Comment Macky Sall a façonné le mastodonte Sonko
Parti de rien, le leader de Pastef s’est construit via un discours axé sur les principes de bonne gouvernance et de transparence. Les nombreuses machinations du régime contre sa personne n’ont pas produit le résultat escompté.
En plus d’être un phénomène adulé par une grande proportion de la jeunesse et de la diaspora, Ousmane Sonko est entré dans l’histoire politique du pays. Redoutable opposant de Macky Sall, il vit l’un des tournants de sa vie. Parti de rien, il s’est construit via un discours axé sur les principes de bonne gouvernance et de transparence. Mais force est de constater que les nombreuses machinations du régime contre sa personne n’ont pas produit le résultat escompté et ont renforcé sa cote de popularité.
Le jeune inspecteur des impôts et des domaines a su surfer sur un bon discours politique fortement penché sur les manquements de l’administration Sall en termes de reddition des comptes, de bonne gouvernance et de transparence. Préoccupé durant son premier mandat par la chasse aux sorcières en emprisonnant notamment une bonne partie de ses ex-frères libéraux, Macky Sall ne pouvait pas mesurer le danger que pouvait représenter Ousmane Sonko.
Durant cette période de traque des biens mal acquis et de forte adversité politique contre le Parti Démocratique Sénégalais (Pds), Sonko s’estfrayé lentement et sûrement un chemin politique. Il est porté en 2014 à la tête des Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (Pastef). Son discours n’était pas tout à fait nouveau parce qu’entretenu à l’époque par une certaine frange de la société civile et des hommes politiques comme Mamadou Lamine Diallo de Tekki. Mais Ousmane Sonko s’est démarqué par les méthodes et les canaux utilisés. Brûlots, plateaux médiatiques, réseaux sociaux, rien n’est laissé au hasard pour conscientiser les masses sur des sujets a priori techniques et peu débattus dans l’espace public. Il s’est surtout fait remarquer avec des révélations fracassantes sur la gestion du fisc, des hydrocarbures, etc.
En 2016, le régime sort de son sommeil et découvre le phénomène Ousmane Sonko qu’il a essayé de liquider aussitôt. Sans tarder, le Président Macky Sall a radié l’opposant de la Fonction publique pour manquement à l’obligation de discrétion professionnelle prévue par la loi sénégalaise. Il était reproché à Monsieur Sonko ses accusations contre plusieurs personnalités sénégalaises d’avoir illégalement bénéficié d’avantages fiscaux. Et parmi les personnalités visées par Ousmane Sonko, figurait le frère du chef de l’Etat, Aliou Sall qu’il a accusé d’avoir profité d’une exonération fiscale de plusieurs millions Fcfa, dans le cadre de sa participation à une société pétrolière. En plus, le leader des Patriotes dénonçait le fait que l’impôt sur les salaires des députés n’ait pas été prélevé pendant plusieurs années. Certains étaient convaincus que le fait de chasser l’opposant de l’administration était une manière de le museler. Mais en retour, le leader de Pastef a gagné en aura et en sympathie au sein de l’opinion sénégalaise. Ce qui lui a valu lors des législatives de 2017 un poste de député même s’il devait son siège au fameux «plus fort reste».
QUAND LES FIBRES ETHNIQUES ET RELIGIEUSES SONT SOULEVÉES
Mais loin de décrypter tout cela de façon lucide, le Président Macky Sall et son régime ont préféré pousser le bouchon trop loin en jouant la carte de la stigmatisation à la veille de l’élection présidentielle de 2019. Ainsi, ses origines casamançaises ont été soulevées. Et il a été taxé de rebelle par des partisans du régime dont le député Moustapha Cissé Lo très proche à l’époque du Président Macky Sall. Ensuite, le régime a joué sur la fibre religieuse le présentant comme un salafiste anti-confrérie. Mais cela n’aura pas servi à grand-chose puisque son électorat a été multiplié par dix entre les élections législatives et la présidentielle de 2019. D’autant qu’il est passé de 65 235 électeurs aux législatives à 587 000 voix à la présidentielle soit 15,67 % de l’électorat. Qui plus est, il a fait des régions du sud et de la diaspora ses véritables bastions.
PLAINTES CONTRE SONKO
Dans son entreprise d’élimination politique du leader des Patriotes, le régime a sollicité à plusieurs reprises la justice. En effet, le régime n’a jamais pas caché sa volonté de voir Ousmane Sonko croupir en prison. Comme cela a été le cas après que ce dernier a mis sur la place publique l’affaire des 94 milliards Fcfa ou Tf 1451/R dans laquelle il accuse le Directeur des Domaines de l’époque Mamour Diallo de détournement dans ce dossier d’indemnisation foncière. A préciser que le député Sonko avait même porté plainte auprès du juge d’instruction. Mais entretemps, l’Assemblée nationale qui s’était saisie du dossier via une commission d’enquête parlementaire a blanchi l’ancien Directeur des domaines. Et celui-ci n’avait pas tardé à répliquer en portant plainte contre Ousmane Sonko pour diffamation. Les langues n’avaient pas manqué de se délier avec même des supputations sur la levée de son immunité parlementaire. Cependant, la plainte est restée sans suite ; tout au moins aucune évolution n’a été donnée à ce dossier.
OUSMANE SONKO, FIGURE DE PROUE DE L’OPPOSITION
Aujourd’hui, une autre plainte plane sur la tête de Ousmane Sonko venant d’une parfaite inconnue de l’espace public. Il s’agit de viols répétitifs dont fait état une certaine Adji Sarr contre le candidat arrivé deuxième à la dernière présidentielle. Une affaire à première vue privée, mais fortement politisée. Si les Patriotes parlent de machination, leurs détracteurs pensent qu’Ousmane Sonko veut politiser l’affaire pour s’en sortir. Pour l’heure, les tractations sur la levée de son immunité parlementaire sont bon train. Mais, quoi qu’il en soit, le leader des patriotes gagne toujours en points puisqu’il semble apparemment fédérer l’opposition et une bonne frange de la société civile autour de sa personne. Surtout que celui qui devait incarner le statut de chef de l’opposition, Idrissa Seck a rejoint la mouvance présidentielle préférant la sucette du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE). Incontestablement Ousmane Sonko est la figure de proue de l’opposition qui devra faire face à Macky Sall durant son deuxième mandat et éventuellement lutter contre un éventuel troisième mandat.