Augmentation délibérée des prix du transport, en prélude de la tabaski : passe d’armes entre passagers et transporteurs
A moins d’une semaine de la Tabaski 2022 aussi appelée Aïd-ad Adha ou Aïd-al Kabir 1443H, Dakar comme à se vider de ses habitants. Des Sénégalais prennent d’assaut les gares routières pour rejoindre leur localité d’origine où ils ont prévu de passer la fête, en famille. Au garage Bignona de Grand-Yoff, comme chaque année, les voyageurs sont confrontés à une hausse considérable des prix du transport. Agacés par cette situation, les passagers expriment leur ras-le-bol et pointent du doigt les transporteurs ; alors que ces derniers se défendent et s’expliquent.
Les marchands installés aux abords de la ruelle bitumée qui mène au garage de Bignona attirent tous les regards. Les uns exposent des appareils électroniques et des accessoires, tandis que les autres vendent du petit déjeuner sous des tentes. Le vacarme dissone aux rythmes de mégaphones et décibels. Des apprentis, rabatteurs (coxeurs) et autres jeunes chargeurs, s’affairent autour des dizaines de bus horaires qui occupent ce grand espace contiguë au bassin de rétention derrière l’Hôpital Général Idrissa Pouye (HOGIP) de Grand-Yoff.
Ces cars de 70 places sont, pour l’essentiel, en partance pour plusieurs localités surtout intérieures des trois régions naturelles de la Casamance (Ziguinchor, Sédhiou et Kolda). Des centaines de personnes, en majorité des musulmans sénégalais, ont pris d’assaut le garage Bignona de Grand-Yoff, hier mardi, pour rallier leurs terres d’origine, à moins d’une semaine de la fête de Tabaski, appelée Aïd-al-Kabir ou Aïd-al Adha en arabe. C’est la cacophonie, au vrai sens du terme.
LES BILLETS PASSENT DU SIMPLE AU DOUBLE, VOIRE TRIPLE ; LES BAGAGES AUSSI
Sira et Léna Diedhiou sont deux sœurs trouvées sur place en train de se préparer pour le départ vers Marsassoum, commune située dans la région de Sédhiou. Elles déplorent une hausse «inacceptable» des tarifs de voyage. «Le ticket est très cher. Il était fixé à 6.500 francs CFA ; mais actuellement, avec l’engouement suscité par les départs massifs pour la Tabaski, on est dans l’obligation de payer 12.000 francs CFA. Les bagages, on n’en parle même pas. Les prix du transport ont connu une nette augmentation», regrette Sira Diedhiou.
Quant à sa sœur Léna, elle est très remontée. Elle demande la régularisation du marché du transport et dénonce l’anarchie qui règne dans ce secteur dans le pays. «On doit trouver des solutions pour stabiliser les prix. On a constaté qu’il y a trop de laisser-aller au Sénégal. La vie coûte chère. Et comme si cela ne suffisait pas, les frais de transport explosent délibérément aussi», se désole-t-elle.
Quelques pas en avant, Ibrahima Mané négocie des billets à destination de Diaoba (vers Marsassoum), avec sa femme et ses quatre enfants autour de lui. Il se dit ruiné par la cherté des tickets et frais de transport des affaires. «Nous menons une vie trop difficile. Avec la Tabaski, on a augmenté les frais de voyage. Les tickets de transport sont presque triplés. De plus, on m’a imposé de payer 45.000 francs CFA pour les seuls bagages, alors qu’en temps normal, je n’aurais déboursé qu’une somme comprise entre 5 000 et 7 000 francs CFA», confie le père de famille. Et Monsieur Mané d’en rajouter une couche : «chaque année, les transporteurs augmentent arbitrairement les prix des billets et les frais des bagages à l’approche de la Tabaski», dénonce-t-il.
LES TRANSPORTEURS SE DÉFENDENT ET S’EXPLIQUENT
Interpellé sur la hausse des tarifs notée à quelques jours de la Tabaski, Maba Diakhou Fall, le porte-parole du Syndicat national des Transports de Proximité (SNTP), par ailleurs chargé de communication du Regroupement national des Transports de Proximité du garage Bignona, donne sa version des faits. Il a tenté de convaincre du bien-fondé de la plupart des décisions prises par ses collègues, pourtant dénoncées par les usagers des moyens de transport qui font la navette entre Dakar et la Casamance. «Les tickets à destination de la Casamance sont en augmentation car, quand la demande est supérieure à l’offre, il y a impérativement une hausse des tarifs. On est à l’approche de la Tabaski et tous les clients vont dans la même direction, à savoir hors de Dakar».
Selon Maba Diakhou Fall, les transporteurs sont contre toute hausse et militent pour le maintien des prix normaux en cette période. Mais c’est sans compter avec la détermination des conducteurs et propriétaires des bus. «D’ailleurs, quand on a laissé intacts les prix l’année dernière, les bus ont complètement déserté le garage pour trouver des passagers à la gare routière des Beaux Maraîchers de Pikine, afin de pouvoir se faire le maximum de bénéfice», fait savoir Monsieur Fall, un homme de teint noir foncé.
DES MOUTONS PAYENT 5000 FRANCS CFA, AU LIEU DES 10.000 VOULUS PAR LES APPRENTIS
«Imagines-toi le bus qui doit consommer 180.000 francs CFA de carburant à l’aller et le même montant au retour. À cela s’ajoute les frais de voyage du personnel du véhicule, ainsi que les 17.000 francs CFA relatifs au laisser-passer pour la traversée du pont de Farafenni, en Gambie. Si la voiture est pleine de passagers à l’aller, elle rentrera vide sur Dakar ; donc sans aucun client. Il faut aussi que les gens tiennent en compte de tous ces aspects-là», soutient le syndicaliste.
Toutefois, il affiche son opposition à l’augmentation des tarifs liés au déplacement des bagages et moutons de Tabaski. «J’avais dit aux apprentis-chauffeurs d’arrêter d’imposer des prix exorbitants pour le transport des bagages. Et puis, lorsqu’on a réalisé qu’il y en a qui demandent 10.000 francs CGA pour le déplacement des moutons, nous avons dit niet, personne ne va payer plus de 5000 francs CFA. Nous sommes quand-même des responsables», assure le porte-parole du SNTP.
LE TARIF DU TRAJET DAKAR-BAKEL INCHANGE, L’EXCEPTION QUI CONFIRME LA REGLE DE LA HAUSSE GENERALISEE
Maba Diakhou Fall de terminer son argumentaire par une note positive. «Le tarif du trajet Dakar-Bakel, soit 950 kilomètres, reste inchangé. Les clients donnent toujours 10.000 francs CFA comme avant cette période», conclut-il.
L’un dans l’autre, en plus du coût des moutons qui devient de plus en plus cher, Tabaski rime non seulement avec l’augmentation des prix du transport, mais aussi des denrées au Sénégal. Les autres fêtes musulmanes, comme le Gamou et le Magal font aussi grimper les tarifs, au grand dam des fidèles. Les instances officielles de régulation des marchés, chargés de veiller à l’effectivité de l’application effective des prix et billets homologués brillant par inefficacités et limites dans les missions qui leur sont assignées, à savoir le contrôle des prix.
Papa Moussa CAMARA (Stagiaire)