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Investissement russe dans le rail en RD Congo : « la facture est monstrueuse »

Au sommet de Sotchi, la Russie a signé un contrat d’investissement dans le réseau ferroviaire de RDC. Les 500 millions de dollars mis sur la table ne suffiront pas à réhabiliter des infrastructures « en ruine », selon le chercheur Thierry Vircoulon.

Lors du premier sommet Russie-Afrique, à Sotchi, les autorités russes ont affiché leur ambition de doubler, d’ici cinq ans, les échanges avec le continent. Parmi les contrats signés, celui engageant la société de chemin de fer russe RJD à investir dans le réseau ferroviaire de la République démocratique du Congo. Le contrat s’élève à « 500 millions de dollars », selon la présidence congolaise.

Sur les 2,3 millions de km² de son territoire, la RD Congo dispose d’un réseau de rails de 5 000 km datant de l’époque coloniale. Ce réseau est éclaté en quatre zones sans interconnexions. Les déraillements sont fréquents – le dernier date de la mi-septembre, dans la région du Tanganyika.

« Ce réseau ferroviaire est en ruine », estime Thierry Vircoulon, chercheur à l’IFRI et spécialiste de l’Afrique centrale. « Il faut tout refaire : les rails, les machines, les trains, l’alimentation électrique. La facture est monstrueuse, il faudra un grand nombre d’années pour réhabiliter ce réseau et rentabiliser l’investissement. » D’où le scepticisme d du chercheur : « Cet accord a été signé parce que le partenaire congolais est demandeur, mais l’entreprise russe n’aura jamais le financement nécessaire. Moscou a signé beaucoup d’accords qui n’ont aucun sens financièrement parlant. Comme lorsqu’il s’est engagé à construire des centrales nucléaires au Soudan. Ça fait sourire quand même », tranche le chercheur.

L’affaire est tout de même assez sérieuse pour que la visite d’une délégation russe soit prévue à Kinshasa le 10 novembre 2019, selon le compte Twitter de Kasongo Mwema, porte-parole du président congolais Félix Tshisekedi.

Or, en RDC, non-seulement le réseau ferroviaire est en piteux état, mais la société des chemins de fer est aussi critiquée pour sa mauvaise gestion, autant par la Ligue congolaise de lutte contre la corruption que par la Banque mondiale. Dans un rapport datant de juin 2019 et dont RFI a obtenue copie, la situation financière de la Société nationale des chemins de fer du Congo est jugée « malsaine », voire « en faillite ». Un plan social impliquant un tiers des employés – quelque 4 000 personnes –, et des travaux pour la réhabilitation des wagons et locomotives ont été mis en œuvre, et malgré cela, les auteurs de ce rapport se disent « hautement insatisfaits » des résultats et redoutent que les investissements ne survivent pas à la fin du projet. La Banque Mondiale avait investi dans le secteur du transport en RDC près de 400 millions de dollars en cinq ans.

« C’est un contrat d’apparat »

Quel intérêt aurait alors la Russie à promettre des investissements dans le rail congolais ? D’autres marchés – militaires, énergétiques – sont-ils liés ? « L’expérience des Chinois, qui ont financé des infrastructures en échange de l’accès au minerai, a montré que ce type de ‘deal’ n’était pas rentable. L’enjeu pour la Russie est surtout diplomatique. C’est un de ces contrats d’apparat, qui permettent au président congolais de dire à son peuple qu’il œuvre pour son pays, et au Kremlin, d’être visible sur la scène internationale à peu de frais : ça ne coûte pas trop cher de signer un contrat », estime Thierry Vircoulon.

La Russie a entamé une politique de rapprochement avec la RDC, comme elle l’a fait en Centrafrique, en nouant avec Kinshasa une coopération militaire, notait déjà RFI au printemps 2018.

« Pour ce faire, Kinshasa a exhumé une convention de presque vingt ans, et jamais mise en application, jusqu’à maintenant. Mais l’objectif, à terme, c’est une coopération économique et commerciale dans les secteurs des mines, des énergies et de l’agriculture », décrypte la radio d’information internationale, citant un communiqué russe.

Selon des médias russes, le gouvernement de RDC tout comme ceux du Niger et de la Guinée ont conclu des accords avec une agence fondée par un homme d’affaires russe lié au Kremlin, Konstantin Malofeev. M. Malofeev, qui fait l’objet de sanctions américaines et européennes pour son implication dans le conflit ukrainien, conseillera les trois pays sur les moyens de réunir plus de 2,5 milliards de dollars pour la construction d’un oléoduc au Niger et la construction de chemins de fer et de routes en Guinée et en RDC. L’agence de M. Malofeev, l’Agence internationale pour le développement souverain (IASD), a été créée cette année et tenait un énorme stand en marge du sommet Russie-Afrique à Sotchi.

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