FERMETURE DE SANDAGA : LES COMMERÇANTS DEMANDENT DE REPOUSSER L’ÉCHÉANCE
L’inquiétude et l’incompréhension sont perceptibles chez les commerçants du marché Sandaga à deux (2) jours de la date retenue pour la fermeture des lieux. En effet, patrimoine classé, le bâtiment central du marché Sandaga, marqué par l’usure du temps, vit ses dernières heures. L’annonce est faite par le ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, Abdou Karim Fofana, lui-même. Le marché sera fermé ce samedi 10 août 2019, et tous les commerçants devront quitter. Ce, avant la démolition pour le projet de reconstruction et de modernisation. Sur place, on salue la mesure mais déplore la période de veille de Tabaski choisie pour sa mise en exécution.
LE PRÉTEXTE DE LA TABASKI
« On a nous-mêmes demandé à ce qu’on reconstruise le marché, rassure Mansour Ndiaye, le secrétaire général des commerçants dudit bâtiment, et membre du mouvement ’’And Taxaw Sandaga’’ (ATS) ». A en croire le commerçant interrogé devant sa boutique d’encens et de teinture, il reste à fixer « les modalités liées au recasement » des commerçants en attendant la fin des travaux. Une procédure réglée « seulement à moitié », regrette-t-il, soutenant que les autorités leur ont proposé l’immeuble Djily Mbaye situé à côté mais le site ne pourra pas tous les contenir. « Certains pourront y aller mais une solution devra être vite trouvée pour les autres, indique-t-il. Entre les sites du champ des courses et Petersen. On est plus de trois cents (300) ».
Poursuivant, le délégué établi au marché Sandaga depuis 1972 propose de « repousser la date » de fermeture, et de se retrouver dans le cadre de discussions après la Tabaski, concernant lesdites modalités. « On ne peut pas nous déplacer sans trouver un site de recasement. Ce n’est même pas possible. Samedi, je viendrais travailler. Je ne peux pas dire que rien n’est réglé mais sur le fond on est tous d’accord que le marché doit être reconstruit, et le préalable, c’est la fermeture. Mais il y a un certain nombre de choses à régler dont le recasement avant la destruction », insiste-t-il, ne cachant pas son inquiétude face à une telle situation.
Ndiaye qui s’est déplacé de l’intérieur du bâtiment suite à l’incendie survenu dans la nuit du 25 octobre 2013, vit mal cette période. « A l’approche de la Tabaski, c’est la psychose en se rappelant du syndrome de 2013. On m’a appelé pour m’annoncer que le marché brûlait », se remémore-t-il, avec des trémolos dans la voix.
’’ATS’’, confie-t-il, a été créé pour établir le dialogue avec les autorités, déplorant que « les avis des commerçants n’aient pas été recueillis dans le cadre du projet de reconstruction du marché ». Dans son message, il insiste sur les modalités à définir pour le recasement du lot de commerçants restant à Sandaga. « Ils doivent nous encadrer pour qu’on puisse s’en sortir ».
Etabli au marché Sandaga depuis 1963, ce tailleur demande également de repousser l’échéance. « Certes on doit reconstruire le marché mais qu’ils entendent après la Tabaski pour qu’on puisse quitter les lieux », implore le vieil homme assis sur un banc devant son atelier. « On a été informés de la fermeture lundi dernier, lors d’une réunion convoquée à la Chambre de commerciale, avec le ministre et le Préfet », fulmine par ailleurs le membre d’ATS. Je paie six (6) mille F CFA, chaque fin du mois. Sans compter la patente. »
Trouvée dans un coin du marché peu avant 14 heures devant deux (2) marmites, l’une remplie de riz blanc et l’autre de sauce, Ndeye Fatou Dieng n’est également pas à son aise. « On doit quitter pour la reconstruction du marché mais moi, personnellement, je n’ai pas où aller. Je prépare à partir de chez moi, à Guédiawaye, pour venir ici servir à mes clients ». La tenancière de gargote rejette d’emblée le site du champ de course, affirmant que le site est non seulement enclavé mais également se situe près du marché HLM, qui est « beaucoup accessible » pour les clients. « S’il n’y a que ce site où je doive me rendre, je préfère aller voir ailleurs », tranche la dame bien enveloppée.
D’après le délégué, il ne devrait plus y avoir de cantines dans le marché. Assise près de sa table proposant des colliers et autres babioles, Astou Cissé s’en remet à Dieu. « Je n’ai pas pu participer à la réunion convoquée lundi dernier, souligne celle qui habite à Pikine. J’étais seule et ne pouvais pas partir surtout en cette veille de fête. Il m’a été rapporté qu’on devrait être recasées à l’immeuble Djily Mbaye. Ma sœur et moi, on n’est pas stressées du tout. Ça pose des problèmes à d’autres mais pas à nous. Peut être parce qu’on habite Dakar. »
« Faute d’attendre après la célébration de la Tabaski, on devait d’abord régler la question du recasement », plaide Mamy Mbaye, une cliente rencontrée dans les allées du marché. En ensemble rose-blanc, elle indique que « la situation est déjà assez tendue avec la polémique sur le pétrole pour en rajouter. » Forte de ce fait, elle invite les autorités à « diligenter rapidement l’exécution des travaux ».
REPAIRE DE BANDITS
Dans le voisinage, c’est un sentiment de soulagement qui prédomine. Surtout chez cette dame qui habite un immeuble près du marché Sandaga. Elle évoque l’insécurité pour souligner que la destruction du marché vient à son heure. « Des bandits commettent leurs forfaits avant de s’y réfugier. Il y a même des femmes là-bas, et ils y font du n’importe quoi. C’est l’insécurité totale ici. La mesure vient à son heure », affirme la plaignante. Qui indique que pendant le mois béni de ramadan, les habitants étaient obligés de faire un grand tour pour se rendre à la boulangerie, évitant les alentours du bâtiment. Bien que fermés souvent à l’aide de planches, des points de passages sont empruntés par des individus douteux.
Joint au téléphone par emedia.sn, Moussa Fall, déguerpi en avril 2014 sur le site du champ des courses, croise les doigts, expliquant que « l’urgence est de libérer l’emprise pour que les travaux de reconstruction puissent démarrer ». « On était dos au mur. On nous avait dit au moment du recasement qu’on allait lancer la reconstruction dans les plus brefs délais. Cela fait cinq (5) aujourd’hui. C’est dur alors que 90% des occupants des 949 places du bâtiment central se trouvent ici ».