Archive-29 Février 2012 [Contribution]-le vote sénégalais est-il fondamentalement rationnel ? Par Ahmadou Diop
En général quand on pose une question, c’est qu’on a déjà une idée ou une réponse plus ou moins bien préétablie, fondée, même si celle-ci peut paraître à la fois subjective ou objective.
D’où l’intérêt vital à apporter nécessairement un éclairage acceptable, cohérent et juste, de manière à cerner rationnellement la question posée avec un argumentaire bien défendable.
Mais quels que soient les éléments matériels apportés ici ou là, tendant à étayer de telles analyses probantes ou probables, il y a toujours ceux qui sont d’accord par conviction, parce que l’argumentaire bien ficelé et documenté est convainquant sur des bases rationnelles, à contrario, d’autres, à contre sens, c’est-à-dire, les thuriféraires, s’arcboutent derrière sur ce qu’on appelle la mauvaise foi par esprit partisan délibéré, même s’ils savent dans leur for intérieur que la défense de leurs leaders est totalement décousue avec la réalité des faits.
Cette mise au point nous paraît nécessaire sur la moralité des hommes politiques avant d’aborder notre sujet d’actualité. Car c’est bien la question qui fâche et heurte à plus d’un titre. Et pour cause. Et pourtant, nous sommes obligés de faire entendre notre musique. En politique, comme du reste, tout se tient. L’homme et le politique sont intiment liés par le même cordon ombilical, quoiqu’on puisse dire jusqu’à preuve du contraire. On ne peut jamais les séparer de quelle manière que ce soit, tant s’en faut. Revenons donc à la question posée.
Le vote sénégalais est-il fondamentalement rationnel ? Quelques questions sous- jacentes sont nécessaires d’abord ?
Le sénégalais choisit-il réellement en toute indépendance son candidat sur des critères de valeur palpables et tangibles ? La politique est-elle une ruse, une filouterie ? Un sacerdoce ? Les médias sont-ils des faiseurs de rois ? Ou s’agit-il alors, au contraire, de l’œuvre de lobbies tapis dans l’ombre aux intérêts bassement réciproques ? Peut-on élire un président de la république en faisant abstraction à sa moralité ? pas si sûr.
Quand on regarde le paysage politique sénégalais de l’indépendance à nos jours, on peut légitiment s’interroger sur la façon dont nos élites sont choisies. Cette interpellation est liée corrélativement à la maturité politique des citoyens aptes à juger et en toute connaissance de cause, parce qu’ils sont présumés suffisamment informés de la chose publique et doivent être d’abord imbus des consciences préalables, requises, c’est-à-dire, à savoir l’acquisition des paramètres obligatoires des arcanes politiques, de manière à choisir librement leurs clients. Pour cela, il faudrait absolument des institutions fortes, respectées et inviolables à la lettre, dans un état de droit qui le prouve tous les jours. Mais est-ce bien le cas hier et aujourd’hui ? Certainement pas. Chaque président qui arrive au pouvoir par les urnes parlantes imprime sa propre marque, fait la pluie et le beau temps, quand bien il a été élu sur le manteau de démocrate qu’il n’est jamais et affiche son visage hideux lorsqu’il est bien en bonne posture.
Le président Senghor a crée de toute pièce ce que l’on a appelé les événements douloureux de 62, en embastillant délibérément Mamadou Dia, président du Conseil avec la complicité tacite de l’extérieure pour éliminer politiquement un adversaire de taille sans qu’il y ait la moindre protestation d’une certaine stature apparemment respectable. Mieux, valdiodio ndiaye, le ministre de l’intérieur fut victime de la même cabale et qui vit sa propre famille humiliée, puis exilée de force en France. Omar Blondin Diop fut assassiné à l’indifférence quasi générale sous l’autel de ses convictions politiques et sûrement fond de jalousie intellectuelle. Abdou Diouf, le successeur de Senghor est le seul homme politique exceptionnel, jusqu’à présent, à déroger à la règle comme système de gouvernance pour fixer des contradictions politiques, car Abdoulaye wade est le pire président de la république de toute l’histoire de l’indépendance à nos jours.
Quoiqu’on puisse dire, il a réussi à imposer son calendrier électoral contre l’avis des sénégalais. Pire encore, selon sa propre volonté édictée, son ancien premier ministre qu’il a défenestré comme un malfrat suite à l’affaire de l’anoci semble être son rival de premier plan au second tour des élections présidentielles de 2012.
Alors, entre un Macky sall, hier, ingénieur de formation à la poche limitée, bizarrement extensible par le raccourci politique, une création pure convulsive, hautaine, orgueilleuse, qui a voté par force en 2007 sans daigner montrer sa carte d’identité, qu’on présente comme le vainqueur potentiel, sous l’autel d’un messie supposé, sorti de l’école de son maître, Abdoulaye wade, son inspirateur, aujourd’hui décrié sur la scène nationale et internationale, son idole, qui lui a donné tous les moyens de sa promotion sociale, avouons le aussi en âme et conscience, car avons-nous vraiment le choix pour dire la vérité, rien que la vérité ?
Entre la peste et le choléra, un choix s’impose malgré tout, car ni l’un, ni l’autre n’ont apporté rien à la république, si ce n’est que leurs ennuis financiers sont terminés depuis mars 2000.
En attendant, qu’on déchantera demain et sûrement, car la politique est devenue une promotion sociale dans notre Afrique, on y entre pauvre, mais on en sort les poches pleines à craquer. L’élève et son maitre sont pareils, c’est bonnet blanc et blanc bonnet pour aux esprits libres, décolonisés. Les mêmes causes reproduiront toujours les mêmes effets quand sera trop tard. Rien ne changera tant l’anomalie sera toujours comme un kyste.
La mauvaise cuisine se sent toujours par son odeur infecte. C’est ça l’Afrique qui continue de reculer au nom de l’obscurantisme et de la roublardise, sur fond de fatalisme bien voulu. Nous le répétons toujours.
Contrairement aux affirmations faussement distillées dans les consciences colonisées, selon lesquelles le maquisard des leurres a bien travaillé, l’envol du candidat de l’apr résulte tout simplement par son allégeance opportuniste à une certaine confrérie religieuse et sur fond de récupération ethnique « al pulaar » du vote communautariste, ayant opté massivement et délibérément pour son larron.
La démocratie doit absolument se jouer exclusivement sur un seul camp présumé vainqueur avant l’heure, l’envers du décor contre l’autre, au bon endroit pour son grade. Aussi étrange que cela puisse paraître, les sénégalais votent-ils sur catalogue, par procuration, mimétisme ambiant, sur commande recommandée, entre autres, tares, ethnocentrisme, communautarisme, appartenance religieuse, ethnique, sectarisme ou par médias interposés ? En tout cas, les faits palpables prouvent éloquemment cette vérité éternelle, qu’il est difficilement acceptable de le nier, au risque de tomber dans le ridicule.
Les deux concurrents apparemment en lice, ne dérogent nullement à la règle de l’immoralité politique par les preuves avérées de leur promotion sociale qui contraste avec leur passé lorsqu’ils tiraient hier le diable par la queue dans leur purgatoire.
L’abstraction de la moralité semble régenter la démocratie dans ce pays inintelligible.
En lieu et place des vraies sentinelles de la république, seuls les médiocres des leurres à l’honneur, restent éternellement les meilleurs devant l’éternel ! Seul à bord, l’envers du décor change dans la continuité de l’imposture, entretenue par la machine des rancunes et des rapines politiques. C’est pour cela peut être que l’Afrique n’est pas assez entrée dans l’histoire.
Le combat continue !
Ahmadou Diop