Dakar en ruines-une immersion dans l’histoire vivante au Dak’art 2024 : un patrimoine à préserver pour les générations futures
En montant les marches jusqu’à la salle du niveau 2 de la mairie de Dakar, on est accueilli par une atmosphère empreinte de symbolisme et de mémoire. Depuis le 8 novembre, cette salle expose des œuvres intitulées “Ruines”, reflet d’une réflexion profonde sur le passé, le présent et l’avenir de Dakar. La sécurité est assurée à l’entrée : des policiers orientent les visiteurs, un détail qui donne le ton : ici, l’art est précieux, protégé, et respecté.
Le décor de l’exposition est captivant, alliant le moderne à l’historique. Sur les murs, des photographies et des objets d’art retracent l’histoire culturelle de Dakar, contrastant fortement avec la rapide transformation urbaine de la ville, comme l’explique Marco Lena, le directeur exécutif du Fonds d’archives ASM. Il décrit l’exposition comme un “hommage aux lieux disparus ou en péril de disparaître”, une manière de préserver l’âme de la ville malgré les bâtiments modernes qui envahissent l’espace sans souci des traditions.
Chaque coin de la salle d’exposition recèle des trésors historiques. Le livre d’or de l’hôtel de ville, par exemple, porte les signatures de figures emblématiques telles que le Général de Gaulle, Ahmed Sékou Touré et Haïlé Sélassié, témoignages vivants du passage de ces personnalités dans cette ville africaine iconique. Marco Lena souligne que ces archives, loin d’être de simples reliques, sont des témoins vivants d’une mémoire collective. Pour lui, l’exposition n’est pas seulement une vitrine du passé, mais un rappel de l’importance de préserver ce patrimoine pour les générations futures.
Les œuvres présentées inspirent des émotions variées. Elles témoignent des bouleversements écologiques et sociétaux, souvent avec un réalisme troublant, parfois dérangeant. Les visiteurs sont immergés dans des récits où le passé et le présent se croisent ; ils sont incités à réfléchir sur les transformations de leur environnement. Marco Lena explique : “La globalisation nous pousse à construire des villes identiques, sans âme. Cependant, il reste des gens qui perpétuent les traditions dans ces quartiers qui disparaissent.”
Le thème des “Ruines” symbolise bien cette résistance à l’effacement de l’histoire. Marco Lena évoque même l’urgence de préserver certains lieux emblématiques de Dakar, comme la gare et l’aéroport, des lieux à la limite de la ruine qui peuvent, demain, être perdus si rien n’est fait. Pour lui, l’exposition est comme une sirène d’alarme : en détruisant les lieux de mémoire, on risque de perdre la singularité de la société. En parcourant cette exposition, les visiteurs ne voient pas seulement des objets et des images, mais ils ressentent une connexion avec l’histoire vivante de Dakar. La ville évolue, certes, mais ce changement ne doit pas signifier l’oubli. L’exposition “Ruines” invite chacun à observer, questionner, et s’imprégner des souvenirs d’un Dakar qui, malgré le progrès, conserve son essence dans ses archives.
LAMINE DIEDHIOU