Côte d’Ivoire : une enquête journalistique sur le trafic de drogue fait grand bruit dans le pays
Une enquête journalistique sur le trafic de drogue impliquant les mafias italienne et colombienne fait grand bruit en Côte d’Ivoire. Certaines personnalités politiques citées ont annoncé des poursuites judiciaires.
Une enquête menée par deux journalistes Nicholas Ibekwe et Daan Bauwens à Abidjan, en Côte d’Ivoire, sur les lieux de transit du trafic de drogue pour le compte des mafias italienne et colombienne et impliquant de façon présumée de hautes autorités politiques de la Côte d’Ivoire ainsi que des membres du showbiz, fait actuellement grand bruit dans le pays.
Publiée à travers une série d’articles par Vice Media, l’enquête intitulée « Comment votre conso de coke fout la merde en Afrique de l’Ouest » présente la ville portuaire d’Abidjan, à l’instar de Dakar (Sénégal) et Lagos (Nigeria), comme l’un des maillons indispensables de la route de la cocaïne qui lie l’Amérique du Sud à l’Europe via l’Afrique de l’Ouest.
« La coke à destination d’Anvers, de Naples ou de Rotterdam fait souvent escale à Dakar, Lagos ou Abidjan d’abord. Dans le monde de la lutte internationale contre la criminalité, cette route est appelée Highway 10, allusion faite à la dixième latitude, et c’est la route la plus courte de l’Amérique du Sud à l’Afrique de l’Ouest », expliquent les journalistes.
Immergés dans la capitale économique ivoirienne, les journalistes décrivent toute une industrie de la drogue qui s’est répandue dans le pays, impliquant aussi bien des expatriés européens et nigérians, des membres du showbiz, que certains membres influents de l’administration et même du gouvernement ivoirien.
« L’histoire suit le même schéma que celle de la Highway 10 : au départ, les cartels colombiens ont cherché l’aide de la mafia nigériane pour faire passer la cocaïne par l’Afrique de l’Ouest. La mafia nigériane avait besoin de l’aide des autorités des ports mondiaux. Ces autorités sont payées en coke, ont une vue sur l’activité et voient rapidement combien d’argent elles peuvent gagner dessus », font remarquer Nicholas Ibekwe et Daan Bauwens. « Comme dans d’autres pays africains, l’industrie de la musique servirait à blanchir les profits du trafic de drogue. En Côte d’Ivoire, les stars de la pop vivent comme des millionnaires, mais on ne sait pas d’où vient leur argent puisque seul un petit pourcentage de leurs fans a les moyens d’acheter des disques ou des places de concert », soutiennent-ils.
La publication de trois articles sur la série de cinq prévus sur cette enquête a vite fait de soulever une vive polémique en Côte d’Ivoire au point où certains artistes du showbiz ivoirien ont réagi tout comme un membre du gouvernement particulièrement visé par certaines allégations. Cité nommément dans cette enquête, le ministre ivoirien de la Défense, Hamed Bakayoko, a dans un communiqué, dénoncé des « allégations » qui vont à l’encontre de ses « principes de vie ».
« Dans mes charges de ministre de la Sécurité en Côte d’Ivoire pendant plus de 7 ans et celles actuelles de la Défense, les résultats obtenus dans la lutte contre la drogue sont mondialement reconnus. Ces actions qui se sont soldées par de nombreuses arrestations, saisies et démantèlements de réseaux mafieux ont valu des félicitations internationales à la Côte d’Ivoire », se défend-il.
Estimant qu’il s’agit d’une « orchestration grossière ourdie par des commanditaires dont le dessein n’échappe à personne », le ministre ivoirien de la Défense a annoncé des poursuites judiciaires contre les deux journalistes. « Au regard de ces insinuations extrêmement graves et diffamatoires, j’ai décidé de porter plainte contre Messieurs Ibekwe Nicholas, Daan Bauwens et les relais ».