FOURNITURE ET A L’INSTALLATION DE LOGICIELS IBM: L’Armp sabre la Douane sur un marché de plus de 500 millions…
D’habitude, c’est la douane qui épingle les fraudeurs et autres malfrats, mais pour ce cas, c’est elle-même qui est au banc des accusés. En clair, la Direction des systèmes informatiques douaniers a été sabré par l’Armp, suite à un marché de clientèle relatif à la fourniture et à l’installation de logiciels IBM, en un lot unique. Entre la caducité des offres, au-delà de leur période de validité, le dépassement du délai imparti à l’autorité contractante et un écart énorme de plus de 300 millions entre le candidat retenu et celui recalé…l’Armp a «saisi» et annulé le marché de la Dsid.
Dans le cadre de son budget de fonctionnement 2018, la Direction des systèmes informatiques douaniers a décidé de lancer un marché de clientèle relatif à la fourniture et à l’installation de logiciels IBM, en un lot unique. C’est ainsi qu’elle a fait publier un avis d’appel les 22 et 23 septembre 2018 pour solliciter des offres. A la date limite de dépôt, fixée au 23 octobre 2018, les offres suivantes ont été reçues et lues publiquement à haute voix : «Cfao technologies (560.572.433 F Cfa TTC) Accel technologies (217.748.984 F Cfa TTC). Coup de théâtre, malgré la différence de plus de 300 millions entre les deux offres, la Douane file le marché à Cfao technologies. «Accel Technologies» tombe des nues. Elle introduit un recours gracieux auprès de la Douane. «Snobée», «Accel Technologies» saisit le Comité de règlement des différends (Crd) de l’Armp. Le gendarme des marchés, par décision de régulation du 13 février 2019, ordonne la reprise de l’évaluation des offres.
La Direction des systèmes informatiques douaniers se plie et, conformément à l’injonction de l’Armp, reprend l’évaluation des offres reçues, et soumet les résultats tirés de cette réévaluation à la Dcmp pour avis. Et à la surprise générale, elle reçoit l’avis de non objection obtenu, de l’organe en charge du contrôle à priori des procédures de passation des marchés publics. La Direction des systèmes informatiques douaniers (Dsid), conformément au Code des marchés, fait publier l’avis d’attribution provisoire du marché à Cfao Technologies les 29 et 30 mai 2019.
Les responsables de la société «Accel Technologies» manquent de tomber à la renverse en apprenant la surprenante attribution, à nouveau, du marché à Cfao Technologies. Elle introduit un recours gracieux auprès de la Douane pour s’enquérir des raisons du rejet de son offre. Non satisfaite de la réponse enregistrée, la requérante saisit le Crd, à nouveau, d’un recours contentieux, par lettre en date du 7 juin 2019. Au terme de l’analyse tenant à sa forme, le Crd déclare le recours recevable et ordonne la suspension de la procédure de passation, par décision du 17 juin 2019. Tout en demandant à la Douane des documents liés à sa décision. Par courrier du 21 juin 2019, la Dsid a produit les documents demandés.
La Dsid souffle le chaud et le froid
La Dsid, dans sa lettre de transmission des documents utiles à l’instruction du recours, n’a pas fait valoir d’arguments. Elle a rappelé que le Crd a, respectivement, confirmé que l’expert M.D Stephen satisfait à tous les critères de qualification exigés dans le Dao et affirmé que «c’est à bon droit que la commission des marchés a rejeté les attestations qui concernent des marchés de fourniture de matériels informatiques et de maintenance d’ordinateurs, de serveurs, de baies de stockage». Elle informe qu’en réévaluant, la commission des marchés a fait siennes des recommandations du Crd en déclarant conforme le personnel et en considérant non conformes les marchés similaires.
Accel Technologies démonte les arguments de la Dsid
A l’appui de son recours, la société Accel Technologies a insisté sur deux moyens qu’elle avait déjà soulevés lors de la première saisine du Crd sur le même objet, relatifs aux marchés similaires et à l’écart énorme constaté entre son offre et celle de l’attributaire provisoire. La requérante s’est aussi appuyée sur de nouveaux moyens développés dans son dernier recours, axés sur les points suivants : le délai d’évaluation des offres et la validité des offres. En ce qui concerne les marchés similaires, la requérante rappelle qu’à la lecture des dispositions du Code des marchés publics, elle est bien d’accord que tout candidat doit justifier ses capacités techniques, juridiques (y compris les marchés similaires) requises pour exécuter un marché, en présentant les documents énumérés par le dossier d’appel d’offres (Dao). Toutefois, lesdits critères ne peuvent constituer, a priori, un motif de rejet de son offre. De ce fait, étant dans une logique de reprise de l’évaluation des offres, comme exigé par le Crd et en contestation des pièces fournies, il aurait été beaucoup plus judicieux que l’autorité contractante la saisisse pour qu’elle produise des attestations bien plus conformes et qu’elle a en sa possession.
Écart énorme de plus de 300 millions…
En examinant le litige, l’Armp considère que dans sa décision N°023/19/Armp/Cro/Oef du 13 février 2019, le Crd avait rappelé, que l’exigence d’une expérience spécifique dans le cadre d’un marché public permet à l’autorité contractante d’avoir la certitude que le candidat possède les aptitudes et qualifications professionnelles suffisantes pour exécuter le marché, de manière satisfaisante, en parfaite conformité avec les normes requises ; qu’en l’espèce, la consultation du site de IBM révèle qu’au Sénégal, 6 structures sont des revendeurs agrées de IBM dont Cfao Technologies et la société Accel Technologies, sous le nom commercial de Accel Solutions. Ainsi une analyse plus poussée du niveau d’agrément de la société Accel Technologies montre que est classée «IBM certified Specialist -Z, systemes technical Support V7, IBM Certified Specialist -Z -systèmes solutions Sales V8». Par conséquent, cet agrément IBM lui confère le pouvoir ainsi que les compétences et certifications requises, pour la commercialisation de logiciels IBM, leurs installations ainsi que la fourniture des différents services supports y afférents, notamment, à la maintenance logicielle. A cela s’ ajoute que dans cette même décision, le Crd avait, en plus, mis en avant l’argument économique et la bonne utilisation des deniers publics, principes fondamentaux de la commande publique, et dont l’application se justifie par l’écart de 342.823.449 F Cfa entre l’offre de la requérante et celle de l’attributaire provisoire.
Pour finir l’Armp souligne qu’à l’examen, il apparait que la Douane n’a pas suivi toutes les orientations contenues dans la décision susvisée et reprise ci-dessus, en se limitant juste à l’appropriation des motivations d’ordre règlementaire, en ce qui concerne les critères relatifs aux marchés similaires. Sur ce, l’Armp tente de repêcher la Dsid en l’autorisant à titre exceptionnel à solliciter de la part des candidats intéressés, la confirmation de leurs offres respectives, à travers une nouvelle lettre de soumission avant d’ordonner la reprise de l’évaluation des offres sur la base de la décision n°023/19/Armp/Crd/Def visée ci-dessus ainsi que la restitution de la consignation.