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« En Guinée, il est nécessaire de prendre des sanctions ciblées… »

Marie Arena, présidente de la Commission des Droits de l’Homme au Parlement Européen, observe de très près la situation des droits humains en Guinée. Avec une trentaine d’eurodéputés, elle a adressé une lettre au Haut Représentant de l’UE Josep Borrel pour lui demander d’avoir positions claires dans ses relations diplomatiques avec la Guinée. Pourquoi cette démarche ? Quelles sont leurs attentes vis-à-vis des responsables européens ? Dans cet entretien la parlementaire parle sans détour. Interview exclusive.

AFRICAGUINEE.COM : Dans une lettre conjointe signée par une trentaine d’eurodéputés, vous avez saisi le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrel sur la situation des droits de l’Homme en Guinée. Pourquoi ?

MARIE ARENA : Tout simplement parce que, comme vous le savez, je préside la Commission des Droits de l’Homme au Parlement Européen. Quand il y a des faits de violation grave des droits de l’homme dans un pays, il nous appartient d’une part, de les dénoncer, et d’autre part de communiquer au Haut Représentant le fait que nous attendons de sa part, à la fois des positions claires dans ses relations diplomatiques avec les pays partenaires. Mais aussi dans certains cas, des prises de sanction à l’égard des auteurs de ces violences. C’est dans ce cadre-là que nous avons pris l’initiative d’interroger M. Borrel sur ce qu’il entendait faire dans ses relations avec la Guinée suite à des cas de violences graves après le processus électoral qui a eu lieu en Guinée, que ce soit les élections de Mars 2020 ou bien les élections présidentielles, qui pour nous à la fois, n’ont pas respectées les bases fondamentales de l’organisation des élections libres et transparentes. Mais surtout ont été entachées de violences importantes et d’arrestations massives des mouvements d’opposition ou la société civile.

N’arrive-t-elle pas un peu trop tard quand on sait que le président Alpha Condé-dont vous dénoncez les conditions dans lesquelles il a été élu-, exerce tranquillement son pouvoir ?

Nous avions déjà fait une résolution en février 2020 au Parlement européen dans laquelle nous déplorions les violences qui étaient vécues dans le pays, dans le cadre du processus électoral. Malgré tout, et malgré les recommandations qui étaient formulées au Pouvoir en Guinée, Alpha Condé a continué à renforcer cet état de violence dans son pays. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs nous revenons aujourd’hui et nous avons la possibilité avec différents instruments dont disposent l’Union Européenne, de faire pression pour que cette situation de violations graves des droits de l’homme ne puisse pas perdurer dans le pays.

Vous avez écrit, citation : « Depuis l’arrivée de M. Alpha Condé au pouvoir en 2010, on a enregistré la perte de 250 personnes, tuées souvent à bout portant par des agents des forces de défense et de sécurité, des centaines de blessés par balles et le Président guinéen n’a jamais accepté qu’une enquête ne soit diligentée pour identifier et sanctionner les auteurs de ces crimes, conformément à la loi ». Comment expliquez-vous le « silence » des responsables européens pendant tout ce temps ?

Nous sommes dans une situation où effectivement, le rôle du Parlement Européen est de pouvoir travailler avec un certain nombre d’organisations internationales, des ONG qui nous informent des situations sur le terrain et d’apporter ces informations à la fois au niveau du Haut représentant. Mais vous savez, la décision Européenne est complexe parce que le Conseil européen, c’est-à-dire les Etats membres détiennent encore la politique extérieure de l’Union Européenne. Et les décisions sont prises à l’unanimité. C’est-à-dire il suffit qu’un pays s’oppose à ce qu’il y ait des mesures de sanctions à l’égard d’un autre pays pour que cette décision soit bloquée. Nous en sommes là aujourd’hui. C’est-à-dire que cette politique de décider à l’unanimité empêche de pouvoir prendre des mesures de sanctions. Dans certains cas on le fait, on a eu la possibilité de le faire à l’égard du Burundi et d’activer l’article 96 de l’accord de Cotonou par exemple. Mais c’est extrêmement difficile d’obtenir ces politiques de sanctions.

Nous avons maintenant un nouvel instrument au niveau de l’Union Européenne, qui a été mis sur la table par M. Borrel. C’est un instrument de sanction lié à des violations graves des Droits de l’Homme. Cet instrument a été décidé en début de cette année c’est-à-dire en janvier 2021. Nous souhaitons que M. Borrel utilise cet instrument de sanction ciblé à l’égard des personnes et individus qui seraient auteurs de violations graves des Droits de l’Homme que ce soit en Guinée ou dans d’autres pays. Cet instrument a déjà été utilisé et décidé par le Conseil à l’égard d’un certain nombre de pays. Tel que par exemple le Myanmar.

Vous vous questionnez également au sujet de l’aide européenne. Pensez-vous réellement que cette ait servi, d’une manière ou d’une autre, à alimenter la répression contre des opposants et donc de la violation des droits humains en Guinée ?

Alors c’est ce que nous demandons aussi en termes d’évaluation et de contrôle en tant que parlement européen. C’est de vérifier que l’aide qui a été octroyée à la Guinée n’ait pas pu servir à des mesures de détention ou de violence à l’égard des opposants politiques. Si nous sommes favorables à l’aide au développement en Guinée, nous devons garantir que le pouvoir n’utilise pas cette aide au développement au détriment des populations. C’est ce que nous demandons aussi à la fois à M. Borrel mais à la commissaire européenne, Madame Jutta Urpilainen dans le cadre de la nouvelle programmation qui doit avoir lieu avec la Guinée, c’est de bien garantir que l’aide au développement bénéficie bien aux populations guinéennes et non pas au régime aujourd’hui installé.

Amnesty international a épinglé dans un rapport une unité de la police (la Brigade de répression et répression) qui selon l’ONG a bénéficié de l’aide de l’UE dans le cadre de sa formation et de sa mise en place. Est-ce un exemple ?

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