SOCIETE / FAITS DIVERS

INONDATIONS – DANS L’ENFER DES POPULATIONS DE JAXAAY

En 2005, ils quittaient des quartiers sous les eaux, dans la banlieue, pour se faire recaser à Jaxaay. Alors qu’ils croyaient que c’était la fin de leurs cauchemars causés par les eaux de pluie, les habitants de Jaxaay renouent avec les dégâts des eaux pluviales stagnantes. Une équipe d’Emedia s’est rendue sur les lieux.

La taille moyenne, vêtue d’une robe multicolore qui tombe sur ses genoux, la tête décoiffée, Saly Ndao, la trentaine souffre pour retenir son enfant, un handicapé moteur et déficient mental, qui patauge sous les eaux verdâtres qui ont envahi sa maison. « Regardez son corps, il y a des boutons partout. Je fais de mon mieux pour éviter qu’il entre dans les eaux stagnantes mais je ne peux pas le surveiller tout le temps parce que je me charge des tâches ménagères. En plus, je m’occupe de ses deux autres frères. Je l’avais amené chez ses grands-parents mais ils me l’ont retourné parce qu’il passait tout son temps à pleurer », explique-t-elle, la voix éreintée. Tristesse et désolation se lisent sur son visage.

Jeune mère de famille, Saly vit le calvaire depuis le début de l’hivernage. Les eaux de pluies ont envahi sa maison, transformée en marigot. À l’intérieur de son domicile, le décor est déplorable. Des matelas imbibés d’eau trainent par ci, des habits mouillés sont jetés par là. Les murs sont fissurés et l’eau suinte partout. Son cauchemar est porté au gré des nuages qui s’ammoncèlent sur le ciel.

Victime des inondations en 2005, Saly Ndao pensait vivre décemment en quittant Djeddah Thiaroye Kaw pour Plan Jaxaay, plus précisément à l’Unité 11A. Hélas ! L’histoire se répète. Elle revit les mêmes cauchemars 15 ans après. Elle ne dort plus du sommeil du juste à cause des inondations.

A l’instar de Saly Ndao, nombreux sont les populations de Plan Jaxaay qui, aujourd’hui, sont sous l’emprise des eaux de pluies. Un fait invraisemblable d’autant plus que Plan Jaxaay a été crée pour reloger les sinistrés des inondations de 2005. A l’époque, l’Etat du Sénégal, sur instruction du président de la république, Abdoulaye Wade, avait décaissé 52 milliards de francs CFA pour reloger les sinistrés.

Le manque d’aménagement et d’assainissement sont les principales causes de ces inondations. La zone est dépourvue de canalisation et de bassins de rétention. Ce qui n’est pas sans conséquence. Les routes sont devenues impraticables pendant l’hivernage et les maisons sont inondées.

« Nos enfants se soulagent dans des seaux »

À l’aise dans un maillot de l’Olympique de Marseille et un pantalon d’un ensemble de sport, Toumani Diallo transpire à grosses gouttes après son jeu d’équilibriste sur les pierres placées dans l’eau en guise de pont de fortune. À l’aide d’une pelle, il essaie de trouver une voie pour évacuer les eaux stagnantes. Chassé par les eaux en 2005, il a quitté, avec toute sa famille, sa maison à Nietty Mbar pour élire domicile à l’Unité 11A de Plan Jaxaay. Le drame des eaux, il sait ce que c’est.

Aujourd’hui, il vit le martyre. « Nous sommes en train de revivre la même situation qui nous avait conduit à abandonner nos maisons pour venir nous installer ici », explique-t-il. Visiblement très désolé de la situation, il indique que les habitants de cette localité sont dans le désarroi total. Ils ne mangent plus sain et ne dorment plus du sommeil du juste. Pis, ils peinent à aller aux toilettes. « Nos toilettes sont inutilisables à cause des eaux qui les ont envahies. Nous ne parvenons plus à satisfaire nos besoins. Les plus âgés vont chez les voisins ou dans la nature pour se soulager. Quant aux enfants, ils utilisent des seaux », informe-t-il.

Pour lui, la seule solution pour mettre fin aux inondations est d’assainir le quartier. Aujourd’hui Toumani Diallo perd espoir. Il n’a plus de force pour lutter contre les eaux. Ce qu’il veut, c’est partir. S’en aller loin de toutes ces eaux qui l’empêchent de vivre. « On va vendre cette maison et partir d’ici », dit-il, l’air dépité.

« Nous n’avons besoin ni de riz ni d’huile »

Badiène, septuagénaire vit le même calvaire. Elle a été relogée à Jaxaay après que les eaux de pluies ont occupé sa maison. Une maison qu’elle avait, se souvient-elle, bien construite. Elle y avait dépensé des millions mais elle a dû l’abandonner. Elle a d’abord été relogée, pendant 2 ans et demi, au camp Thiaroye, transformé en site de recasement à l’époque avant de rejoindre Jaxaay.

« On a été ’’pêché’’ des eaux de Bagdad pour nous amener ici et aujourd’hui, on replonge dans l’eau », narre-t-elle. Malgré son âge avancé et sa santé fragile, Badiène ne se repose quasiment pas. Comme les autres membres de la famille, elle participe, quotidiennement, à la bataille contre l’eau.

« Que Macky Sall nous aide à avoir des canaux d’évacuation. Nous n’avons pas besoin de riz, ni d’huile. Nous avons les moyens d’acheter ces denrées. Ce que nous voulons c’est l’assainissement du quartier afin de vivre en paix », lance-t-elle son cri de cœur. Omar Samba Ndiaye est le délégué de quartier. Depuis le début de l’hivernage, il a un emploi du temps chargé. Chaque matin, il fait le tour des maisons pour constater les dégâts. Ce qui l’indispose dans la situation, c’est le mutisme des autorités locales.

« Tout le monde parle de parcelles assainies de Keur Massar. Or, nous populations de Plan Jaxaay, vivons pire que ces dernières parce que nous avons connu les inondations dans le passé et nous sommes en train de les revivre. Et aucune autorité ne se soucie de notre sort. Nous sommes les damnés de la banlieue », dénonce-t-il. De l’avis du délégué de quartier, beaucoup de familles, qui ont les moyens, ont commencé à quitter le quartier parce que la situation est intenable.

« On risque de vivre pire que ce qu’on a vécu en 2005 »

La situation est un peu meilleure à l’Unité 20 du plan Jaxaay. Ici, les habitants respirent un peu. Leurs maisons ne sont pas sous l’emprise des eaux mais, les voies sont coupées par les flaques d’eau. La vie y est plus animée. Moussa Samba Sy est le délégué du quartier et par ailleurs chargé de communication du collectif des délégués de quartier de Plan Jaxaay. Ancien de la RTS, il vivait en paix à Djeddah Thiaroye jusqu’en 2005, année où les eaux de pluies ont dicté leur loi dans leur localité. Ainsi, il a été contraint de quitter sa demeure qui, dit-il, n’était pas complètement inondée.

« À Djeddah Thiaroye, ma maison avait 8 chambres dont deux avec une salle de bain. Chacun de mes enfants avaient à l’époque sa propre chambre. Aujourd’hui, ils s’entassent dans des chambres parce que la maison qu’on nous a donnée n’a que deux chambres un salon. Elle est très étroite. En plus, elle a été très mal construite. Je ne voulais pas quitter ma maison mais j’ai été contraint. Je préfère mille fois vivre sous les eaux à Djeddah Thiaroye que la vie ici à Jaxaay », dit-il. Avant d’ajouter : « On nous avait amené ici pour nous épargner des inondations mais, nous avons commencé à revivre le même calvaire aujourd’hui. Et d’ici 2025, on risque de vivre pire que ce qu’on a vécu en 2005. »

« Toutefois, je préfère retourner à mon Fouta natal que d’être relogé ailleurs. Je ne vais plus accepter qu’on me traîne dans des sites de recasement avec ma famille », prévient-il, l’air désemparé, le regard fixé au ciel, comme pour le supplier de fermer ses vannes…

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