait, impliquée, militairement dans les combats, en raison des nombreuses incursions, menées, tant par les Armées régulières que par les rébellions, en territoire guinéen (obligation de poursuite pour les premières, disposition de base de repli, pour les secondes). Pays de la ligne de front, avant de devenir, en de multiples occasions, pays engagé, la Guinée vit la pénétration considérable d’armes légères sur son territoire. Situation qui déboucha sur la naissance de groupes armés versant dans des milices fortement armées et promptes à servir de mercenaires à des factions internes impliquées dans la lutte pour le pouvoir à Conakry. Ce fut durant ces conflits, que la Guinée fut l’un des terreaux pour le trafic des enfants et des femmes.

Chronique d’un dérèglement géopolitique qui caractérise l’Afrique Occidentale
Longtemps durant, le pays a subi les contrecoups des conflits qui ont miné certains de ses voisins, notamment la Sierra-Leone, la Guinée-Bissau et le Liberia, ensanglantés, entre le début des années 80 du 20ème Siècle et le début des années 2000, par de meurtrières guerres civiles. D’ailleurs, entre 1989 et 2002, la Guinée a abrité plus de 200.000 réfugiés Sierra-Léonais et Libériens fuyant les ravages prévalant dans leurs pays.

L’afflux massif de réfugiés dans un pays aussi pauvre que la Guinée, ne manqua pas d’aggraver les difficultés intérieures, malgré l’accompagnement substantiel du HCR. Ainsi, tout le long des régions guinéennes frontalières à ces pays en conflit, l’on a assisté à des exodes massifs de population (plus 130.000) vers l’intérieur du pays en général, vers les villes en particulier, voire vers le Sénégal.

Le Sénégal, une terre d’accueil bien aimée par les Guinéens. Illustration à la rue marchande de Sandiniéry, en plein centre-ville, à Dakar, où nos équipes étaient allées à la rencontre des commerçants guinéens, lors de la dernière présidentielle en Guinée. Certains y résident depuis bien avant les indépendances, en 1955, même au plus fort de la crise opposant politiques Guinéens et Sénégalais. En effet, cet exemple d’intégration réussie est souvent pollué par l’opposition des dirigeants politiques.

La tension reste vive sur l’axe Conakry-Dakar, nourrie par des dirigeants qui font tout pour s’opposer

C’est un secret de polichinelle que les présidents Condé et Macky Sall ne se piffent pas. Aux dernières nouvelles, les tractations étaient d’ailleurs en cours pour tenter de recoller les morceaux après plusieurs mois de fermeture de la frontière.

Le dimanche 28 mars, Alpha Condé avait, en substance, déclaré que le Sénégal servait de base arrière de déstabilisation de la Guinée. « Ceux qui voulaient que la Guinée brûle, nous tous voyons ce qui se passe chez eux. Ce qui veut dire que Dieu ne dort pas. Moi, je ne me querelle avec personne, pas un seul jour depuis que j’ai été élu président, aucun opposant n’est venu à Conakry pour diffamer le gouvernement. Ça, je ne l’accepte pas. Mais tout le monde sait, tous ceux qui nous insultent, tous ces cris de ’’la Guinée va brûler’’, tout se fait à Dakar. Tout le monde le sait, mais Dieu est là », avait de façon explicite et sans détour accusé Alpha Condé.

Sous Wade déjà, le même climat délétère régnait. Sékouba Konaté, président de la République de Guinée, par intérim de janvier à décembre 2010, ne sollicitait pas l’avis du Sénégal, et ne faisait pas de l’axe Dakar-Conakry, une priorité de sa politique sous régionale.

Bien avant et plus globalement, l’opposition historique entre « Politiques » guinéens et sénégalais remonte à la tumultueuse rivalité pré et post-indépendance opposant Sékou Touré et Léopold Sédar Senghor alors députés à l’Assemblée nationale de l’empire colonial français. Bref, c’est l’histoire de deux peuples voisins dont les dirigeants font tout pour opposer alors qu’en réalité, tout les rapproche tant dans la proximité que sur le plan sociologique.

Par ailleurs, la même tension de suspicion règne entre Alpha Condé et Umaru Emballo, le président de la Guinée-Bissau dont les frontières étaient également fermées avec la Guinée sur décision du président guinéen.

La Guinée et la Côte d’Ivoire ont organisé des élections présidentielles en octobre dernier, dans des contextes politiques tendus, marquées par des années de crise. Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire avec 83,6% des voix, et Alpha Condé en Guinée avec 57,8%. Les résultats issus des urnes très souvent contestés, ces pays gagneraient à une remise à plat rapide des dispositifs électoraux.
La tentative du 3e mandat est souvent l’élément catalyseur.

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