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La réussite scolaire dépend du niveau de connaissances des enseignants : les enseignements de 14 pays francophones d’Afrique

Les pays d’Afrique subsaharienne ont fait des progrès remarquables vers la scolarisation universelle au cours des 25 dernières années. Dans l’ensemble de la région, 8 enfants sur 10 en âge de fréquenter l’école primaire sont désormais scolarisés, et dans des pays comme le Bénin et Madagascar, ce chiffre s’élève à près de 10 enfants sur 10.

Cependant, il devient de plus en plus évident que de nombreux enfants de la région apprennent très peu à l’école. Cette “crise de l’apprentissage” signifie qu’il sera difficile d’atteindre l’objectif de développement durable des Nations unies d’une éducation de qualité pour tous d’ici 2030.

Il est important de noter que la crise de l’apprentissage ne touche pas tous les pays de la même manière. Par exemple, une étude récente a révélé que près de la moitié des élèves de sixième année (qui ont en moyenne 13 ans) au Niger ont des difficultés à lire une phrase simple, alors qu’au Burkina Faso, pays voisin, seul un élève de sixième année sur dix a de tels problèmes. Cela soulève la question de savoir ce qui explique ces écarts d’apprentissage entre pays.

Dans une étude récente, mes coauteurs Natalie Irmert, Mohammad H. Sepahvand et moi-même avons tenté de répondre à cette question. Nous avons émis l’hypothèse que les différences de qualité des enseignants entre les pays jouent un rôle. En utilisant des données comparables provenant de 14 pays d’Afrique subsaharienne francophone, nous avons constaté que les différences dans les connaissances disciplinaires des enseignants – c’est-à-dire leur maîtrise de la matière qu’ils sont censés enseigner – expliquent plus d’un tiers des différences de niveaux de l’apprentissage des élèves.

Cela signifie que les très faibles niveaux d’apprentissage dans les écoles de certains pays sont en grande partie dus à un manque d’enseignants compétents.

LA RECHERCHE

Notre étude a été rendue possible par la publication récente des données de l’évaluation PASEC 2019. Cette évaluation a comparé les compétences en lecture et en mathématiques des élèves de sixième année dans 14 pays d’Afrique francophone. Ce qui est important pour nous, c’est qu’elle a également mesuré les connaissances des enseignants de ces élèves dans les deux mêmes matières. L’évaluation a révélé de très grandes différences dans les compétences moyennes des élèves en lecture et en mathématiques d’un pays à l’autre.

Dans notre étude, nous avons cherché à savoir si ces différences entre pays dans les compétences des élèves étaient dues à des lacunes dans les connaissances des enseignants dans les disciplines. Nous avons émis l’hypothèse que cela pourrait être le cas sur la base de recherches antérieures menées dans les différents pays, qui montrent que la qualité des enseignants est un facteur clé de l’apprentissage.

Nos résultats ont montré que les compétences des élèves et les connaissances disciplinaires des enseignants étaient en effet positivement corrélées : de meilleures connaissances des enseignants tendaient à aller de pair avec de meilleures compétences des élèves.

Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement que les connaissances disciplinaires des enseignants sont à l’origine de l’apprentissage. Par exemple, les pays où les enseignants sont plus compétents peuvent également investir davantage dans les infrastructures scolaires. Dans ce cas, la corrélation positive entre les connaissances des enseignants et les compétences des élèves pourrait simplement refléter les meilleures conditions d’apprentissage dues à l’amélioration des infrastructures scolaires.

EXPLICATION DES DIFFERENCES

Pour être sûrs que notre comparaison reflète un effet causal des connaissances des enseignants, nous avons utilisé une astuce statistique : nous avons comparé les compétences des élèves et les connaissances des enseignants en lecture de chaque pays avec les compétences des élèves et les connaissances des enseignants en mathématiques.

Cela signifie que nous avons pu maintenir constants tous les facteurs qui ne différaient pas entre les deux sujets, tels que la qualité des infrastructures scolaires. Si de meilleures connaissances des enseignants en lecture par rapport aux mathématiques tendaient à aller de pair avec de meilleures compétences des élèves en lecture par rapport aux mathématiques, nous pourrions être certains que l’effet des connaissances des enseignants en était la cause.

La figure ci-dessous montre que c’est effectivement le cas : par exemple, les enseignants du Burundi ont obtenu des résultats relativement faibles au test de lecture par rapport au test de mathématiques et, par conséquent, leurs élèves ont obtenu de moins bons résultats à l’évaluation de la lecture qu’à l’évaluation des mathématiques. En revanche, les enseignants du Gabon avaient relativement plus de connaissances en lecture et, par conséquent, leurs élèves ont également obtenu de meilleurs résultats au test de lecture.

Dans l’ensemble, les différences dans les connaissances des disciplines entre enseignants pourraient expliquer un tiers des différences des niveaux des élèves entre les 14 pays. Nos données ne nous ont pas permis de déterminer les facteurs qui expliquent les deux tiers restants de ces différences.

IMPLICATIONS POUR LES DECIDEURS

Nos résultats montrent que la qualité des enseignants, et en particulier leur connaissance de la matière, est un facteur déterminant des différences de niveaux entre les pays. Cette constatation est importante pour les décideurs politiques d’Afrique subsaharienne qui tentent de résoudre la “crise de l’apprentissage” : elle montre qu’il est très rentable de recruter des enseignants plus compétents.

En outre, une formation en cours d’emploi qui améliore les connaissances des enseignants déjà en poste pourrait entraîner des gains importants dans l’apprentissage des élèves.

Jan Bietenbeck

Associate Professor of Economics, Lund University

Disclosure statement

Jan Bietenbeck a reçu des fonds de Jan Wallanders och Tom Hedelius stiftelse samt Tore Browaldhs stiftelse.

theconversation.com

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