JO de Paris 2024, J-500: «Les chantiers seront bien livrés à la fin de l’année»
Les Jeux olympiques de Paris 2024 débuteront officiellement le 26 juillet 2024. Mais où en sont les travaux préparatoires, les chantiers des principales installations nécessaires au bon déroulement de cet événement planétaire ? Entretien avec Nicolas Ferrand, directeur général de la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques).
RFI : Qu’est-ce que la Solideo et quel est votre cahier des charges ?
Nicolas Ferrand : Pour accueillir les Jeux Olympiques à Paris en 2024, il y a deux structures. D’un côté, le comité d’organisation de Paris 2024 (Cojo) pour organiser l’événement lui-même, et de l’autre côté la Solideo pour construire tous les ouvrages nécessaires pour les Jeux et qui auront une vie après, les ouvrages pérennes. En gros, nous construisons le théâtre et le Cojo organise la pièce et le décor. Nous avons été créés en 2017, nous finirons notre mission autour de 2026 avec un budget de 4 milliards et demi d’euros pour 64 objets à construire.
À 500 jours de l’événement, on s’interroge évidemment sur l’état d’avancement des chantiers. Quand seront-ils livrés ?
Nous avons cette particularité de tout livrer six mois avant les Jeux. Donc l’ensemble de ce que nous avons à construire sera livré au 31 décembre 2023, de manière que le Cojo se l’approprie. Par exemple, que les équipes mettent les lits dans le village olympique, vérifient que tout fonctionne bien pour que l’expérience des spectateurs et des athlètes au moment des Jeux soit parfaite. Nous sommes bien dans les délais, nous livrerons sereinement à la fin de l’année.
Vous avez quand même eu des retards sur certains chantiers, notamment l’Arena de la porte de la Chapelle qui doit accueillir, entre autres épreuves, le badminton.
Depuis 2017, nous avons subi un certain nombre de chocs : le Covid-19, avec la fermeture de la Chine, ou encore la guerre en Ukraine. Nous avons aujourd’hui surmonté tous ces chocs. Mais certains chantiers ont pris quelques semaines ou quelques mois de décalage. Ainsi l’Arena, porte de la Chapelle qui devait être livré à l’automne 2023 le sera en décembre 2023, du fait d’un problème de disponibilité de l’acier ukrainien pour construire la grande charpente. Donc pour les Jeux, il n’y a aucun retard par rapport au calendrier initial.
Avec tous ces impondérables (il faut y ajouter la hausse des prix des matières premières et de l’énergie), est-ce que les budgets ont été dépassés ?
Le président Macron nous a dit en 2017 qu’il n’y aurait pas 1 euro d’argent public supplémentaire, hors inflation. Et donc, hors inflation, nous sommes avec un budget exactement stable depuis 2017.
Les problèmes de pénuries de main d’œuvre ont-ils eu un effet sur les salaires des travailleurs sur les chantiers ?
Nous n’avons pas eu de pénurie de main-d’œuvre. C’était une des craintes que nous avions en 2017 et 2018, mais aujourd’hui, elle n’est pas avérée. Les entreprises qui construisent, grosses ou petites, n’ont pas de tension particulière pour recruter des compagnons.
Il y a eu aussi de problèmes de travail illégal, avec des sans-papiers qui travaillaient sur les chantiers ?
Depuis 2018, nous avons passé une charte sociale qui vise notamment à l’exemplarité de nos chantiers en termes de régularité administrative des travailleurs et des entreprises et de sécurité. Pour suivre sa bonne application, il y a dans notre conseil d’administration, un représentant des syndicats (Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT), et un représentant du patronat (Dominique Carlac’h, vice-présidente du Medef). Cette charte se traduit à la fois par des actions de prévention par rapport au travail illégal, un volet de contrôle (plus d’un par jour), et un volet répression avec des dépôts de plainte.
En juin 2022, nous avons résilié le marché d’une entreprise. Et il y a 10 jours encore, j’ai porté plainte par rapport à des cas de travail irrégulier sur des chantiers de la Solideo.
Autre difficulté : l’éventualité d’une canicule pendant les JO. L’absence prévue de climatisation pour les athlètes et pour les accompagnants fait beaucoup parler…
Depuis 2019, nous annonçons la garantie d’une diminution de 6 degrés par rapport à la température extérieure. Cela nous permet sans climatisation d’avoir un bilan carbone extraordinaire, de moins 50%. Après, si les délégations jugent que ça n’est pas suffisant, on pourra climatiser. Mais la solution de base n’est pas climatisée.
Quelles ont été les exigences environnementales sur ces chantiers ?
Depuis le début, il nous a été demandé que tous les chantiers soient démonstratifs de l’excellence française en matière de construction, en réduisant par exemple de 50% par exemple les émissions de carbone par rapport aux modes de constructions classiques. Nous l’avons atteint sur le village olympique sur 300 000 m2 sans subvention. Et si on peut le faire dans ce projet avec un temps très réduit (6 ans seulement), on pourrait le faire aussi dans toutes les préfectures françaises. Donc ça oblige toute la filière industrielle à repenser sa manière de construire, à utiliser du béton ultra-bas-carbone, à construire tous les bâtiments de moins de 28 mètres en bois. Nous avons fait prendre dix ans d’avance à la construction.
Que deviendront ces ouvrages après les JO ? Beaucoup de questions ont été posées après les Jeux à Athènes et à Rio où beaucoup d’installations ont été finalement abandonnées.
Dans le cadre des Jeux de Paris, nous sommes partis d’abord des besoins du territoire, du projet politique porté par les élus pour choisir l’endroit où l’on mettrait le village olympique, où l’on mettrait le village des journalistes, les cinq ponts que nous construisons en Seine-Saint-Denis. Et tout est pensé pour l’héritage. Après la fin des Jeux, à partir de septembre 2024, on revient pour les derniers travaux et à l’été 2025 tout ce qu’on construit participera de la dynamique des départements concernés. Et puis, on ne construit pas que du neuf. Nous participons à la réhabilitation du Grand Palais, nous faisons des travaux d’amélioration sur Roland-Garros.
Autre enjeu économique majeur : la relation avec les plus petites entreprises. Des engagements ont été pris pour les faire participer aux marchés publics. Ont-ils été réellement respectés ?
Dans la charte, il est écrit que l’on doit accorder 25% des marchés dédiés à des PME, ce qui représente à peu près 540 millions d’euros dédiés à des PME. Aujourd’hui, cet objectif est dépassé, alors qu’il reste encore un an de travaux sans compter les travaux d’adaptation après les Jeux. On a aujourd’hui près de 1 500 PME, originaires de 85 départements français qui travaillent sur les ouvrages olympiques. C’est une dynamique pour toute une filière, à la fois les grands groupes mais également les ETI (entreprise de taille intermédiaire), les PME (petites et moyennes entreprises) et les structures de l’ESS (économie Sociale et Solidaire).
Et qu’en est-il des objectifs d’insertion sociale ?
On nous a demandé que 10% des heures travaillées soient réservées à des publics loin de l’emploi, soit 2,4 millions d’heures travaillées. Aujourd’hui, on en est à 1,6 million. Ce sont plus de 2 400 personnes qui commencent un chemin de retour vers l’emploi grâce aux ouvrages olympiques. C’est une très grande fierté collective.
rfi