CULTURE / ART

DOSSIER : Le rôle du pagne tissé en pays SERERE

En pays Sereer des tissus que l’on nomme communément pagnes sont employés à des fins rituelles et marquent les étapes décisives de la vie des individus : naissance, initiation, mariage, mort.
Le pagne est une étoffe de coton confectionnée par des griots ou des Toucouleurs. Elle provient originellement d’une plante tropicale cultivée dans les régions chaudes du Sénégal : le cotonnier.
Naturellement, le pagne original est de couleur blanchâtre. Mais il peut être tissé avec des motifs en couleur. Chaque famille a sa couleur propre. Il est utilisé comme tenue vestimentaire ou comme objet funéraire selon les circonstances.

Comme son nom l’indique, le coton est le fruit du cotonnier. Le pollen de la gousse est traité et transformé artisanalement en fibres qui serviront à la fabrication. Cette activité est faite par des griots tisserands. Elle comprend plusieurs étapes. L’égrenage : le coton en pollen est d’abord égrené pour séparer les graines des fibres.

La filature : le pollen, à l’aide d’un outil localement confectionné, est transformé en fil puis embobiné et conservé soigneusement par les vieilles femmes, dans une malle jusqu‘au jour du tissage.
Le tissage : c’est la dernière phase du processus. Il est fait par des tisserands issus de la caste des griots.

Les pagnes sont tissés en bandes rectangulaires selon la longueur choisie par le tisserand. Elle dépend du nombre de pagnes commandés (12 à 20 mètres). Ces bandes sont coupées après en morceaux de deux mètres de longueur. Elles sont ensuite cousues entre elles pour en faire des pagnes. Les pagnes sont composés chacun de sept bandes. Cette étoffe a une grande importance chez les Sérères. Elle sert de provision pour la femme sérère lors des cérémonies traditionnelles. Pagnes blancs (pay njoor ou pay ndan) ou pagnes noirs teints à l’indigo (pay ƥaal) sont les objets incontournables des rites de passages. Entre ces deux pôles chromatiques varie toute une gamme de pagnes à rayures.

Dès la naissance, après le premier bain jusqu’au huitième jour, trois pagnes meublent le berceau du nouveau-né. Un lui sert de couverture, et les deux autres de drap et d’oreiller. Ces pagnes protègent le bébé contre le mauvais sort. Ils attirent sur lui la chance et développent son intelligence.
Le pagne est remis au jeune circoncis avant son entrée dans le « dut » (bois sacré). Le circoncis doit le porter sur lui en guise de vêtement durant la période de convalescence qui peut durer 3 à 4 semaines. En portant ce pagne tissé, il est protégé du mauvais sort et des mauvais esprits qui rôdent autour de leur lieu de retraite.

La jeune fille, au moment de rejoindre son domicile conjugal, est recouverte d’un pagne de la tète aux genoux. Elle le porte aussi la nuit où elle se rendra au « dut », endroit aménagé pour la circonstance. Là, on lui transmet les valeurs cardinales qui doivent caractériser une jeune mariée. Le pagne attire sur elle la providence.

Auparavant, deux pagnes sont remis en guise de cadeau au père et à l’oncle maternel du mari.
Le défunt, après le bain funèbre, est recouvert de cette étoffe comme linceul . Un autre pagne est déchiré en étoffes de trois bandes que la dépouille porte sur sa tète. Cette étoffe remplace le chapeau chez l’homme et le mouchoir de tête chez la femme. Ceci pour solliciter le pardon divin et pour témoigner du respect vis-à-vis de la dépouille.

Mais aujourd’hui, face à une industrialisation avancée, le pagne sérère perd son originalité. Les modèles cousus sont aujourd’hui utilisés à but commercial ; la valeur culturelle est reléguée au second plan. Toutefois ce pagne conservera son intérêt culturel, car ayant traversé tous les âges et contribué à la formation sociale de l’homme sérère.

Bien qu’ils soient confectionnés de façon artisanale par des hommes (tisserands toucouleurs ou griots seereer), ce sont des objets féminins par excellence : seules des femmes mariées et initiées peuvent en gérer les sorties sur la scène rituelle et cérémonielle. Ce sont elles qui se les procurent et les thésaurisent. Et c’est encore par les femmes, en lignée maternelle, que ces pagnes se transmettent. Les tissus ont en somme, en tant qu’objets, une « vie sociale ». Matière dont les corps s’enveloppent, ils cachent ou révèlent ; aisément transportables, ils passent d’une personne à une autre, et parcourent ainsi des itinéraires qui tissent alors de véritables « liens textiles ». Toute femme sereer se doit en principe de thésauriser, d’accumuler dans sa malle (arka) des pagnes de coton tissés qu’elle devra sortir à diverses occasions.

Avec Sobel DIONE chercheur historien Sérére .

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