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Goudomp: Kolumba, le puits des mystères

Il renferme bien des énigmes. À Goudomp, le puits Kolumba porte l’imaginaire et un pan de l’histoire de toute une communauté attachée à ce patrimoine séculaire ; héritage de moins en moins entretenu par les jeunes.

L’Afrique recèle des mystères et le Sénégal n’en est pas dépourvu. Sur la route nationale traversant la ville de Goudomp, une plaque attire l’attention du visiteur. Il y est écrit ceci : « Kolumba Goudomp : puits, lieu de purification avant le mariage et pour la fécondité ». Ce qui attise la curiosité sur ce puits sacré. La flèche, surplombant le tableau, indique la route qui y mène. Il faut juste « avaler » un kilomètre pour être sur les lieux. Le Kolumba est implanté dans le quartier Doumassou de Goudomp à l’intérieur d’une concession « Diassycounda », propriété de la famille Diassy. Cependant, renseigne un membre de la famille, cette source d’eau appartient à toute la communauté. Celui qui sent le besoin de se purifier peut accéder au puits sans en demander la permission.

Vieux de plus de 100 ans, ce puits appartient à l’imaginaire de toute une communauté, à travers les rites du mariage et de la fécondité. Toutefois, avec les jeunes, de plus en plus ouverts aux souffles de cet ailleurs convoité, sa renommée est de moins en moins répandue, malgré l’attachement dévoué des patriarches.

Instituteur à la retraite au visage émacié, Doudou Sonko, 75 ans, se présente comme tel. Cette cavité sacrée, qui se trouve entre sa concession et celle de Diassycounda, il en connaît un rayon. « D’après mes parents, c’est un puits qui est né avec le village. Toutes les nouvelles mariées y venaient pour se débarrasser de leurs impuretés. Quand la conjointe sort une semaine après son union, le linge est fait au puits. Ce rituel est accompagné d’animation ponctuant le septième jour du mariage », confie l’ancien instituteur.

L’espoir des femmes stériles

Kolumba entretient l’espérance. Pour les femmes mariées, surtout celles-là stériles, le puits est un gracieux recours. « À l’époque, on sortait périodiquement le kankourang pour curer le puits qui est le premier à Goudomp. Personne ne l’a creusé. On l’a trouvé ici. Beaucoup de personnes quittent la Gambie et d’autres pays limitrophes pour se procurer cette eau bénite. Il en est de même des femmes peinant à engendrer », renseigne le vieil homme né en 1946. Cette source, venue de « nulle part », aurait également le pouvoir de porter secours aux jeunes sans emploi. « Ce n’est pas seulement des femmes mariées qui y viennent, même si elles sont les plus nombreuses. Il y a également les hommes à la recherche de fortune et de protection, ainsi que les jeunes en quête du premier emploi», soutient l’un des gardiens du temple, M. Sonko.

Face à des jeunes s’affranchissant de plus en plus de certaines coutumes, les personnes âgées s’emploient à préserver ce patrimoine sacré. Assis sur une chaise, Sidy Danfa, un septuagénaire, discute tranquillement avec ses enfants et des voisins. C’est avec enthousiasme qu’il raconte l’« odyssée » de ce mythique puits. Les souvenirs, ceux d’un puits qui était pour les gens de sa génération un lieu sacré, refluent. « À côté de ce puits, il y avait ce qui tenait lieu de Grand-Place pour nos grands-parents. Goudomp a démarré ici. C’est le premier puits de la contrée. Il recèle beaucoup de secrets. Bien des femmes stériles ont miraculeusement eu des enfants après leur passage ici. Personne ne peut te dire exactement celui qui l’a construit. C’est ce qui cultive son mystère. Cependant, on ne fait plus de cérémonies autour du puits », indique le vieil homme. Selon lui, il était impensable, à une époque reculée, de sceller une union sans que la mariée ne se lave avec l’eau du puits.

Ce que confirme la dame Ciré Diallo, mariée à Goudomp il y a plus de 20 ans : « Ma belle-sœur était parmi celles qui préparaient le repas aux personnes qui dressaient, chaque année, la clôture du puits avec tout le rituel. On nous racontait que c’est un homme, avec des pouvoirs mystiques, qui avait conseillé, à l’époque, aux habitants de Goudomp de clôturer le puits. C’est ainsi que les sages se sont organisés pour protéger le puits qui était déjà là ». Cependant, elle se désole du peu d’intérêt que la jeune génération accorde à cet héritage. Les femmes d’un certain âge avaient un profond respect pour le puits si bien qu’elles tenaient à venir s’y recueillir lorsqu’elles passaient aux alentours de la source sacrée. « Le monde a beaucoup changé. Les gens ont délaissé le puits. Les femmes mariées ne viennent plus et préfèrent se livrer à des mondanités », regrette la dame Ciré Diallo.

Un puits délaissé

Évoquer le nom de Kolumba produit une certaine nostalgie chez les personnes âgées détentrices de l’histoire de Goudomp. « Beaucoup de gens viennent ici avec des bidons pour puiser cette eau. J’ai assisté à plusieurs cérémonies qui se tenaient périodiquement autour du puits. Il y avait une animation accompagnée de la sortie du kankourang. C’était tout un cérémonial. Pour procréer, beaucoup de femmes y venaient », a fait savoir la vieille dame.

À quelques mètres de la concession où se trouve le puits, Fatoumata Mandiang déroule une partie de son vécu. Soixante-quatre ans de vie et plus de 30 ans de mariage. « Ce puits est un héritage. Le septième jour du mariage, on emmenait la mariée pour la laver en posant une natte sur sa tête. Elle s’asseyait à côté du puits pendant que les percussionnistes faisaient battre le tam-tam. La femme se mettait alors à laver les habits de son époux », confie-t-elle, désolée de voir un pan de l’histoire de sa communauté enseveli.

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