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Arrêts cardiaques en football: au Sénégal, la chaîne de survie diffère selon les compétitions

Après l’effroyable scène de l’arrêt cardiaque de l’international danois Christian Eriksen et la salutaire intervention des médecins et urgentistes, l’heure est aux questions sur l’existence et la fiabilité d’un dispositif médical approprié au Sénégal en de pareilles circonstances.

Samedi, 16h43, heure locale, malgré les effluves caniculaires d’un début d’hivernage, plusieurs téléspectateurs sénégalais ont été glacés par la scène devant leur poste de télévision. L’international Christian Eriksen est tombé raide sur la pelouse du Parken Stadium (Copenhague) où se jouait le match Danemark – Finlande de l’Euro de football (11 juin – 11 juillet 2021). « Il était « parti »… il a bien été victime d’un arrêt cardiaque et il a fallu aller très vite pour procéder à un massage », a raconté Morten Boesen, le médecin de l’équipe nationale de Danemark après la stupeur qui est passée par le détroit d’Oresund pour rallier l’ensemble du microcosme du football mondial.

Au Sénégal, si un cas similaire ne s’est « heureusement jamais produit lors d’un match de l’équipe nationale », pour le docteur Babacar Ngom, président de la commission médicale de la Fédération sénégalaise de football (Fsf), des dispositions ont été prises, imposées par le cas d’un joueur.

« Entre 2004 et 2006, Khalilou Fadiga à qui une arythmie cardiaque avait été décelée lors de son transfert à l’Inter de Milan (juillet 2003, ndlr) avait une prise en charge spécifique pour ses matches en équipe nationale. Quand il était à Bolton, par exemple, je formais une équipe avec un médecin du club anglais pour le suivre spécialement lors des matches du Sénégal », se souvient Docteur Ngom qui a pris le relais, chez les Lions, de Fallou Cissé en 2018, après le décès de ce dernier. Cette prise en charge à la carte est devenue une gestion au menu avec les règles et dispositions mises en place par la Confédération africaine de football (Caf) et la Fédération internationale de football (Fifa).

En effet, les 2 et 5 juin dernier, l’équipe nationale du Sénégal a joué deux matches amicaux contre respectivement la Zambie et le Cap-Vert. La commission médicale de la Fsf avait mis en place un plan d’action dans lequel il y avait la présence de trois médecins, de sept paramédicaux et deux hôtesses médicales, une équipe de la Croix-Rouge de cinq personnes, deux éléments des Sapeurs-Pompiers et le service national d’hygiène. La logistique allouée à ce personnel concernait une ambulance médicalisée dotée d’un défibrillateur avec un médecin, un urgentiste et un infirmier, la mise en disposition d’un camion-hôpital dans la cour du Stade Lat-Dior de Thiès, de 14h à 22h les jours de match et une ambulance d’évacuation des Sapeurs-Pompiers. Une telle disposition a un coût : 570 000 francs CFA. Pour les compétitions internationales qui se déroulent au Sénégal, un dispositif qui n’a rien à envier à celui des joutes occidentales est mis en place. « Pour la Can de Beach Soccer (23 au 30 mai 2021), le dispositif était composé d’une commission médicale de 13 personnes, dont un médecin, un cardiologue et un urgentiste, la Croix-Rouge (cinq personnes), d’une ambulance médicalisée (quatre personnes) et d’une hôtesse médicale », détaille Docteur Ngom.

Ce dispositif peut même prendre en charge des personnes en dehors des équipes qualifiées pour la compétition, comme ce fut le cas du journaliste et collaborateur extérieur de la Caf, Aliou Goloko. « Lors de la Can de Beach Soccer, en visitant les installations de la commission médicale, l’équipe sur place a jugé nécessaire de me faire un test quand je leur ai parlé de certains de mes antécédents médicaux. Il est apparu que j’avais un souci de santé prégnant. L’équipe médicale m’a pris en charge pendant près de trois heures pour des contrôles et analyses », raconte M. Goloko.

Le local touché par la crise des moyens

Si pour les matches de l’équipe nationale, il y a une prise en charge fédérale, pour le championnat national la donne est toute autre.  « Les matches et équipes du championnat local souffrent de l’absence de normes et de contrôle régulier », avertit Docteur Adji Mariétou Diop, cardiologue. Des défaillances dont les origines se trouvent dans le système d’organisation du championnat.  « Les matchs sont organisés par les clubs. Et certains n’ont pas toujours les moyens de disposer d’une équipe pluridisciplinaire capable d’intervenir en cas d’arrêt cardiaque », souffle un acteur qui requiert l’anonymat. « Ce n’est pas notre cas », rétorque Abdoulaye Sarr, Directeur du centre Génération Foot. L’ancien adjoint du sélectionneur Bruno Metsu en équipe nationale est formel, « la prise en charge médicale est une priorité à Génération Foot ». L’académie affiliée au Fc Metz (France) a un suivi médical de ses 130 pensionnaires : 30 pour l’élite qui joue en championnat, et le reste est constitué de la formation et de la préformation. « Pour pallier ces manquements, des cours de premiers soins sont dispensés à tous nos pensionnaires. On apprend aux joueurs comment on doit intervenir pour prodiguer les premiers secours. Nous sommes dans l’anticipation. Lors de certains matches, quand l’adversaire n’a pas les moyens humains, notre médecin fait le job sur le principe de l’assistance à personne en danger», poursuit Abdoulaye Sarr.

Du côté de la Ligue sénégalaise de football, on reconnaît certaines lacunes. « Il y a des choses à faire. Nous exigeons la présence d’un médecin dans chaque équipe du championnat mais la détention d’un défibrillateur n’est pas pour le moment obligatoire. Certains clubs comme Diambars ou Génération Foot en possèdent. Nous pensons faire évoluer prochainement les textes dans ce sens », avoue Amsatou Fall, son Directeur exécutif.

Ceux des organismes internationaux qui régissent le football mondial demandent également le respect de la chaîne de survie de la santé des arbitres. Sous l’impulsion de la Fifa, la Caf a décidé d’élever les standards de sélection des juges du jeu. « Les tests physiques pour les arbitres sont parfois plus durs que ceux effectués dans certains clubs », informe-t-on anonymement à la direction de l’arbitrage.  La même source rappelle l’histoire de l’arbitre Ismaël Diouf, victime de deux arrêts cardiaques lors de la préparation de la saison 2012-2013. « Après les premiers secours administrés par un médecin, il n’a pu être ranimé que 10 tours d’horloge plus tard », raconte-t-elle.

Deux ans plus tôt, c’est un jeune arbitre de 28 ans, Daouda Guèye, fils du défunt Amadou François Guèye, ancien président de la Commission centrale des arbitres (Cca) qui avait perdu la vie, lors de tests physiques.

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