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La Grèce a « abandonné » des milliers de migrants en mer, s’alarme l’ONU

Alors que de nombreuses ONG, ainsi que le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, accusent la Grèce d’avoir profité de l’épidémie de Covid-19 pour « abandonner » plus d’un millier de migrants en mer depuis mars, Athènes dément et dénonce une « désinformation ».

Au tour de l’ONU de monter au créneau. Après des révélations accablantes du New York Times, et les accusations de plusieurs ONG affirmant que la Grèce a « abandonné » plus d’un millier de migrants en mer depuis mars, la section grecque du Haut-Commissariat de l’ONU (HCR) a indiqué, vendredi 21 août, avoir « des rapports et des témoignages selon lesquels des personnes ont été laissées à la dérive » en mer Égée sans être secourues par les gardes-côtes grecs. 

Le HCR précise dans un communiqué que ces personnes « ont été laissées à la dérive en pleine mer pendant une longue période, souvent sur des canots difficiles à manier et surpeuplés, en attendant d’être secourues ».

« Les rapports, qui comportent une série de témoignages directs et crédibles ont été enregistrés par le bureau du HCR en Grèce et ont été portés à l’attention des autorités responsables » grecques, indique ce communiqué. Pour le HCR, le gouvernement grec devrait « enquêter sérieusement » et « sans plus tarder » sur les allégations de refoulements vers la Turquie.

De la « désinformation », selon Athènes

Athènes nie en bloc. Deux jours avant ces appels, le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, avait réfuté catégoriquement ces accusations, les qualifiant de « désinformation » orchestrée par la Turquie. « La Grèce est un pays qui respecte l’État de droit, nous avons accordé l’asile à des dizaines de milliers de personnes », avait déclaré, mercredi 19 août au soir, le Premier ministre lors d’un entretien avec la chaîne américaine CNN.

Pour l’ONG Legal Centre, Kyriakos Mitsotakis est dans « un refus incroyable de la réalité (…) ». « Cette pratique est courante, systématique et illégale en mer Égée », s’est indigné l’ONG sur Twitter, après l’intervention du Premier ministre.

Même son de cloche chez Catherine Teule, vice-présidente du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (EuroMed Rights). « Ce genre de refoulements n’est absolument pas nouveau, que ce soit chez les Grecs, les Italiens ou les Maltais », explique-t-elle à France 24. « Mais la Grèce a profité du confinement dû à la pandémie de Covid-19 pour les renforcer ! »

Plus de mille migrants refoulés depuis mars, selon le New York Times

Ces accusations ne datent pas d’aujourd’hui. Selon une enquête du New York Times, publiée le 14 août, la Grèce a « abandonné » des migrants en mer pour qu’ils soient secourus par les gardes-côtes turcs. Selon le quotidien américain, les autorités grecques les ont conduits jusqu’à la limite des eaux territoriales du pays, avant de les laisser à leur sort sur « des bateaux gonflables et parfois surchargés ».

Au moins 1 072 personnes ont ainsi été refoulées au cours de 31 expéditions différentes, avance l’enquête. Le prestigieux quotidien explique avoir recueilli des témoignages de survivants et récolté des preuves issues de trois organisations indépendantes de défense des droits de l’Homme, de deux chercheurs ainsi que de gardes-côtes turcs.

Athènes « a profité de la pandémie » de Covid-19

Selon des experts, ces pratiques illégales auraient pris de l’ampleur pendant l’épidémie de coronavirus et la période de confinement qui s’en est suivie en Europe. Les Grecs « ont profité du moment », a déclaré au New York Times François Crépeau, spécialiste en droit international et ancien rapporteur spécial des Nations unies sur les migrants. « Le coronavirus leur a donné l’opportunité de fermer les frontières nationales à n’importe qui », a-t-il insisté.

Un constat partagé par Matthieu Tardis, chercheur au Centre migrations et citoyennetés de l’Ifri : « Le gouvernement grec a profité de la pandémie pour durcir sa politique migratoire », a-t-il résumé à nos confrères d’InfoMigrants.

Pour Catherine Teule, les autorités grecques ont largement dépassé l’acceptable : « Nous avons même des cas de demandeurs d’asile déjà présents sur les îles grecques, à qui on a fait croire qu’ils allaient être transférés vers le continent… mais qui ont été renvoyés en Turquie ! Ce sont des expulsions, pur et simplement », s’indigne-t-elle.

Des bateaux de sauvetage endommagés puis renvoyés vers la Turquie

Tout comme l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) , Legal Centre avait déjà tiré la sonnette d’alarme en juillet dernier. Cette organisation basée sur l’île de Lesbos, principale porte d’entrée des demandeurs d’asile en Grèce, avait alors indiqué avoir recueilli des informations et témoignages sur l’abandon de 30 migrants en mer Égée entre mars et juin.

Selon l’ONG, les autorités grecques ont pris l’habitude d’endommager les embarcations avant de les délaisser. Des pratiques confirmées par les témoignages compilés par le New York Times, qui racontent comment des gardes-côtes grecs auraient transféré des migrants sur des navires de sauvetage sous-dimensionnés… avant d’être renvoyés vers la Turquie.

Ankara et Athènes sont à couteaux tirés sur bon nombre de sujets. Parmi les dossiers épineux figure la question migratoire, mais aussi celle des recherches d’hydrocarbures menées par la Turquie en Méditerranée orientale dans des zones disputées à la Grèce et à Chypre.

En mars 2020, suscitant une escalade des tensions, la Turquie avait annoncé ouvrir ses frontières occidentales avec la Grèce pour laisser passer des réfugiés. C’est justement à ce moment-là que la Grèce a augmenté le nombre de refoulements, selon le HCR.

Avec AFP

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