SOCIETE / FAITS DIVERS

«Abdou Karim Guèye alias Xrum Xax court un grave danger»

Secrétaire administratif du Front pour une Révolution Anti-impérialiste populaire et panafricaine (Frapp), Guy Marius Sagna est connu de tous les combats de rue. Ou presque. Dans cet entretien accordé à «L’Obs» via e-mail, la force de Frapp s’épanche sur la gestion étatique du Covid-19, l’arrestation de l’activiste Abdou Karim Guèye alias Xrum Xax et la fin du Franc Cfa.

Le Frapp est engagé dans la lutte contre le Coronavirus. Comment appréciez-vous les nouvelles mesures prises par l’Etat pour éviter la propagation du virus ?

Notre personnel de santé et de l’action sociale et nos forces de défense et de sécurité font face au Covid-19 depuis des mois, avec bravoure, dignité et détermination. Ils sont d’autant plus à féliciter que cette lutte, ils la mènent les mains nues, car sans gants, sans masque avec très peu de moyens. Leur seule motivation, devant l’irresponsabilité au plus haut sommet de l’Etat de nos élus, est leur amour pour le Sénégal. Cela est à magnifier, car quand un président de la République décide d’accorder 4 500 000 FCfa à d’anciens présidents du Conseil économique, social et environnement (Cese) alors qu’au même moment il donne 7 100 aux forces de défense et de sécurité, il faut être animé d’un certain esprit de patriotisme inconnu de nos élus pour tenir bon et faire l’excellent travail qui nous vaut ces résultats appréciables dans la lutte contre le Coronavirus. Le président de la République Macky Sall a dit aux citoyens sénégalais de se débrouiller face au Coronavirus en assouplissant les mesures qu’il avait prises sans aucune mesure sérieuse d’accompagnement. C’est irresponsable !

Le Frapp martèle depuis plusieurs semaines qu’il faut procéder à des dépistages massifs, doublés de la dotation d’au moins cinq masques lavables à chaque Sénégalais et d’au moins 10 masques lavables à chaque membre de notre personnel soignant, triplés la dotation de moyens conséquents à nos structures de santé. Mieux, le Frapp a même saisi la Cour suprême d’un référé-mesure utile depuis le 21 avril dernier pour exiger un nombre de dépistages plus conséquents. Car plus un pays dépiste, plus il est près de la réalité en termes de nombre réel de malades. Le Frapp a donc très tôt dit qu’il fallait aller vers la reprise des activités économiques, sociales et religieuses, mais pas de cette façon irresponsable consistant à envoyer à une mort certaine plusieurs de nos concitoyens.

Hissène Habrè n’est pas plus malade que Abdou Karim Guèye

Aujourd’hui, un de vos camarades de combat de rue, Abdou Karim Guèye, croupit en taule. Est-ce qu’avec la situation de précarité qui sévit dans les prisons, il ne risque pas sa vie, vu son état de santé précaire selon ses proches ?

Abdou Karim Guèye est un prisonnier d’opinion, un prisonnier politique qui était dans le viseur du Président Macky Sall depuis longtemps. C’est le Préfet de Dakar, Alioune Badara Samb, qui, en 2017, nous a tenu des propos dans son bureau de la Préfecture de Dakar, qui révélaient qu’il y avait bien au plus haut sommet de l’Etat une affaire Abdou Karim Guèye et Nittu Dëgg ou si vous préférez un K Xrum Xax. Il nous avait dit que nous devions nous méfier de Abdou Karim Guèye, car il filait du mauvais coton à se mêler notamment de questions liées au terrorisme. Les autorités de ce pays en veulent depuis très longtemps à Abdou Karim Guèye pour sa contribution décisive avec les autres frères et sœurs du mouvement Nittu Dëgg Valeurs, à l’animation de la résistance en terre africaine du Sénégal.

Abdou Karim Guèye et Nittu Dëgg Valeurs sont une cible pour l’Etat néocoloniale sous Macky Sall. Aussi, chaque occasion est bonne pour casser du Xrum Xax. Mon frère, ami et camarade Abdou Karim Guèye est malade, c’est un secret de polichinelle. Sa vie court un grave danger. Mais que cela soit clair, tout ce qui arrivera au résistant et patriote Xrum Xax sera de leur responsabilité. Et Macky Sall doit méditer sur les émeutes en cours aux États-Unis, après l’assassinat raciste de la Police héritière du Ku Klux Klan de l’Afro-américain Georges Floyd. Si jamais il devait arriver la plus petite chose au patriote Karim Xrum Xax, le Président Macky Sall le regretterait toute sa vie. C’est pourquoi, je lui conseille de le libérer.

Je lance un appel à tous les démocrates pour exiger sa libération dont l’emprisonnement est devenu ridicule, car il se battait pour la reprise des activités économiques, sociales et religieuses. Maintenant que les marchés et les mosquées sont ouverts, accédant ainsi aux revendications de Abdou Karim Guèye, pourquoi le garder en prison ? Et ce sont les mêmes qui emprisonnent injustement le citoyen Abdou Karim Guèye qui sont étonnés de voir des Sénégalais danser à l’annonce de la maladie de Aliou Sall, frère du Président !

Je lance aussi un appel à tous nos concitoyens de confession musulmane qui ont commencé à fréquenter notamment les mosquées depuis peu, qui ont prié dans les mosquées le jour de la Korité. Si cela a été possible, c’est grâce au sacrifice de gens comme Abdou Karim Guèye Xrum Xax. Ce ne serait pas juste de jouir de la liberté d’aller prier à la mosquée aujourd’hui et se taire pendant que les Abdou Karim Guèye qui ont arraché cette réouverture des mosquées sont en prison à cause de cette lutte. Hissène Habrè n’est pas plus malade que Abdou Karim Guèye. Pourquoi ce deux poids deux mesures ? Parce que Hissène Habrè garde le silence sur les affaires du Sénégal, et que Abdou Karim Guèye touche du doigt là où cela fait mal dans ce Sénégal néocolonial.

«Les 7 100 FCfa donnés aux forces de défense et de sécurité sont une insulte, une incitation à racketter les populations»

Vous connaissez bien les prisons du Sénégal. Qu’est-ce que cela fait pour la population carcérale d’être interdite de visites depuis presque deux mois ?

«Personne ne peut prétendre connaître vraiment une nation, à moins d’avoir vu l’intérieur de ses prisons», disait Nelson Mandela. Mes emprisonnements, les uns plus injustes et arbitraires que les autres, m’ont confirmé la justesse du propos de Madiba. Les visites, pour beaucoup de prisonniers, sont le seul lien avec le monde extérieur. Leur en priver équivaut à priver à un parent de voir ses enfants le soir, de retour chez lui. Mais je comprends parfaitement cette mesure de l’Administration pénitentiaire qui est faite pour protéger les prisonniers en période de Coronavirus.

Je lance un appel à l’amélioration des conditions carcérales en termes de qualité et quantité des repas. Car les prisonniers non seulement ne reçoivent plus de visites, mais ne reçoivent plus non plus d’aliment de l’extérieur. Les nouvelles qui me viennent des prisons ne sont pas très bonnes. Les agents pénitentiaires vivent une situation scandaleuse. Certains ont été victimes de coupures dans leur salaire. Pis, leurs dépenses ont augmenté, ils donnent la dépense chez eux et se prennent en plus en charge pour leur restauration, car ils ne rentrent plus chez eux depuis plus de deux mois. C’est tout simplement scandaleux.

L’Etat n’a qu’à payer les agents pénitentiaires et prendre en charge leur restauration en prison ou leur donner des primes conséquentes. C’est encore le lieu de dénoncer vigoureusement les 7 100 FCfa donnés aux forces de défense et de sécurité qui, en plus d’être une insulte, sont une incitation, un encouragement fait aux forces de défense et de sécurité à soutirer, racketter les populations. Nous demandons à l’Etat d’avoir du respect pour nos policiers, gendarmes, militaires, agents des eaux et forêts, agents d’hygiène… Comment l’Etat peut-il augmenter le temps de travail de nos vaillantes forces de défense et de sécurité, de les exposer au Coronavirus sans les mettre dans de bonnes conditions ? Voilà pourquoi, nos concitoyens en armes doivent utiliser leurs cartes de vote contre cette politique néocoloniale.

Je lance aussi un appel à nos concitoyens en armes pour leur dire que leurs baïonnettes, leurs matraques, leurs grenades lacrymogènes, leur teaser doivent être intelligents. Nous défendrons leurs intérêts, mais nous ne pouvons cautionner les violences du genre de celles commises sur les membres de la famille Gningue, de Pape Sarr au Commissariat de Thiaroyen, de Seck Ndiaye, de Abdoulaye Timéra ou encore Elimane Touré.

La fin du Franc Cfa sonne-t-elle la fin de la mainmise française sur l’économie de ses anciennes colonies africaines, notamment le Sénégal ?

Dans le fond, l’Eco proposé par Paris est différent de l’Eco Cedeao. Que cherchent Macron et ses sous-préfets que sont les Présidents Sall, Ouattara, Eyadéma, Talon ? A torpiller, ni plus ni moins, le processus de monnaie unique de la Cedeao et à diviser les peuples et les pays de l’Afrique de l’Ouest. Ce que Macron propose, c’est Emmanuel Commande Ouattara (ECO). Nous n’en voulons pas. Les Africains ont élu Macky Sall, Ouattara, IBK, Kaboré, Talon, Biya, Bongo et non Macron. Je demande donc à nos élus africains de s’adresser aux peuples africains. A ce que nos Parlements et Conseils des ministres africains s’emparent de ce débat, mais que surtout les peuples africains, particulièrement la jeunesse, s’accaparent ce débat de sortie de la colonisation monétaire et en impriment le tempo.

Aux peuples africains, à la jeunesse de se mettre en ordre de combat afin de gagner la bataille pour la souveraineté monétaire. Dans cette perspective, le Frapp propose l’organisation de référendum dans les 14 pays africains de la Zone Franc pour qu’enfin, une fois dans l’histoire, les peuples africains soient consultés en matière monétaire. Pourquoi les peuples africains ne seraient jamais consultés ? Je préviens le Président Macky Sall : nous n’accepterons pas un scénario d’exclusion des citoyens sénégalais des décisions sur la monnaie. «Yolom signature» ou «Woyof signature», je veux nommer le Président Macky Sall, nous a habitué à signer n’importe quoi, allant des accords de pêche contre nos pécheurs artisanaux à l’accord de partenariat économique, en passant par la grâce présidentielle accordée à un trafiquant de faux médicaments ou notre pétrole à ce voyou de Franck Timis. Sur la question de notre monnaie, nous n’accepterons pas que les seize millions de signatures que les Sénégalais ont confiées au Président Macky Sall soient utilisées contre les intérêts monétaires du peuple sénégalais.

La lutte pour l’abolition de l’esclavage monétaire va donc continuer pour édifier, avec des Africains du Sénégal et des Africains des autres pays de la Zone Franc, un front pour la souveraineté monétaire qui défendra énergiquement le «Moom Sa Réew» monétaire. La France considère le Sénégal comme la vitrine politique de la Françafrique pendant que la Côte d’Ivoire est sa vitrine économique. C’est dire donc les enjeux liés au maintien de ces deux pays dans la Françafrique, car si un de ces deux pays sort du Franc Cfa Uemoa, ce Franc Cfa s’écroule. C’est pourquoi, nous, peuples et révolutionnaires anti-impérialistes panafricains du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, avons une responsabilité particulière dans la lutte pour une Afrique souveraine et unie. Si le Sénégal ou la Côte d’Ivoire sortent du Franc Cfa, le Franc Cfa de l’Afrique de l’Ouest tombera tel un château de carte.

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