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La Turquie quitte la Convention d’Istanbul qui réprime les violences faites aux femmes

La Turquie quitte la Convention d’Istanbul qui réprime les violences faites aux femmes

La Turquie s’est retirée de la Convention d’Istanbul de 2011 qui oblige les gouvernements à adopter une législation réprimant les violences faites aux femmes. Ici, des manifestantes lors de la Journée internationale des droits des femmes à Istanbul, le 8 mars 2021.
La Turquie s’est retirée de la Convention d’Istanbul de 2011 qui oblige les gouvernements à adopter une législation réprimant les violences faites aux femmes. Ici, des manifestantes lors de la Journée internationale des droits des femmes à Istanbul, le 8 mars 2021.

La Turquie s’est retirée du premier instrument contraignant au monde pour prévenir et combattre les violences faites aux femmes, selon un décret présidentiel publié ce vendredi 19 mars. Cette décision a aussitôt suscité les critiques du principal parti d’opposition, le CHP.

Après des mois de polémique, la Turquie est passée à l’acte, rapporte notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer. C’est par un décret publié au milieu de la nuit que Recep Tayyip Erdogan annonce retirer son pays de la « Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique », plus connu sous le nom de convention d’Istanbul. Cette Convention, l’actuel président turc – à l’époque Premier ministre – en avait été le premier signataire en mai 2011. Elle oblige les gouvernements à adopter une législation réprimant les violences domestiques et les abus similaires, y compris le viol conjugal et la mutilation génitale féminine.

Juridiquement, la méthode est contestable. Un texte adopté par le Parlement turc ne peut pas, en principe, être annulé par le président. Mais l’enjeu, pour Tayyip Erdogan, est purement politique. L’an dernier, sous la pression de groupes religieux prêts à monnayer leur soutien pour le scrutin de 2023, des cadres du parti au pouvoir, l’AKP, avaient accusé le traité de nuire à la « structure de la famille turque ». Ils prétendaient que la convention, en bannissant les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, encourageait en fait l’homosexualité. Ses références à l’égalité étaient, selon eux, utilisées par la communauté LGBT pour être mieux acceptée dans la société. Ils soutenaient aussi que ce texte était l’une des causes de la hausse du nombre de divorces.

La Turquie avait débattu d’un éventuel retrait de cette Convention après qu’un responsable du parti au pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan eut soulevé la question de l’abandon du traité l’année dernière. Depuis lors, des femmes sont descendues dans les rues d’Istanbul et d’autres villes, appelant le gouvernement à s’en tenir à la Convention. Le décret suscite donc la colère des associations féministes.

Le principal parti d’opposition CHP a critiqué cette décision. Gokce Gokcen, vice-présidente du CHP, chargée des droits humains, a tweeté que l’abandon de cette Convention signifiait « laisser les femmes être tuées ». « Malgré vous et votre malfaisance, nous allons rester en vie et faire ressusciter la Convention », a-t-elle écrit sur Twitter.


La Constitution et la réglementation intérieure de la Turquie seront la « garantie des droits des femmes », a assuré Zehra Zumrut Selcuk, ministre de la Famille, du Travail et des Services sociaux, selon l’agence de presse officielle Anadolu. « Nous allons poursuivre notre lutte contre la violence, avec pour principe zéro tolérance », a-t-elle ajouté.

La violence domestique et le féminicide restent un problème grave en Turquie. Un homme a été arrêté le 14 mars dernier dans le nord du pays, après la diffusion d’une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle on le voit frapper son ex-femme dans la rue.

Selon la Plateforme « Nous stopperons les féminicides », au moins 300 femmes ont été assassinées l’an dernier en Turquie. La plateforme a appelé à un « combat collectif contre ceux qui ont abandonné la Convention d’Istanbul » et à une manifestation de protestation ce samedi 20 mars à Kadikoy, dans la partie asiatique d’Istanbul, dans un message sur Twitter.

« Renoncez à cette décision, mettez en œuvre la Convention », a exhorté dans un tweet la secrétaire générale de l’organisation Fidan Ataselim.

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