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France: l’exécutif va enfin lever le voile sur son projet de réforme des retraites

Après trois mois de rencontres et de nombreuses consultations conduites par Elisabeth Borne auprès des partenaires sociaux, l’exécutif lève le voile sur son projet et présente son texte sur la réforme des retraites. 

 

Rien n’est encore définitivement arrêté concernant l’âge légal de départ à la retraite, mais il n’y a plus de doute sur la détermination du gouvernement à le reculer. C’est la mesure phare de l’exécutif et une promesse de campagne d’Emmanuel Macron qu’il justifie par la nécessité de sauver le système des retraites menacé de faillite. Malgré le refus unanime des syndicats de devoir travailler plus longtemps pour ouvrir ses droits à la retraite, le gouvernement s’est engagé à repousser l’âge de départ, le passant de 62 ans à 64 ou 65 ans d’ici à 2031. Le texte, présenté ce mardi 10 janvier 2023, devrait donc préciser combien d’années supplémentaires les Français devront travailler pour ouvrir leurs droits à la retraite.

 

Pour atteindre l’objectif, le gouvernement a retenu deux possibilités. Soit relever progressivement l’âge légal, de quatre mois par an, dès cet été, ce qui permettrait de porter l’âge légal à 65 ans dès 2031, soit conjuguer un départ à 64 ans à une hausse des durées de cotisations à 43 ans d’ici à 2035 contre 42 ans actuellement. Toutefois, le gouvernement a affirmé ne pas vouloir aller au-delà des 43 annuités requises pour atteindre le taux plein et de maintenir l’âge butoir à 67 ans. Dans le cas du premier scénario, à savoir en augmentant la durée minimale de quatre mois par an, la première génération touchée sera celle de 1961, et plus précisément les personnes nées entre le 1er juillet et le 1er décembre 1961. À partir de la génération 1970, l’âge légal de départ à la retraite sera fixé à 65 ans.

Carrières longues et pénibilité

Sur les autres points, le gouvernement se veut rassurant, et n’annonce pas de modifications en profondeur. Concernant la prise en compte des carrières longues, c’est-à-dire les personnes qui ont commencé à travailler avant leurs 20 ans, et qui ont validé cinq trimestres, elles continueront à partir deux ans plus tôt et fait nouveau, celles qui ont validé 10 trimestres pourraient même partir quatre ans avant l’âge légal de départ à la retraite.

S’agissant de la reconnaissance de la pénibilité, cette dernière pourrait être conditionnée à un « suivi médical renforcé », ce qui constitue un point de désaccord avec les syndicats, lui préférant l’automaticité du départ anticipé sans besoin d’un avis médical. L’exécutif souhaiterait améliorer l’actuel compte professionnel de prévention qui permet de comptabiliser des points en vue de partir plus tôt à la retraite. Aux six critères de pénibilité existants, tels que le travail de nuit, le travail en 4 – 8, les tâches répétitives, le travail en milieu difficile, bruyant, chaud ou dangereux. La réforme pourrait rajouter trois autres conditions demandées par les syndicats : les postures pénibles, le port de charges lourdes et les vibrations mécaniques.

Une retraite minimum à 1 200 euros

Concernant la retraite minimum, le projet pourrait annoncer la création d’une retraite à 85% du Smic soit environ à 1 200 euros, contre 75% du Smic net, soit environ 1 015 euros par mois. Cette nouvelle retraite minimum devrait concerner ceux qui ont fait une carrière complète au Smic. Là aussi les syndicats attendent plus, ils souhaitent que les salariés aux carrières incomplètes, notamment les femmes puissent en bénéficier. De plus, cette revalorisation ne devrait concerner que les futurs retraités, alors qu’Emmanuel Macron, s’était engagé à inclure tous les retraités.

Sur la table également la suppression de la prise en compte des jobs d’été et surtout la suppression de certains régimes spéciaux, un sujet là aussi qui risque de provoquer des tensions. Le projet de loi pourrait ne concerner que les nouveaux recrutements, ce qui permettrait aux anciens de conserver leur régime spécial à condition qu’ils soient à moins de 17 ans de la retraite, en 2020, c’est la fameuse « clause du grand-père ». Ainsi, les salariés nés avant 1975 conserveraient leurs avantages, et ceux de la RATP, de la SNCF, de la Banque de France ou encore les ouvriers de l’État nés avant 1980 ne seraient pas concernés par cette suppression. Même si ces derniers partiront plus tôt que les salariés du privé, ils seront quand même touchés par la réforme puisqu’ils devront partir deux ou trois ans plus tard qu’actuellement. Seules exceptions : les dockers et les danseurs de l’Opéra de Paris, leur régime spécial serait préservé.

Une réforme injuste pour les syndicats

Le texte qui pourrait prendre la forme d’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, sera présenté au Conseil des ministres le 23 janvier puis examiné au Parlement à partir de février, pour une entrée en vigueur prévue avant la fin de l’été.

Depuis le début des concertations, les syndicats sont vent debout contre cette réforme et son recul de l’âge de départ à la retraite. Ils dénoncent une réforme injuste et affirment, contrairement au patronat, que cette réforme « peut attendre ». Opposés unanimement au projet, les syndicats se préparent à descendre dans la rue. Pour le moment, le gouvernement a fait l’unité syndicale, « un exploit » pour le numéro un de la CGT, Philippe Martinez qui, ironique, rappelle que « cela fait douze ans que tous les syndicats ne s’étaient pas unis contre une réforme ».

Face à la fronde à venir, l’exécutif pourra toujours recourir au 49.3, l’arme ultime qui lui permet de s’affranchir du vote de l’Assemblée nationale.

La droite en renfort du camp présidentiel ?

La proposition de réforme du gouvernement devrait être inscrite dans un texte budgétaire, celui du financement de la Sécurité sociale, afin de permettre à l’exécutif de passer en force si une majorité n’est pas trouvée à l’Assemblée. Mais celle-ci semble petit à petit se dessiner.

Ce n’est pas encore une fumée blanche mais cela s’en rapproche : un terrain d’entente entre le camp présidentiel et Les Républicains paraît en effet de moins en moins improbable. Interrogé par le Journal du Dimanche, le patron du parti de droite, Eric Ciotti, s’est dit prêt à voter la réforme. Un choix de cohérence et de responsabilité selon le député LR. Mais le gouvernement devra faire des concessions : recul de l’âge de la retraite à 64 ans et seulement d’ici 2032 et revalorisation des pensions minimums à 1200 euros y compris pour les Français déjà retraités. Rien toutefois d’incompatible avec la réforme voulue par le gouvernement, Elisabeth Borne et Emmanuel Macron auraient d’ailleurs tranché en faveur des 64 ans ces derniers jours.

Un accord avec LR serait en tout cas un soulagement pour l’exécutif, car le soutien des 62 députés de droite permettrait d’éviter un nouveau recours à l’article 49-3, susceptible d’alimenter la colère des Français, dont les trois-quarts sont opposés à cette réforme. Ne resterait donc à Emmanuel Macron et au gouvernement qu’à gérer la mobilisation sociale, dont l’ampleur est pour l’instant difficile à estimer.

rfi

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