EMIGRATION / DIASPORA

Des femmes à moitié nues et menottées dans le camp de Medininkai, en Lituanie

Une vidéo récupérée par InfoMigrants et tournée dans le camp de Medininkai, en Lituanie, montre une dizaine de femmes partiellement dévêtues, apeurées et menottées dans le dos. La scène se déroule le 2 mars. Selon des témoins, les gardes lituaniens ont arrêté ces migrantes dans leur chambre, sans leur donner le temps de se vêtir. Contactées, les autorités de Lituanie bottent en touche et affirment ne pas savoir ce qu’il s’est passé.

Que s’est-il passé dans le centre pour femmes migrantes de Medininkai, en Lituanie, le 2 mars 2022 ? Dans une vidéo reçue par InfoMigrants, des migrantes, d’origine africaine, sont à moitié nues et menottées dans le dos dans un conteneur du camp lituanien, à la frontière biélorusse. On distingue une dizaine de femmes dans une petite pièce. Certaines ne portent ni soutien-gorge, ni tee-shirt. Une autre semble entièrement nue et se cache sous une couverture blanche. L’une des personnes arrêtées, qui a réussi à enlever ses menottes, a filmé la scène brièvement.

« Ils ont pris les femmes nues », entend-t-on sur la vidéo. Après avoir cherché des témoins de la scène, InfoMigrants a réussi à entrer en contact avec Claire*, une Camerounaise enfermée depuis huit mois à Medininkai. Ce matin-là, elle était dans son conteneur et a pu assister aux arrestations de ses voisines de chambre, par sa fenêtre .

« Ce que vous voyez sur la vidéo, ce sont des femmes dénudées qui ont été arrêtées dans leurs chambres sans avoir eu le temps de se vêtir », explique-t-elle. « Certaines sortaient de la douche, d’autres dormaient, d’autres étaient en sous-vêtements. [Les gardes lituaniens] sont entrés dans les chambres, ils les ont frappées. Ils les ont menottées et les ont emmenées ».

Selon Claire, certaines filles ont complètement paniqué, comme la femme nue sous la couverture blanche à la 7e seconde de la vidéo. « J’ai l’ai vue par la fenêtre de mon conteneur. Elle était nue », continue Claire. « On m’a dit plus tard, qu’elle avait eu tellement peur qu’elle était sortie en courant de sa chambre. J’ai vu les policiers l’arrêter ».

Contactées par Infomigrants, les autorités lituaniennes ont botté en touche. « La raison pour laquelle ces femmes sont à moitié nues est inconnue par nos services de garde-frontières », expliquent-elles à InfoMigrants. « Les forces frontalières lituaniennes n’ont jamais donné l’ordre de déshabiller les personnes qui vivent dans nos centres d’enregistrement pour étrangers ». Aucune enquête ne semble avoir été ouverte suite à notre mail.

« Les policiers lituaniens se foutent de notre pudeur »
Les femmes du camp, quant à elles, restent sur leur version, et ne semblent pas surprises par le comportement des autorités. « Les policiers ici, ils s’en foutent de notre pudeur. Vous pensez que c’est la première fois ? Ils ouvrent les portes de nos chambres qu’on soit nues ou pas. C’est pas nouveau. C’est toujours comme ça ».

D’après Claire, l’enfermement de ces quelques femmes dans le conteneur a duré une quarantaine de minutes. « Certaines sont revenues dans les chambres, d’autres ont été arrêtées et emmenées autre part ». L’auteure de la vidéo, elle, n’est pas revenue dans ses quartiers, affirme Claire.

Sur les images, aucun garde lituanien n’est présent dans la pièce. C’est sur une autre vidéo qu’InfoMigrants a pu se procurer que l’on voit les forces de l’ordre du camp aux côtés de ces mêmes femmes. Elles ont été filmées cette fois-ci à la sortie du conteneur.

Arrestation après une manifestation dans le camp
Selon nos informations, cette arrestation a suivi une manifestation, organisée le 1er mars, pour réclamer des conditions de vie plus décentes à Medininkai.

« Les filles avaient décidé de protester. Le 1er mars, elles ont cassé des grilles, elles se sont retrouvées dans le camp des garçons […] », explique Claire. Le lendemain, les policiers sont alors entrés dans le secteur des femmes. « Il devait être 11h, des hommes sont venus avec des chiens et des tasers. Ils avaient filmé la veille, ils avaient pris des photos des personnes qui les intéressaient […] ».

Ce n’est pas la première fois que des contestations ont lieu dans le centre. Dans la nuit du 26 octobre, des demandeuses d’asile africaines avaient déjà tenté de forcer une porte grillagée du camp pour protester leurs conditions de détention. Les gardiens, aidés de la police, avaient répondu en les aspergeant de gaz lacrymogène.

Depuis l’été dernier, des milliers de migrants, principalement originaires du Moyen-Orient, notamment d’Irak, et d’Afrique, ont franchi, depuis la Biélorussie, la frontière orientale de l’Union européenne en Lituanie ou encore en Pologne. Ils sont aujourd’hui bloqués dans des camps à Medininkai, Linkmenys, Kybartai… Tous sont comparés à des centres de détention.

Au mois de juillet 2021, le parlement lituanien a adopté un projet de loi autorisant la détention pour six mois des demandeurs d’asile entrant dans le pays. En décembre 2021, la Lituanie a allongé ce temps de détention à 12 mois.

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