Guinée: les meuniers sous la pression des prix mondiaux du blé, conséquence de la guerre en Ukraine
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En une décennie, le pain est devenu un aliment de base en Guinée, et son prix un indicateur de stabilité sociale. Quand il augmente, la colère monte. Alors que la Guinée importe la totalité du blé qu’elle consomme, le secteur est sous pression avec la guerre russe en Ukraine. Visite des Grands Moulins d’Afrique, le premier producteur de farine du pays.
De notre correspondant à Conakry,
L’entreprise mérite bien le qualificatif qu’elle s’est auto-attribuée. Le site est immense. « Ce silo fait environ 30 mètres de haut », décrit Abdoul Karim Diallo, le directeur général adjoint du groupe Sonoco, la maison mère. Et il y en a dix dominant le quartier de Sonfonia. « C’est le plus grand moulin de la Guinée, l’un des plus grands de l’Afrique aussi. On a une capacité de production de plus de 1200 tonnes par jour », précise-t-il.
Nous enfilons charlotte et blouse jetables, tandis qu’une douce odeur de pain chaud s’échappe de la pièce d’à côté où l’on teste la farine. « Au niveau de cette boulangerie, on produit du pain pour valider la qualité, explique Abdoul Karim Diallo. Aujourd’hui, notre blé vient d’Allemagne. Chaque mois, on importe environ 30 000 tonnes de blé. »
Un approvisionnement rendu difficile par les importateurs du Moyen-Orient
Mais pour continuer à faire fonctionner les machines ultra-modernes du site, il faut désormais y mettre le prix. « Aujourd’hui, il y a beaucoup d’importateurs de blé ukrainien qui se sont tournés vers l’Allemagne. Nos concurrents, pour les achats, ce sont les pays du Moyen-Orient comme l’Arabie saoudite, l’Égypte, s’inquiète le directeur adjoint de Sonoco. Ils ont beaucoup d’argent et comme ce sont les États qui achètent, pas des entreprises privées, ils ne font pas attention aux prix. »
Et ces poids-lourds sont capables de commander, en une fois, des quantités astronomiques. La guerre en Ukraine a déclenché une bataille du blé qui pourrait avoir de graves conséquences socio-économiques. « Un pain qui coûte environ 5 000 francs (NDLR un peu plus de 50 centimes d’euros) peut nourrir 4-5 personnes. Un plat de riz va te coûter plus de 5 000 francs. »
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« Actuellement, on vend à perte »
En quelques années, la baguette est devenue l’aliment du pauvre. « On ne peut pas changer le prix comme on veut, car c’est un produit politique, remarque Mamadou Saliou Diallo, PDG du groupe Sonoco. On a décidé de ne pas augmenter nos tarifs pendant la durée du ramadan. On vend à perte actuellement. » Un effort important consenti par l’entreprise. « Pour les Guinéens et pour le gouvernement », affirme le PDG.
Si la crise du blé continue, après le ramadan, une rencontre sera organisée avec le gouvernement. « Regardez, en moins d’une année, la tonne de blé a gagné plus de 200 dollars. La seule solution, c’est que le consommateur paie un peu plus, suggère Mamadou Saliou Diallo. Une petite augmentation du prix ne va pas poser de problème au niveau du consommateur. »
Pour réduire leur dépendance aux marchés, les Grands Moulins rêvent de produire du blé localement. Ils ont lancé des discussions avec leurs partenaires.
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