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Emmanuel Macron, désormais candidat de la droite, par la grâce de Nicolas Sarkozy ?

marianne.net

« Si les professionnels ce sont ceux qu’on a virés il y a deux ans et demi et que les amateurs c’est vous alors soyez fiers d’être amateurs » !

Nous étions début février. Emmanuel Macron câlinait sa majorité, après un couac supplémentaire partagé entre les députés LREM et la ministre du Travail Muriel Pénicaud sur le congé pour deuil d’un enfant. C’était il y a cinq mois. Il y a un siècle. Une éternité.

Cinq mois et une épidémie plus tard, les amateurs du gouvernement sont dehors, ou presque. Dehors, les Castaner, Belloubet, Pénicaud, N’Diaye. L’an dernier Benjamin Griveaux avait quitté le gouvernement pour être candidat à la mairie de Paris, suivi d’Agnès Buzyn en pleine crise de la Covid-19, pour guigner le même poste, en vain. Des proches d’Emmanuel Macron, il ne reste plus guère que Julien Denormandie qu’on retrouve à l’Agriculture.

Des amateurs, ou des pros

Emmanuel Macron a donc compris que s’il voulait avoir une chance d’être candidat à sa propre succession, il lui fallait des pros. Il a donc sacrifié toute la petite bande d’En Marche. Et au passage, il a congédié un Premier ministre qui commençait à apparaître comme le seul pro du gouvernement, plus pro et plus populaire que lui-même. Il lui fallait supprimer un autre point faible : élu des métropoles, le Président a vu une partie de ces dernières basculer du côté d’EELV en leader d’une gauche unifiée sous la bannière du climat. On a raillé les « coalitions anti-climat » qui avaient échoué à empêcher la prise de Marseille, Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Besançon et Annecy par des maires écologistes.

S’il veut gagner en 2022, Emmanuel Macron doit devenir le candidat de la droite, avec le soutien de Nicolas Sarkozy.

Mais derrière cet arbre se cachait une belle forêt de villes moyennes gagnées par LR avec le soutien de LREM souvent dès le premier tour. Emmanuel Macron sait mieux compter que la plupart des éditorialistes. Le résultat, c’est Jean Castex à Matignon, qui remplace un Premier ministre dont le Président voulait se séparer depuis cet hiver, pour cause d’obstination d’Edouard Philippe sur l’âge-pivot. Jean Castex connaît l’État mais il est surtout un élu local dont la proximité avec Nicolas Sarkozy a été assumée dès sa désignation. S’il veut gagner en 2022, Emmanuel Macron doit devenir le candidat de la droite, avec le soutien de Nicolas Sarkozy.

Ne soyons pas aveugles : Emmanuel Macron prendrait-il le risque de nommer Jean Castex à Matignon et Gérald Darmanin Place Beauvau s’il n’avait pas l’assurance d’avoir le soutien de Nicolas Sarkozy ? Examinons le jeu de l’ex-Président avec Les Républicains, ce parti qu’il a lui-même créé après avoir repris la tête de l’UMP en 2014. En 2017, il encourageait déjà Gérald Darmanin à rentrer au gouvernement ; en mai 2019, il savonnait la planche de Laurent Wauquiez et sa tête de liste aux européennes François-Xavier Bellamy, en s’affichant ostensiblement auprès d’Emmanuel Macron à quelques jours des élections européennes ; en octobre dernier, il empêchait l’émergence de jeunes dirigeants à LR en appuyant la candidature du si peu charismatique Christian Jacob. Et aujourd’hui, donc, il participe clairement à la nouvelle architecture du gouvernement. Sa famille politique, Nicolas Sarkozy s’en fiche. Il soutient désormais Macron, et se tient en réserve de la République si jamais ce gouvernement, malgré tout plus solide que le précédent, ne tient pas le choc face à l’ampleur de la crise qui s’annonce.

Eric Dupond-Moretti

Nicolas Sarkozy peut aussi voir une petite victoire dans la désignation d’Eric Dupond-Moretti Place Vendôme. Une victoire contre ses juges, qui ont mis sous surveillance le désormais ex-avocat et plusieurs de ses confrères. Des juges qui ne doivent pas vivre l’arrivée d’Acquittator avec la plus grande sérénité. Attardons-nous sur le nouveau Garde des sceaux. Sur le plan individuel, son arrivée écrase toute cette composition du gouvernement. Une vraie personnalité, un caractère, un talent oratoire qu’aucun de ses nouveaux collègues du gouvernement ne peut égaler. Mais un risque aussi pour Dupond-Moretti et pour Emmanuel Macron. L’histoire de la Ve République est jalonnée de ces personnalités iconoclastes qui, devenues ministres, ne trouvent pas leur place et claquent la porte ou se font virer, plus ou moins rapidement. Au moins les amoureux des libertés publiques, effrayés par la tendance liberticide de ces dernières années au nom du Bien, de la loi anti-casseurs à la Loi Avia en passant par la loi anti-fake news, trouveront dans cette désignation des raisons d’avoir moins peur.

Concluons avec quelques sourires. Il est piquant de voir une sociétaire des « Grosses têtes » s’asseoir dans le fauteuil de ministre de la Culture. D’autres auraient préféré Jean-Marie Bigard ou Karine Lemarchand. C’est Roselyne Bachelot. Les associations féministes auront aussi le plaisir de voir l’ancienne secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes se retrouver ministre-déléguée auprès de Gérald Darmanin, dont elles contestent la présence au gouvernement pour une affaire relancée il y a quelques jours par la Cour de Cassation.

Ce sont les électeurs de droite qui peuvent sourire ce soir. Ils pensaient avoir perdu les élections en 2017. Et les voilà avec un président-candidat de leur camp pour 2022.

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