France : indignation après l’interpellation par la police de migrants dans une église

Selon des témoins, une dizaine de migrants ont été interpellés vendredi dernier par la police à l’intérieur d’une église, dans le village d’Urrugne, dans le Pays basque, où ils faisaient une halte. Les faits ont provoqué une vive indignation.
Une dizaine d’exilés ont été interpellés par la police, vendredi 26 août, dans une église du village d’Urrugne, dans les Pyrénées-Atlantiques, située dans le sud-ouest de la France, tout près de la frontière avec l’Espagne.
Selon des témoins sur place, cités par des associations, les forces de l’ordre sont entrées dans l’église Saint-Vincent en début d’après-midi pour « embarquer » ces personnes, originaires d’Afrique subsaharienne et du Maghreb, qui y faisaient une halte dans leur parcours. Deux d’entre elles, mineures, ont été confiées à l’Aide sociale à l’enfance, a annoncé le préfet des Pyrénées-Atlantiques. Quatre ont été réadmises en Espagne après une nuit passée en garde à vue, et quatre autres ont fait l’objet d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Une 11e personne aurait quant à elle été envoyée en centre de rétention administrative (CRA).
« Le préfet nous a contacté pour nous dire qu’il n’était en aucun cas responsable de ce qui s’était passé et qu’il n’avait pas donné l’ordre aux policiers d’entrer dans l’église », déclare Amaia Fontang, porte-parole de la fédération Etorkinekin Diakité, un regroupement d’associations qui viennent en aide aux migrants dans le Pays basque. L’action serait, ainsi, le fruit d’une initiative individuelle des policiers.
« Ils étaient entrés dans l’église pour se reposer »
Les policiers en question affirment, pour leur part, ne pas avoir pénétré dans le lieu de culte. Le préfet a, de son côté, nuancé en assurant que les agents des forces de l’ordre étaient entrés dans l’église pour demander aux personnes d’en sortir avant de les arrêter hors du bâtiment.
Ces interpellations ont suscité l’indignation de nombre d’habitants et membres d’associations, l’édile de la ville, Philippe Aramendi en tête. “Aujourd’hui, nous avons une nouveauté. Les forces de l’ordre pénètrent dans l’église pour interpeller des migrants, ce que je déplore”, a-t-il déclaré, cité par le journal local Sud Ouest. “Humainement on peut être choqué, dérangé par cette façon de faire.”
Les policiers auraient agi après avoir reçu un appel anonyme les informant que des migrants se trouvaient dans l’édifice. « Ils étaient perdus, ils étaient entrés dans l’église pour se reposer », indique encore Amaia Fontang, qui a pu parler à certains des migrants concernés.
Au lendemain des événements, environ 300 personnes se sont rassemblées sur le parvis de l’église, munies de pancartes disant : “La solidarité n’est pas un délit”.
Pression policière
Si l’indignation a été vive, Urrugne est coutumière de ces opérations de police. Les contrôles policiers ont en effet été renforcés ces dernières années dans cette région frontalière, pour lutter contre les entrées illégales de migrants en provenance d’Espagne. Et la commune d’Urrugne, “un village-passage », est en première ligne. “On voit beaucoup de patrouilles de police, voire de militaires”, réagit Amaia Fontang, qui dénonce une “pression policière” intenable sur les migrants.

“Après avoir passé la frontière, les exilés se retrouvent en grande difficulté ici, commente-t-elle. Ils essaient de rejoindre Pausa, un centre de transit situé à Bayonne pour pouvoir se reposer, mais lorsqu’ils veulent prendre le bus, ils se font contrôler à l’intérieur, et lorsqu’ils essaient de marcher, ils se font repérer et contrôler là encore.”
La militante “assume” aider les migrants “à aller là ils veulent aller”. Quitte à se frotter elle aussi aux forces de l’ordre : en mars dernier, l’adjointe au maire d’Urrugne, chargée des Affaires sociales, et sa fille ont été auditionnées par la police aux frontières qui leur reprochait d’avoir aidé des migrants. Elles avaient été interpellées dans la ville alors qu’elles transportaient cinq exilés pour les emmener au centre d’action sociale afin qu’ils se reposent.
Non loin d’Urrugne, le fleuve Bidassoa, frontière naturelle entre les deux pays, constitue une étape-clé pour ceux qui veulent rejoindre l’Hexagone ou le nord de l’Europe. Son franchissement est périlleux. Fin juin, le corps d’un jeune homme originaire de Guinée avait été retrouvé dans ses eaux. Il s’agissait alors de la 10e personne morte dans ces conditions en l’espace d’un an et demi.