Crise nergtique en Cte dIvoire : lappel et les propositions du FPI

Depuis le mois davril, de longues coupures d’lectricit sont constates dans toutes les grandes villes du pays, y compris Abidjan.

La confdration des consommateurs de Cte d’Ivoire (COC-CI) slve contre “des perturbations brusques et inattendues” qui “bouleversent ” la vie des consommateurs.

Quant la Confdration des grandes entreprises de Cte d’Ivoire (CGECI), elle crit au Premier Ministre pour dnoncer “une crise nergtique” qui entrainera des consquences techniques, conomiques et sociales dsastreuses pour les entreprises et pour lconomie nationale .

2-Lorigine du problme

Selon le gouvernement, le dlestage en cours serait d la conjonction des vnements suivants :

a) Le bas niveau de l’eau des barrages d la faible pluviomtrie et aux changements climatiques qui limitent la production hydrolectrique
b) Linsuffisance de l’offre de gaz naturel qui limite la production thermique.
c) Des pannes la centrale thermique d’Azito d’Abidjan qui gnre le tiers de l’lectricit du pays

Au total, ces perturbations creraient un dficit de 200 MW qui ne serait rsorb quen Aot 2021.

3- La solution propose par le gouvernement

Le gouvernement rend les armes, accepte le dlestage et espre la venue de la saison des pluies pour augmenter la pluviomtrie pour remplir les barrages et accroitre la production hydraulique pour soulager les populations et les entreprises et arrter lhmorragie en Aot 2021. En attendant que les Dieux de la pluie coutent ses prires, le gouvernement propose les solutions suivantes :

a) Contenir la colre des mnages en maintenant tant bien que mal, la fourniture de llectricit domestique

b) Mettre en uvre un plan de dlestage de 145 grandes entreprises industrielles. Ces dernires seraient alimentes en lectricit de faon alterne, pendant 12 heures sur une plage de 48 heures .

II/Analyse et propositions

1- La production lectrique en Cte dIvoire

La production lectrique Ivoirienne est assure par sept (7) centrales hydrolectriques, quatre (4) centrales thermiques et une quarantaine de groupes lectrognes pour les sites non raccords au rseau. En 2019 ce dispositif dune puissance totale installe denviron 2 202 Mgawatt a gnr une production annuelle de 10 613 Gwh, repartie raison de 88,17% en consommation nationale et 11,83% en exportation.

Les quatre centrales thermiques (Ciprel, Azito, Aggreko, Vridi) assurent elles seules 67% de la production et les centrales hydrolectriques, 33% de la production. La fourniture lectrique en Cte dIvoire est donc trs tributaire des centrales thermiques (30% pour Ciprel, 22% pour Azito, 9% pour Aggreko, 0,8% pour Vridi et les centrales isoles).

2- La consommation lectrique en Cte dIvoire

De manire gnrale, la structure de la consommation nationale selon les secteurs conomiques est la suivante (ministre de lnergie) :

a) Rsidentiel : 39%
b) Industriel : 41%
c) Autres secteurs (tertiaire, agricole et clairage public) : 20%

La demande en nergie croit en moyenne de 8 % par an sous la pression de la consommation rsidentielle et industrielle.

Entre 2018 et 2019, le nombre des abonns est de 2 196 725 2 538 154, soit une hausse de 16%.

En clair, la progression de la demande est bien connue et sa structure est bien prcise. Il est donc loisible au gouvernement de planifier les investissements dans loutil de production en vue de faire face efficacement cette demande.

3- Limprparation du gouvernement

Etant donn le rle de plus en plus stratgique jou par le thermique dans le mix nergtique, des capacits de production suffisantes auraient d tre installes pour accroitre loffre. Depuis 2011, le gouvernement chante sa volont de porter 4 000 MW, les capacits de production. A ce jour, nous sommes seulement la moiti, soit 2 202 MW.

Au-del des capacits nouvelles prvoir, cest surtout la ngligence des outils de productions existantes qui accentue les problmes de fourniture dlectricit.

En effet, la centrale de FAYE de 5Mw est larrt depuis 2017. A BUYO un dficit de puissance installe de 55Mw est observ avec larrt du groupe 3 depuis 2015. A Vridi, la Turbine gaz est larrt depuis 2017.

Ainsi au lieu de citer la faible pluviomtrie dont les effets sont prvisibles depuis bien longtemps, les pannes techniques inhrentes toute activit de ce type, cest plutt le manque danticipation du gouvernement qui est la base de la situation drastique que nous vivons en ce moment. O sont les investissements prvus pour porter la capacit de production nationale 4 000 MW. Cette imprparation nous laisse penser que le dlestage actuel nest que le signe annonciateur dune plus grave crise nergtique dans le pays et dont les consquences conomiques ne manqueront pas de peser sur la vie de la nation.

4- Impacts conomiques

Dans leur lettre au gouvernement, les industriels insistent sur la dtrioration de leurs outils de production suite aux arrts occasionns par le dlestage. Cela entrainera des pertes dexploitations qui engendreront des licenciements techniques. Les entreprises seront dans limpossibilit dhonorer leurs engagements vis–vis des banques et de leurs fournisseurs et distributeurs. Par consquent, les approvisionnements en biens et vivres risquent de manquer sur les marchs. Le secteur informel, fait de petits mtiers et qui emploie plus de 80% de la population active, se verra galement lourdement handicap par les coupures de courant. Ainsi les pressings, restaurants/maquis, quincailleries, etc. des quartiers vont devoir baisser leur activit et mettre galement en cong leurs personnels et se montrer insolvables vis–vis de leurs fournisseurs. Ainsi la glissade de lconomie ivoirienne plombe par la crise du COVID 19 avec un taux de croissance 1, 8% en 2020, pourrait continuer. En effet, une sous production entre Avril et Aout 2021, soit 5 mois, pourrait coter une baisse de 2 points de taux de croissance. Ainsi les prvisions de 2021 qui stablissaient 6,2% de taux de croissance seraient en dfinitive autour de 4%.

5- Nos propositions

Lnergie est la base de tout effort industriel et mme plus simplement, lingrdient de tout dveloppement conomique et humain.

Faire merger un pays, cest avant tout lui donner une assise nergtique incontestable. Cest pourquoi il faut anticiper et toujours prvoir des solutions innovantes pour rpondre aux attentes des populations et des exigences conomiques.

Ainsi notre proposition se dcline en deux phases.

a) Dans limmdiat.

Nous abondons dans le mme sens que les industriels ivoiriens en rclamant des mesures durgences relatives la suspension des droits et taxes limportation des groupes lectrognes et du gaz, et la dductibilit partielle ou totale des dpenses lies aux deux oprations cites.

Il faut encourager et dfiscaliser limportation des panneaux solaires usage domestique installer aux faades et sur les toits des immeubles dhabitation pour rsorber dans un bref dlai les besoins en nergie des mnages.

b) Dans le moyen et long terme

Dans la mesure o le thermique continuera de dominer la production nergtique de la Cte divoire dans un avenir prvisible, il conviendra dautonomiser la production/distribution en direction du secteur industriel. Ainsi un parc industriel ou un groupe dindustries sur un site bien prcis pourraient produire leur propre nergie ou se fournir avec un prestataire situ sur les lieux. De manire gnrale, il faut continuer les investissements pour laccroissement des capacits de productions actuelles.

Il faut galement relancer lexploration pour des nouveaux gisements gaziers pour soutenir ces investissements.

La contribution des nergies renouvelables doit tre mise en uvre le plus vite pour enfin porter le mix nergtique 60%-40% (thermique et hydraulique 60% et 40% pour le renouvelable).

De concert avec les autres pays de la CEDEAO, il faut envisager la construction dune centrale nuclaire civile qui approvisionnerait lensemble de la rgion.

Dans tous les cas, nous navons pas le choix. Le dveloppement conomique auquel nous aspirons passe par lindustrialisation qui se nourrit elle-mme dune capacit nergtique consquente.

Fait Abidjan, le 5 mai 2021

Issiaka Sangar

Secrtaire Gnral et porte-parole du Front Populaire Ivoirien (FPI)