AFRIQUE

Barkhane se retire du Mali : Le terrorisme plus présent que jamais en Afrique

Barkhane se retire du Mali : Le terrorisme plus présent que jamais en Afrique
Le 15 août 2022, les derniers soldats français quittaient la ville de Gao pour le Niger. Ce départ de l’armée française est aussi le début de quelque chose que personne ne peut définir pour l’instant. Tant la situation au Mali aux mains d’un pouvoir de transition reste complexe, volatile, de guerre ouverte, avec des milliers de morts et de multiples souffrances pour la population. Le Mali, épicentre des groupes terroristes au Sahel, est de plus en plus la proie des compétitions géostratégiques.

Si ce départ de Barkhane est un chassé-croisé entre la France et la Russie, des soutiens aux groupes terroristes islamistes projettent leurs ombres depuis l’Arabie saoudite et le Qatar. Que va devenir le Mali après le départ de l’ancienne puissance coloniale intervenue en sauveur mais n’ayant pas eu le remède au mal, neuf ans durant ? La Russie réussira-t-elle là où la France a échoué ? Que vont faire les groupes terroristes qui peuvent se féliciter de cette victoire puisqu’ils réclamaient le départ des troupes françaises ? La junte va-t-elle continuer à agiter la France comme ennemie éternelle et cause perpétuelle de tous les maux du pays ?

Cette date de l’Assomption du calendrier de l’église catholique, le 15 août est aussi la même il y a un an qui a vu l’armée américaine abandonner Kaboul et l’Afghanistan aux mains des Talibans. La France quitte le Mali sans tambour ni trompette, alors qu’il est toujours en proie au terrorisme et que la junte malienne a jeté son dévolu sur une autre puissance impérialiste, la Russie, pour faire à la place des Français, la guerre aux terroristes. Niamey est une escale technique pour quitter le Sahel pour la plupart des soldats de l’opération Barkhane dont l’effectif sera réduit de moitié et sera dispersé dans plusieurs pays. L’opération militaire extérieure française la plus coûteuse financièrement et humainement (un milliard d’euros et 59 soldats français morts au Sahel selon le journal français Le Figaro) prend fin, sans gloire.

Ce départ des français se fait en bon ordre certes, mais les causes sont les mêmes. Américains et Français s’en vont sans avoir vaincu l’ennemi terroriste, en mauvais termes avec leur allié dans la lutte. Ce départ est une défaite pour les Français et les Maliens, seuls les terroristes peuvent y voir une victoire, car ils ont réussi à casser le bloc qui les combattait en deux parties qui ne sont plus en bons termes et ne sont pas loin de s’entre tuer verbalement.

9 ans durant contre les mêmes ennemis sans unité de lutte

Ce départ de la France est dû aussi aux mésententes sur les choix stratégiques bien avant l’arrivée de la junte au pouvoir. Depuis le pouvoir du président élu Ibrahim Boubacar Keita, le choix de Paris de travailler avec le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) à Kidal et de refuser l’entrée des troupes des Forces armées maliennes (Fama) dans la ville était contesté par l’opinion publique et les pouvoirs sahéliens du Burkina et du Mali pensaient qu’à la guerre, il fallait associer la négociation, ce que le pouvoir français refusait de façon dogmatique.

Sur le terrain, les militaires français réussissaient à couper des têtes des chefs djihadistes mais de nouvelles têtes repoussaient sur la pieuvre qui a gagné du terrain. Au total en 9 ans, les pertes sont énormes côté français comme côté sahélien et la menace terroriste a augmenté son emprise atteignant les pays côtiers du sud (Bénin, Togo, Côte d’Ivoire). Face à l’échec, les alliés se sont déchirés sur les responsabilités au sommet de Pau en 2020 où Macron accusait ses collègues présidents de ne pas calmer leurs opinions au sein desquelles le sentiment anti-français se développait, menaçant de se retirer. Les autres aussi reprochant à la France de ne pas faciliter l’acquisition des armes pour les troupes du G5 et de s’opposer à la négociation avec les terroristes nationaux.

En réalité, cette guerre contre le terrorisme a montré la méconnaissance générale que nous avons de cette guerre complexe dont les racines multiples sont dans nos sociétés. Des étrangers soutenus par des monarchies du golfe ont implanté dans le cœur des sahéliens, le désir et la volonté de prendre des armes contre leurs pays et leurs frères pour diverses raisons sociales, religieuses, ethniques et financières et nous ne savons pas comment nous y prendre pour y mettre fin.

Voir midi à sa porte

Ce départ de Barkhane arrange tout le monde et chacun le présentera à ses troupes et à son opinion comme une victoire, tant nous sommes en guerre et l’information et la propagande se mêlent et sont partout. La France dira qu’elle s’est retirée honorablement du bourbier malien, pas comme les américains en Afghanistan. Parlons des bonnes nouvelles, ne parlons pas des groupes terroristes qui ont essaimé au Burkina et au Niger et sont maintenant dans trois pays de la côte atlantique. La junte malienne et ses soutiens de par le monde vont se vanter d’une victoire sur l’impérialisme français qu’ils auraient chassé du Maliba (grand Mali) pour faire place au Mali kura (Mali nouveau).

Chacun voit midi à sa porte. Sans avoir tiré un seul coup de feu contre les troupes françaises qui ont pris le temps qu’ils voulaient pour ramasser leurs bardas et partir libres comme le vent, on peut se vanter de les avoir mis à la porte ! Les militaires ou mercenaires russes peuvent dire que la France a dégagé en les voyant, leur laissant le champ libre. Et enfin last but not least, les groupes terroristes qui réclamaient le départ des troupes françaises peuvent crier victoire, sauf que selon leur doctrine, les Russes sont aussi des infidèles et des étrangers que la junte a fait venir.

Ramener la paix

Maintenant que Barkhane est parti, la junte malienne a le champ libre pour ramener la paix au Mali selon ses choix tactiques et stratégiques et aussi organiser les élections comme elle l’a promis à la CEDEAO. Elle semble ne pas être pressée de mettre son fer au feu, et préfère ruminer toujours le passé en accusant la France d’avoir fourni des renseignements et des armes aux groupes terroristes juste après le départ de Barkhane. Bamako a intérêt à fournir des éléments palpables et probants de cette accusation à l’ONU si le pouvoir ne veut pas être rabaissé au niveau des agitateurs des réseaux sociaux colporteurs de toutes sortes de rumeurs qui font de la France le deus ex machina de tout ce qui se passe dans nos pays. Si ces preuves ne sont pas avancées, c’est comme si le pouvoir cherchait encore un moyen de se défausser de ses responsabilités.

L’arrivée des mercenaires russes de Wagner, que nous appellerons instructeurs russes pour adopter les éléments de langage de la junte, va-t-elle mettre fin au conflit ? En matière de lutte contre le terrorisme il faut se rappeler que les talibans ont défait les Russes avant les Américains.

Soutien de la France ou pas, les groupes terroristes ne vont pas abandonner leurs objectifs et la junte devrait rester concentrée aussi sur le sien en les combattant et en ne perdant pas trop d’énergies dans des batailles oratoires à l’ONU.

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