CONTRIBUTION

Iba Der À L’école Sainte « Saytané »

«Vous savez, pendant les moments difficiles, c’est en Abyssinie, chez les Chrétiens, que le Prophète de l’Islam a envoyé certains de ses compagnons». On en est arrivé là au Sénégal. A rappeler et à raconter sur les plateaux de télévision les histoires des prophètes pour maintenir intacte la cohésion sociale mise à rude. Comment on en est arrivé à faire de la mesure de l’institution Sainte Jeanne d’Arc une décision engageant toute la communauté chrétienne du Sénégal ? Comment on en est arrivé à faire des voilées exclues de cet établissement des martyrs de l’Islam ? Ce sont pendant ces temps difficiles, d’incertitudes et d’incompréhensions, que les Peuples ont besoin de se tourner vers leur Histoire qui, retraçant les sentiers de l’unité nationale bâtie par des gloires communes, les empêche d’escamoter le présent et d’hypothéquer l’avenir. Ce ne sont pas les réponses à ces préoccupations qui étaient attendues du professeur Iba Der THIAM et de son équipe qui ont rendu publiques les premières pages de l’Histoire générale du Sénégal. Seulement, plus politicien qu’historien, Iba Der THIAM a décidé que celles-ci devraient se focaliser sur les confréries et non sur l’antériorité du Sénégal et sa prééminence sur le voile et les religions révélées importées.

Les échanges sur les réseaux sociaux sont vifs, houleux, outranciers à la limite orduriers. L’appartenance à une communauté religieuse primant sur tout le reste, chacun met en exergue sa foi et se couvre d’un drap d’intolérance. Les guides religieux dénoncent avant d’être, eux-mêmes, décriés par des citoyens n’éprouvant aucun égard à leur endroit. Les fondamentaux bafoués, ceux qui les incarnent sont jetés aux orties. Le respect mutilé, la considération multipliée par zéro, Chrétiens et Musulmans se regardent en chien de faïence, prêts à mettre en mille morceaux le tissu de l’unité nationale qu’ils veulent troquer contre un simple voile.

«Je ne comprends pas pourquoi on doit interdire le port du voile à l’école sauf si on a d’autres raisons qu’on ne nous a pas expliquées. Je ne vois pas en quoi le port du voile gêne, et est un élément qui viole les principes de l’égalité». A l’instar du Professeur Abdoul Aziz KEBE, nous nous posons cette question et éprouvons la même incompréhension. Pourquoi la Direction de l’institution Sainte Jeanne d’arc, qui existe depuis plusieurs décennies, décide, cette année seulement, de modifier son règlement intérieur ? Pourquoi elle a passé outre les recommandations du ministère de l’Education nationale quand la même question a été agitée au mois de mai dernier ? Quel que soit l’angle d’analyse et le nombre de questionnements, on en arrive à la cinglante conclusion : l’institution Sainte Jeanne d’arc a fait dans la provocation. Point besoin de convoquer la Sharia ou la Constitution. Le seul fait d’exiger soudainement une « coiffure discrète, soignée et découverte » renseigne de la volonté de l’établissement de discriminer les élèves habitués à se couvrir la tête. Si certains musulmans s’en offusquent, c’est parce que c’est une recommandation de leur religion qui est bannie. Ç’aurait été le pantalon ou la jupe trop courte qui était interdite, personne n’en trouverait à redire. Et c’est ainsi qu’il faut comprendre la position non hystérique de certains musulmans. Si celle-ci parait claire, celle de certains chrétiens l’est beaucoup moins. En quoi la décision de l’institution Sainte Jeanne d’Arc engage-t-elle toute la communauté chrétienne du Sénégal ? La congrégation des Sœurs de Saint Joseph de Cluny est certes très importante mais est-elle la voix de l’église ? Les musulmans ne seraient pas nombreux à s’opposer à la fermeture d’une école coranique où les textes de Daech sont enseignés. Ceux qui ont pointé du doigt le Khalife général des Tidianes, l’accusant d’avoir mis de l’huile sur le feu, occultent la responsabilité du Conseil National du Laïcat du Sénégal. « Monsieur le ministre, en réagissant d’une façon si épidermique, à travers ce communiqué qui transpire le parti-pris sans discernement de vos collaborateurs de l’Inspection d’Académie de Dakar, vous jetez dangereusement en pâture une institution privée catholique dont la préoccupation a juste été et demeure de faire respecter les valeurs chrétiennes qui la fondent et, au-delà, les principes constitutionnels d’égalité, de liberté, de respect mu­tuel, en somme, le Vivre ensemble », avait-il répondu au ministre de l’Education nationale, au mois de mai dernier, faisant de cette question de société un problème religieux.

Quand le 28 juillet 2016, David Lisnard, maire de Cannes, a pris un arrêté interdisant les plages aux femmes vêtues d’un « burkini », le Conseil d’Etat français avait très vite réagi. Vendredi 26 août 2016, la plus haute juridiction administrative française invalidait l’arrêté pris à Villeneuve-Loubet qui déclare le port du burkini pas respectueux « des bonnes mœurs et de la laïcité ». Une jurisprudence s’établissait et contraignit de nombreux élus à s’y conformer. Pour parvenir à ce verdit, le Conseil d’Etat français s’est aussi appuyé sur l’histoire de la France pour battre en brèche les propos de ceux qui présente le burkini comme : «une tenue de plage manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse » et pas respectueuse « des bonnes mœurs et de la laïcité ».

C’est ce moment que le professeur Iba Der THIAM et son équipe ont choisi pour sortir les premiers passages de l’Histoire générale du Sénégal. Et au lieu de commencer par retracer le passage funeste de la France au Sénégal, ils se sont bornés à indiquer que tel a étudié à telle école, organisant ainsi un face-à-face inévitable autour de questions fondamentalement banales. « Le Sénégal, des origines à nos jours », avaient-ils dit. Mais d’un coup, le professeur THIAM est en plein au 20 siècle. L’Histoire n’est absolument pas la littérature. Et Iba Der THIAM est plus politicien qu’Historien. Quand Macky SALL s’est planté en exaltant l’héritage colonial, c’est Iba Der THIAM qui a couru à son secours, justifiant l’insoutenable. « Pour moi, il ne s’agit pas d’une bourde. Il ne s’agit pas non plus d’un mépris, il n’y a pas de jugement de valeurs… Tout le monde sait que quelqu’un comme Macky SALL n’a pas de mépris, il est d’une simplicité, d’une modestie, d’une humilité, d’un effacement tel qu’il n’a vis-à-vis de personne de la haine ou un sentiment de supériorité », avait entonné le fondateur du mouvement « Abdou niou Doy ». Pour plaire à Macky SALL qui manifeste de plus en plus son attachement à la France, que ne serait pas capable d’écrire le Pr THIAM ?

Toutes ces nouvelles questions qui agitent la société sénégalaise ont besoin de citoyens intellectuellement mûrs pour faire face. L’école ne les ayant pas suffisamment préparés, le fanatisme exacerbé met la communauté religieuse au-dessus de la patrie. On est plus enclin à défendre son guide religieux que le Sénégal.

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