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LA RELIGIOSITÉ DES SEREER, AVANT ET PENDANT LEUR ISLAMISATION

Prières que le célèbre Madag (surdoué, waliyu) le Saltigué Laba JEEN NGOM de Boof (environ de Jaxaaw « Siin ») prononçait à l’approche de l’hivernage ou en période de sécheresse persistante

« Roog o yaal’in Seen ». Dieu, notre Maître. Dieu, le créateur. C’est vous qui êtes roi des rois. Tout ce qui est élu, c’est vous qui l’avez élu. Tout ce que chacun possède, c’est vous qui le lui avez donné. Tout ce dont nous sommes privés, C’est vous qui nous en avez privés, C’est vous qui avez créé le monde, C’est vous qui avez créé tous les êtres, Mais, vous, personne ne vous a créé, C’est vous qui avez créé l’Univers, de haut en bas. C’est vous qui avez créé les nuages porteurs de pluie. Nous vous demandons une averse de paix, qui nous apportera la fertilité, qui nous donnera beaucoup de mil, pour que nous puissions manger en paix. Nous et notre famille. Amiin Roog Seen ! »

LES FORMES DES PRIÈRES SEEREER:

Les incantations rituelles connues sous divers noms Jat, Leemax, Tak, Moc, Moos, Lug, sont généralement des prières individuelles que l’on récite pour écarter les puissances maléfiques ou obtenir des biens. Contrairement aux prières agraires, les formules magico-religieuses sont souvent intraduisibles. Un simple regard sur ces textes nous permet de constater que ce sont des textes mal composés et incohérents. Ce sont les prières qui invoquent fréquemment les forces secondaires jini et autres créatures nuisibles.

Quant aux mots arabes que l’on trouve dans certains textes sacrés, ils y seraient introduits par les premiers convertis à l’Islam. Certains devins guérisseurs prétendent avoir reçu ces Jat des Lutins et des Jini islamisés. Le Père H. GRAVRAND insiste sur l’ancienneté de l’influence islamique sur les religions africaines : « … l’influence de l’Islam est ancienne et importante, dans le domaine de la religion et de la vie sociale, même dans les ethnies qui ont lutté contre l’Islam pendant plusieurs siècles » [Pangool.p.174].

L’assiduité dans la prière L’homme seereer adresse constamment ses prières à Roog Seen. De la naissance à la mort, du matin au soir, il prie et implore la puissance de Dieu. Lorsqu’un enfant est mis au monde, il est posé à terre, la tante paternelle faap o tew ramasse l’enfant et le présente à Roog Seen : Petit Bébé, Regarde Roog Seen C’est lui qui se trouve à l’Est, C’est lui qui se trouve à l’Ouest, Regarde Roog Seen, C’est lui qui est à gauche, C’est lui qui est à droite. La présentation de l’enfant à Roog Seen signifie alors le premier contact du nouveau-né avec celui qui l’a créé. Des prières seront dites à l’occasion de chaque rite de passage [naissance, sevrage, circoncision, mariage, mort, etc]. Les travaux champêtres s’accompagnent toujours de prières. En mettant les graines dans le poquet, le Seereer animiste prononce cette prière : Jam oo ! Ô la Paix ! Jam gari ! Paix, viens ici.

Pariy wati ! Mal, va-t-en. Après avoir mis 4 poignées de graines dans le premier poquet, le yaal Mbind( chef de la maison) termine sa prière : « Ce mil que nous semons cette année, que nous le semions en paix et le moissonnons en paix ». La paix qu’appelle ici le prêtre semeur, c’est l’abondance du mil. Le mal qu’il chasse n’est rien d’autre que la disette. Lorsque le Seereer foule son mil, il adresse à Dieu la prière suivante. Que Dieu bénisse ce mil. Et qu’il donne à la famille une bonne santé, afin qu’elle puisse manger le mil en paix. Avant d’avaler la première bouchée, le Seereer Seen dira : Yaasam Roog a fi teen jam : Que Dieu y mette la paix.

Pour boire il dira : Foofi jam : O l’eau, la paix ! Avant d’égorger un animal, le Seereer pangoliste prend congé de Dieu et lui demande pardon : « Roog waasanaam njap il ne » : Dieu pardonne-moi le couteau. Converti à l’Islam, le même Seereer dira au moment de couper la gorge d’un animal « Au nom de Dieu » ou « Louange à Dieu ». La seule différence est que l’animiste demande le pardon d’avoir supprimé la vie de quelqu’un qui ne lui appartient pas. Tandis que le musulman loue et remercie Dieu d’avoir accompli un acte rituel. Avant de plonger dans une eau profonde, le Seereer ramasse un caillou sur lequel il récite cette prière : « Pff !… Ô rivière, Si la paix est dans tes eaux, qu’elle m’accompagne toujours, si le malheur est dans tes eaux, qu’il parte, avant que je ne plonge en ton sein ! Que le malheur s’en aille, Je veux me laver en paix ! » Et puis, il jette le caillou dans l’eau et plonge en profondeur pour se laver tranquillement.
PRIÈRE DE L’ÉTERNUEMENT

[a tisax] Lorsque quelqu’un éternue, celui qui l’a entendu dire : Yasam o ñoow fa jam : Que Dieu te donne la paix et une longue vie ! Lorsque l’éternuement a lieu à l’occasion d’une cérémonie de deuil, l’homme qui se trouve près de celui qui a éternué ajoutera : Ke bisna in mee ta gij : Et que ce qui nous conduit ici ne se reproduise pas de sitôt.
LES PRIÈRES DU SOIR

S’il veut se coucher, le seereer pangoliste murmure des prières comme celles-ci :
1 – Tu… Xaana bugaam fi lang, fat ô yaal ma ref lang : celui qui veut me faire terre, qu’il soit terre !
2 – wonwaam a Lang, xakandoox bil, xulu a Roog, Hamat fo cini ndeeraam ! « Ce qui peut se rendre approximativement : Je me suis couché par terre, Hamat et Djinns m’entourent ! »
LES PRIÈRES DU MATIN

Comme nous l’avons dit, du matin au soir, le Seereer prie et se met sous la protection de Dieu. Précisons que la plupart des prières de protection ne sont pas adressées directement à Roog Seen, mais au soleil qui symbolise la puissance de Dieu. Ce fait est interprété par le Père GRAVRAND, comme la survivance d’un Culte de Soleil : « Dans les prières Seereer les plus anciennes et les plus secrètes, il apparaît des traces d’un Culte du soleil » [Pangool.p.164]. Nous ne possédons pas des renseignements nous permettant de confirmer ou d’infirmer cette interprétation. Seulement, nous savons que les paysans arrêtent leurs travaux champêtres lorsqu’ils voient apparaître à l’horizon les rayons du soleil.

En voici quelques exemples :

Jaañaak, Goor no Goor we, xaay wataa. Oxu waageerna o fañit njeeĉ ne a wat baa waaganaam tig. Ce qui peut se traduire à peu près ainsi : L’homme parmi les hommes, sort dignement. Celui qui ne peut pas empêcher le Soleil de sortir Qu’il n’ait pas pouvoir sur moi !

Njeeĉ Gulwar, Oxuu waageerna yaqan o wat, waageer yaqan o mud, baa waag na mi tig Ce qui peut se rendre à peu près ainsi : O Soleil, Toi qui ne tardes pas, fidèle au rendez-vous. Celui qui ne peut pas t’empêcher de sortir, ni de te coucher, qu’il n’ait pas pouvoir sur moi !
PRIÈRE POUR SE VÊTIR

Avant de porter un habit neuf, le Seereer pangoliste chuchote la prière suivante : Roog o yaal in Seen, na katan of, Wo ci’axam ndoki ne. Ee ŋaayaaxoong ba ŋaayataam. Ce qui signifie : Dieu, notre Seigneur, C’est par ta puissance, que tu m’as donné cet habit. Toi, l’habit, je t’ai monté et tu ne me montes jamais.

PRIÈRE DU VOYAGEUR

Lorsqu’un Seereer s’apprête à sortir pour effectuer un voyage, il doit, avant de quitter la maison, dire la prière suivante : Ee ponu ken daabaa ban daawin ; ba jafes a dak ma. Ke na daabaxam, bara daawaam : Approximativement : Ah ! Que je ne rattrape pas le malheur qui se trouve devant moi, et que mes pieds n’y marchent pas. Que le malheur qui me suit ne me rejoigne pas. Pour manger ou boire, le Seereer pangoliste dira : Yaasam Roog a fi teen jam : Que Dieu y mette la paix. L’homme qui adressait constamment ses implorations à Roog SEEN, à sa mort, on priera pour lui en ces termes : Que Dieu ait pitié de lui ! Nous demandons à Dieu, notre Seigneur, de te donner la paix. Quant au mort, nous prions Dieu de te protéger. Qu’une poule blanche marche devant lui, qu’une poule blanche marche derrière lui par la bénédiction de Dieu . Amiin ! Est-il normal de condamner cette attitude de religiosité de l’homme Seereer ?

Il est insensé de considérer ce comportement religieux comme un acte satanique. Rien n’est plus étonnant que de voir certains musulmans mépriser les pratiques rituelles négro-africaines sous prétexte de la supériorité exclusive de leur religion.

ZAKAT OU L’AUMÔNE LEGALE

La Zakat est un prélèvement obligatoire d’une partie du revenu légal d’un musulman majeur et sain, au profit des pauvres. Il paraît que la Zakat était une réaction contre l’exploitation des pauvres par les riches. L’imposition de la dîme était une grande révolution en son temps. Dans une société inégalitaire comme celle d’Arabie, il était impensable de distribuer les biens des riches aux pauvres et aux esclaves exploités. Telle situation n’existait pas semble-t-il chez les anciens Seereer, qui cultivaient et consomment le produit de la culture en commun ; de telle sorte qu’il n’y avait pas des parasites ou des déchets humains dépendant des éléments producteurs. En application judicieuse de cet adage : Ngaaf o leng jigeeran, fop oo jigun : le mil n’appartient à personne, il est à tout le monde, le paysan seereer partageait sa récolte avec ceux qui n’en avaient pas assez. De la moisson à l’épuisement du grenier de réserve [Ndap Ndiigir), il donnait à chaque visiteuse nécessiteuse une portion de mil « la part de celui qui a vu » ou « droit de l’œil ». Au temps des anciens, un paysan pouvait vivre aisément même s’il n’avait pas derrière sa case un silo rempli de mil. Il était sûr que sa nourriture serait assurée par ceux qui avalent des greniers pleins. Certains chefs de carrés réservaient un grenier spécial à ceux qui n’avaient pas la chance d’en avoir.
Qui peut dire que les sérères ne connaissaient pas Dieu avant les religions révélées?
Et au-delà des sérères, ce sont tous les peuples africains qui sont concernés.

Source : Issa Laye Thiaw  » Femme Sérère ».

SobelDione

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