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Burundi, les élections du 20 mai à haut risque

La rédaction de Mondafrique

Les élections présidentielles, législatives et municipales, du mercredi 20 mai 2020, n’échappent pas aux habituelles atteintes criminelles aux droits de l’homme et du citoyen que connait le Burundi. Le président Pierre Nkurunziza n’est pas candidat à sa succession. 

Si l’autocrate Paul Kagame peut faire valoir des progrès indiscutables dans le développement du Rwanda, ce n’est nullement le cas au Burundi pour le despote Pierre Nkurunziza

Au Burundi, la cohabitation entre les Hutu, représentant environ les trois-quarts de la population, et les Tutsi, au pouvoir jusqu’en 1993, n’est pas encore à l’heure de la pacification.

La fracture entre Hutu et Tutsi

Sans atteindre le paroxysme du génocide rwandais et de ses répliques, les événements sanglants n’ont jamais cessé au Burundi, depuis les présidences hutues dramatiquement écourtées de Melchior Ndadaye, assassiné le 21 octobre 1993, cent jours après son investiture et de son successeur, Cyprien Ndaryamira, deux mois après son élection, dans l’attentat du 6 avril 1994, ayant également visé son homologue rwandais Juvénal Habyarimana.
Les braises de la guerre civile (1993-2005),  ne sont pas encore éteintes, aussi toute nouvelle élection peut les rendre encore plus incandescentes. Au Burundi, les campagnes électorales et les lendemains post électoraux sont souvent émaillés de violences extrêmes, susceptibles de rallumer la guerre civile latente.

Sans méconnaître le sort des opposants de tous horizons, on peut néanmoins constater que la communauté tutsie continue de payer un lourd tribut depuis l’arrivée au pouvoir, en 2005, de l’ancienne rébellion hutue des  » Forces de défense de la démocratie », commandée par Pierre Nkurunziza et Evariste Ndayishimiye, son dauphin désigné pour l’élection du 20 mai 2020.  

Des rébellions au pouvoir

Au Burundi, comme au Rwanda, les rébellions, à connotation ethnique antagoniste, se sont imposées à la suite  d’une âpre guérilla. Le chef de guerre tutsi vainqueur au Rwanda, Paul Kagame, a été élu chef de l’Etat par le Parlement, en 2000, tandis que le chef rebelle hutu, Pierre Nkrunziza, sera élu président de la République du Burundi en 2005. À Kigali et à Gitega, les extrémistes de l’une et de l’autre communauté ne sont pas éloignés du pouvoir en place, comme la milice Imbonerakute proche du parti présidentiel burundais qui vient encore de s’illustrer durant la présente campagne électorale.

Si l’autocrate Paul Kagame peut faire valoir des progrès indiscutables dans le développement de son pays, ce n’est nullement le cas pour le despote Pierre Nkurunziza dans la gouvernance de son pays, devenu l’un des plus déshérités de la planète.

Le « renoncement » du président Nkurunziza

On pourrait se réjouir de la décision de Pierre Nkurunziza, de ne pas solliciter un nouveau mandat consécutif anticonstitutionnel. Ce renoncement ne semble toutefois pas ressembler à un retrait de la vie politique. Après quinze ans de présidence, Pierre Nkurunziza, à la tête du parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie- Forces de la défense de la démocratie (CNDD-FDD), entend bien peser sur ces élections. A certains égards, on peut évoquer l’élection présidentielle en RDC. Après deux années d’atermoiements, le difficile renoncement de Joseph  Kabila pour un troisième mandat anticonstitutionnel, n’a guère signifié son retrait de la vie politique. En dépit de sa volonté d’émancipation, Félix Tshisekedi, président élu à la surprise générale, reste sous l’ombre tutélaire de Joseph Kabila, à qui il est redevable de son élection. Pierre Nkurunziza a bien retenu la leçon donnée par Joseph Kabila aux bisounours étrangers qu’ils appartiennent à l’Union africaine, à l’Union européenne et évidemment aux responsables hors-sol de l’ONU. A 55 ans, Pierre Nkurunziza,  » le Guide suprême éternel » du CNDD-DD, ne compte pas prendre sa retraite. Il pense probablement que sa « mission divine », commencée en 2005 n’est pas encore terminée, au grand dam des centaines de milliers de victimes, d’exilés et de prisonniers politiques.

Deux généraux hutus en compétition 

En ce 20 mai 2020, six candidats brigueront la succession de Pierre Nkurunziza. En réalité, la compétition oppose deux généraux, au lourd passé, qui s’affrontent, après une campagne électorale, loin d’être fraternelle. Le général major Evariste Ndayishimiye (52 ans) représente le CNDD-DD et le clan présidentiel. Cela sera probablement suffisant pour battre son challenger, le général Agathon Rwasa (56 ans) qui avait été vaincu par Pierre Nkurunziza, en 2015, avec près de 19% des voix. Le général Agathon Rwasa a longtemps commandé une autre rébellion hutue, les Forces nationales de libération (FNL), jadis tristement célèbre dans les exactions contre la population tutsie. Ce passé de guérillero et d’éternel opposant lui vaut une popularité chez les innombrables réfractaires au régime actuel, y compris curieusement dans la communauté tutsie. Ces deux généraux maquisards ne rechignent pas à jouer la corde messianique pour s’attirer les électeurs ayant encore leur libre arbitre. Le général Agathon Rawsa est actuellement porté par une ferveur populaire qui pourrait bien le conduire à ne plus se contenter d’une contestation formelle, en cas de prévisible défaite. 

Plus qu’un confinement pour se protéger du Covid-19,  » que le grâce divine a épargné », le Burundi poursuit son enfermement politique, sanitaire et économique. Les observateurs internationaux ne viendront pas pour les élections du 20 mai 2020, les provocations et intimidations politiques se multiplient, les médias sont muselés, la Commision électorale nationale indépendante est aux ordres du pouvoir, le Covid-19 autorisera tous les tripatouillages, les représentants de l’OMS ont été chassés du pays, l’économie sera un peu plus en berne avec la fermeture des frontières et la pénurie des devises. D’ores et déjà, en prévention des manifestations populaires d’hostilité, « un plan de prévention contre le Covid-19 » serait en préparation pour interdire les regroupements humains et instaurer un strict couvre-feu. A la veille des élections, les Burundais retiennent leur souffle et des chancelleries diplomatiques redoutent un nouveau conflit ouvert, avec des risques de contagion dans une région déjà bien perturbée.

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