HISTOIRE

LA LÉGENDE DE « NGODAN » ET « TAKRA », FONDATEURS DE DIONEWAR


Le village de Dionewar a été fondé par deux personnes : un homme nommé Takra et une femme appelée Ngodan. Tous deux étaient de matrilinéaire Simala et Ngodan était la sœur aînée de Takra. Ils venaient du Gaabu où avait lieu une grande guerre et où la famille Simala était particulièrement harcelée. C’est pourquoi, Ngodan et Takra ont été poussés à quitter le pays natal, sous la conduite de la femme qui était plus savante que l’homme.

Le père de Ngodan était un noble qui habitait à Kadima, sur le Niger ; il avait épousé une femme du Gaabu, auprès de laquelle il était allé s’installer. C’est à la suite d’un rêve que Ngodan prit la décision d’émigrer. Elle prévint son frère et lui annonça que son rêve la poussait à partir avec sa famille, afin de fuir les menaces qui pesaient sur eux tous au Gaabu.

Ils quittèrent ainsi le Gaabu et arrivèrent à Lipako (vers Ségou) où Ngodan fut encore informée en rêve : son village serait entouré d’eau à l’orient et à l’occident. Elle atteignit ensuite Nioro (Mali), puis Nioro (Badibu), et s’arrêta enfin à Iliassa (Gambie) où le groupe demeura assez longtemps. La marche reprit : on arriva à Kahone qui fut contourné, car Ngodan avait à nouveau rêvé que là n’était pas l’emplacement pour elle et les siens. Elle se dirigea à Wakhaldiam, dans le Siin, où elle resta pendant deux ans avec les Sereer déjà installés.

Elle repartit alors jusqu à Joal, où le séjour dura encore deux ans ; de là, elle longea le rivage jusqu’à la pointe de Sangomar où elle brûla et défricha les terres. Sa famille prit ainsi possession de Sangomar qui n’était pas occupé auparavant. Ngodan était arrivée vers le crépuscule et passa la nuit avec les siens. Cette nuit-là, elle rêva que le lendemain matin elle accosterait à son village, entouré d’eau à l’est et à l’ouest. Le génie la prévint qu’elle trouverait sept ngaan (Celtis integrifolia) et qu’elle devait s’installer à cette place et près de ces arbres.

Ces sept ngaan se trouvent dans le village. Selon les uns, la traversée de Sangomar à Dionewar se serait effectuée sur un tronc de baobab (ƥaak) ; selon les autres, c’est une pirogue de paille qui aurait transporté Ngodan. Toujours est-il que la pirogue s’est abîmée peu avant l’accostage et que les occupants ont été obligés de patauger pour rejoindre la terre ferme. Ngodan vint alors fonder la première maison de Dionewar qui s’appelait Mbaɗat. Ngodan a fait désherber l’emplacement de la maison par son frère alors qu’elle alla elle même visiter les terres qui se trouvaient dans les environs. Personne n’habitait alors dans les environs.

Lorsque Ngodan a traversé le fleuve, il y avait un brouillard très épais qui l’a empêché de constater si Niodior était déjà installé. Le nom de Dionewar provient du fait qu’un navigateur portugais, nommé Dionwan, arriva au village peu après sa fondation par Ngodan. Le jeune Dionwan était le fils d’un fabricant de bateaux en bois ; son père partit en voyage et prit du retard. Ne le voyant pas revenir, Dionwan décida de partir à sa recherche, en emmenant sa femme et quelques connaissances. Son bateau fut emporté jusqu’au Sénégal actuel et s’échoua près de Sangomar durant la nuit.

Alors qu’ils étaient perdus à Sangomar, la femme de Dionwan vit une lumière ; c’étaient Ngodan et Takra qui se chauffaient autour d’un feu. Dionwan et sa femme restèrent près de leur bateau, à Koukourout, car l’homme ne voulait pas aller voir d’où provenait la lumière, comme le lui suggérait sa femme. Ils attendirent le lendemain matin et Dionwan traversa le fleuve avec son canot. Au début, il ne put voir Ngodan, mais il attendit son retour jusqu à midi. Ils se sont alors faits des sourires réciproques et se parlèrent par gestes, car ils ne comprenaient pas la même langue. Dionwan demanda à Ngodan ce qu’elle faisait dans cette contrée inhabitée.

Elle répondit qu’elle y cherchait une demeure, et demanda à son tour ce que Dionwan cherchait en ce lieu. Celui-ci indiqua qu il était à la recherche de son parent. Ngodan lui dit alors son nom et demanda le sien au blanc, qui lui dit qu’il s’appelait Dionwan. C’est pourquoi, on donna le nom de cet étranger au nouveau village. Dionwan écrivit son nom sur un arbre du village qui a été abattu par la suite pour la construction d’une maison.

Après son installation, Ngodan accueillit d’autres familles dont les descendants se trouvent encore à Dionewar. Ainsi la famille maternelle des Simala se renforça avec l arrivée de Mama Ñaasi et de Babu Nini. Mama Ñaasi réussit à acquérir des terres en se faisant nommer responsable de la circoncision des garçons. En effet, Ngodan aperçut chez lui, au cours d’une visite, des couteaux et des bâtons ; elle lui demanda s’il était en mesure de circoncire. Il refusa de lui répondre en disant que c’était là un secret ; pour parler, il demanda des terres. Ngodan lui donna cinq champs, mais il les refusa en disant que c’était trop peu pour lui. Ngodan lui proposa alors de jeter les bâtons tout autour de lui et de délimiter ainsi ses possessions. Cela fut fait et ainsi la seconde branche de la famille Simala s’acquit une partie des terres de Dionewar.

En échange, Mama Ñaasi procéda à la circoncision de tous les enfants de Ngodan. Ses descendants garderont cette fonction par la suite. À l’origine du tim (matrilinéaire) Pejoor se trouve Mari Juuf qui a fondé Djimsan avec les siens. Mari arriva pour rencontrer Ngodan, mais celle-ci était partie pour chercher des huîtres et surveiller ses terres. À son retour, quand elle vit l’ancêtre de Fejoor, elle lui ordonna de repartir de suite en disant ba fadiid, c est-à-dire ne viens pas en Sereer. Mari et les siens retournèrent à Djimsan, mais revinrent voir Ngodan deux jours après. Celle-ci accepta alors de les héberger et leur donna une place pour s’installer.

Le chef de la famille Fata-Fata (patick) arriva ensuite. Il s’était arrêté sur un îlot situé sur le bolon de Falia-Gohékor , où il passa la nuit avant d’aller demander l’autorisation de s’installer auprès de Ngodan. Après lui, de nombreuses autres familles continuèrent à affluer et à peupler le village fondé par Ngodan. On ne connaît pas le nom du mari de Ngodan, ni de ses enfants. Takra, le frère de Ngodan, serait mort jeune, alors qu’il n’était pas encore marié. On dit que Dionewar a été fondé en 1136 : en effet, il y avait dans le village un arbre où l’on venait poser une pierre chaque année. Alors qu’il était le commandant du Siin-Saloum, Noirot serait venu à Dionewar et aurait compté le nombre de ces cailloux. C’est lui qui aurait avancé cette date après avoir opéré un décompte exact des pierres.

Le village de Dionewar possède de nombreux Pangool : Sangomar, en face de Dionewar. C’est Ngodan qui avait là son lieu saint. Dès qu’elle avait une quelconque difficulté, elle s’y rendait et trouvait immédiatement satisfaction. Sangomar appartient aux Simala, descendants maternels de Ngodan ; Jangongon, place comportant un baobab( ƥaak) et un Sooƥ (Detarium senegalense) également pour les Simala descendants de Ngodan ; Ngas Mbaɗat (puits à coté d’un mbaɗat, Ficus vogelii), pour la même matriclan ; Ñaasi Maam, pour les Simala descendants de Mama Ñaasi ; Njandam, appartenant au tim (matrilinéaire) Pejoor, pour les descendants de Mari Juuf.

Le nom de ce fangol signifie arbre élancé, géant ; Kanar , pour les Simala de Ngodan. Lorsque Ngodan est arrivée à Dionewar, elle y a trouvé des canaris : les uns étaient vides et les autres remplis d’eau. La fondatrice a interdit d’y toucher, mais tous les habitants pouvaient venir prier à ce lieu. C’est à Mari Juuf que fut confiée la responsabilité de la garde de ce lieu.

Avec Sobel Dione

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