INTERNATIONAL

Guerre acharnée entre djihadistes au Sahel

Mondafrique

Nathalie Prevost

Les deux organisations djihadistes rivales se sont violemment affrontées au Mali et au Burkina Faso.

De violents combats ont été signalés les trois premières semaines d’avril entre les deux factions djihadistes rivales dans la région des trois frontières, au Mali et au Burkina Faso, faisant plusieurs dizaines de victimes. Ces combats sont évoqués dans l’édition du 7 mai de l’hebdomadaire de l’Etat islamique, Al-Nada. Mais ils sont aussi attestés par plusieurs sources et témoins dans toute la région, avec encore des incertitudes sur les bilans et surtout, les nouveaux rapports de force.

L’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), « franchises » respectives de l’Etat islamique et d’Al Qaida au Maghreb Islamique, se sont violemment affrontés dans toute la région, jusque vers le 20 avril. Ces heurts ont cessé depuis lors, sans qu’on sache si cette trêve est de circonstance ou négociée. Les avis des observateurs divergent sur la profondeur de la crise et ses motifs : religieux, stratégiques ou purement militaires. Certains pensent que la rupture est consommée. D’autres que les deux organisations pourraient se recomposer par la suite, comme elles l’ont d’ailleurs souvent fait au Sahel. 

Des motos kamizakes

Alors que la tension montait ces derniers mois, après des années de partage sans nuage de l’espace sahélien, une escalade militaire a été observée, surtout dans le centre du Mali et au Nord du Burkina Faso. Après avoir subi des défections de combattants, notamment Peuls, en faveur de l’Etat islamique, le GSIM aurait « déclenché la guerre » contre le califat, selon les accusations d’Al-Naba.

Dans le Gourma, le GSIM semble avoir repris l’avantage. Il aurait appuyé logistiquement une katiba locale renforcée par quelques anciens combattants du Mujao, aux côtés d’un Peul nigérien rallié à Ansar el Dine depuis 2012. Ils ont pu reprendre le contrôle de cette zone très disputée.

La bataille la plus âpre se serait déroulée, mi avril, à Ndaki, 65 km à l’est de Gossi, où un grand nombre de combattants du GSIM – on parle de 40 motos et pick-ups -auraient attaqué l’EIGS. L’EIGS affirme avoir retourné la situation à l’aide de motos kamikazes mais, selon des sources locales, la zone reste sous le contrôle du GSIM.

Les auteurs de l’article d’Al-Naba, confirmés par des media locaux, font également état de combats dans les communes de Nampala, proche de la frontière mauritanienne, et Segou, à l’Est du Macina. En mars, d’autres heurts ont été enregistrés près de la frontière mauritanienne, à Fassala (où des défections du GSIM en faveur de l’EIGS avaient été rapportées en début d’année) et début avril, dans la région de Mopti. Al-Naba affirme que les assauts du GSIM ont été repoussés, disant avoir tué plus de 35 combattants adverses au sud de Boulikessi.

Dans le Liptako Gourma du Mali et du Burkina Faso, l’Etat islamique a attaqué des hommes du GSIM près de Tin-Tabakat mi avril. Dans les provinces du Soum et de l’Oudalan burkinabè, d’autres combats ont été rapportés à la même période. A Belehedé, dans le Soum, l’EIGS embusquée a utilisé des mines au passage d’un convoi du GSIM, faisant plusieurs morts. A Gorom-Gorom, dans l’Oudalan, un chef de l’EIGS aurait été enlevé par le GSIM.

Enfin, au Nord et à l’Est de cet espace disputé, Al-Naba fait état d’une fusillade près du village d’In-Tillit, dans la région de Gao, et d’une autre en territoire nigérien, à Agay, dans la région de Tillabéri – une zone sous contrôle de l’EIGS – qui aurait fait 4 morts et 3 prisonniers côté GSIM selon les dires d’Al-Naba. L’article accuse le GSIM d’avoir mis en place des checkpoints pour empêcher son approvisionnement en carburant.

Dans une analyse publiée le 8 mai, le Long War Journal détaille les griefs de l’Etat islamique contre le GSIM, accusé de trahison au profit « des croisés » que sont la France et ses alliés locaux. Toujours selon l’EIGS, le GSIM se servirait à cette fin de « toutes sortes de groupes armés, ceux qui combattent le gouvernement apostat du Mali, ceux qui lui sont loyaux et même des mouvements tribaux idolâtres ». Pour Al-Naba, le GSIM « a accepté l’invitation du gouvernement malien apostat à négocier et à s’instaurer en gardien des frontières algériennes et mauritaniennes. »

Al-Naba accuse par ailleurs les « croisés » d’épargner les soldats du GSIM dans la région. La publication s’en prend nommément à Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa qualifiés de «chefs apostats ».

L’EIGS est devenu la cible numéro 1 de la France et de ses alliés dans la région des trois frontières, depuis le sommet de Pau en janvier. Parallèlement, le gouvernement malien a engagé des négociations avec les dirigeants du GSIM, qui réclament, en prélude, le départ de l’armée française.

https://www.longwarjournal.org/archives/2020/05/analysis-islamic-state-claims-al-qaeda-started-a-war-in-west-africa.php

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