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L’Assemblée rétablit le poste de Premier ministre : Pour Macky

Aveu d’échec pour l’opposition, opportun pour la majorité, le projet de loi portant retour du poste de Premier ministre n’attend plus que la promulgation du président de la République. L’Assemblée nationale l’a adopté hier, après des débats houleux.

Il fallait se dédire, d’un côté comme de l’autre. Pour la restauration du poste de Premier ministre, majorité et opposition devaient ravaler leurs propos exprimés le 4 mai 2019, jour de la suppression de cette fonction. Dans un Hémicycle clairsemé, le président du groupe de la majorité semblait avoir compris cet exercice périlleux. Aymérou Gningue a renoncé à son temps de parole, ainsi que pour les députés membres de son groupe. L’argument était le nombre excessif d’orateurs (53), alors que le ministre de l’Urbanisme attendait pour défendre son budget.

Il est 14h, Moustapha Niasse a suspendu la séance pour 10 minutes, à la suite de l’examen du budget du ministère de la Justice. Finalement, la pause va durer une heure. Seuls quelques membres du groupe Benno bokk yaakaar se sont mouillés. Cheikh Tidiane Gadio a mentionné le Covid-19 et le mandat du président de la République à l’Union africaine (Ua), pour saluer le retour de la Primature dans l’ordonnancement institutionnel. Pour Abdou Aziz Diop, membre du Parti démocratique sénégalais à l’époque de la suppression du poste de Premier ministre, cette réforme était «déconsolidante». «Les évènements de mars, la grève des transporteurs, les attaques contre le président de la République ont montré que cette institution a besoin d’un fusible, pour que le Général ne soit pas atteint de plein fouet», a dit l’ancien directeur de Cabinet de Oumar Sarr.

Toussaint Manga voit un «renoncement à un 3ème mandat»

Au sein de l’Apr, Awa Guèye et Sira Ndiaye invoquent le contexte de la pandémie du Covid-19 et ses effets sur l’économie nationale. Elles ont aussi rappelé que Macky Sall va passer plus de temps à l’étranger en 2022, à cause de la présidence de l’Ua. «Cet argument n’est pas un argument plausible. Joe Biden ne va pas déléguer la gestion des Etats-Unis à Kamala Harris, parce qu’il est président de l’Otan», a répliqué Marième Soda Ndiaye, qui a succédé à Me Aïssata Tall Sall à l’Hémicycle. «Ce sont des arguments très légers», a jugé Toussaint Manga du Pds. «On dit que les variants sont dangereux, mais j’ai plus peur des discours variants de certains parlementaires», a ironisé avec le sourire, l’ancien leader de l’Union des jeunesses travaillistes et libérales (Ujtl).

Mamadou Lamine Diallo, lui, s’est interrogé sur la procédure d’urgence du projet de loi. Il a rappelé la sortie du Président Macky Sall sur Rfi et France 24, affirmant qu’il va choisir le Premier ministre après les élections locales du 23 janvier 2022. «Pourquoi cette urgence ?», s’est-il demandé. Avant d’attaquer : «Une Constitution, c’est sérieux. Franchement, c’est honteux. D’abord, le président de l’Ua, on le sait en avance. Alpha Condé a été président de l’Ua. Macky est le patron de l’Apr, de Benno, de l’Adminis­tration. Les émeutes de mars sont là. Vous ne pouvez pas régler le problème. Le pays n’avance pas. Vous êtes paniqués. Vous ne savez plus quoi faire. Vous défendez une chose et son contraire. Vous ne pouvez pas. Macky Sall n’a ni l’aptitude, ni l’expérience, encore moins la culture pour gérer ce pays.»

Malick Sall : «Cette réforme est une exigence de la gouvernance démocratique»

Membre de l’opposition, Aïda Mbodj a pourtant décidé de voter la loi, car a-t-elle considéré, cette loi retourne à l’Assemblée nationale et aux députés, leur dignité. En tout cas, Toussaint Manga voit «des jalons de renoncement à un 3ème mandat. Bravo au Président Macky Sall !». Pour Déthié Fall, le retour du poste de Premier ministre constitue «l’aveu d’un tâtonnement» dans la gestion de Macky Sall. «C’est un aveu d’échec», s’est exclamée Mame Diarra Fam. Ce n’est pas le sentiment de Adji Mergane Kanouté, vice-présidente du groupe Bby, qui a fait remarquer que la pauvreté a reculé sous Macky Sall.

«Des acteurs politiques se plaisent de dépeindre un Sénégal qui n’existe pas, à des fins électoralistes. Le Sénégal que d’aucuns ont présenté ici, n’existe pas et relève d’une vision fantasmagorique», a contrattaqué le ministre de la Justice, énumérant les grands projets du gouvernement (Ter, Brt, Ila Touba,…). Pour expliquer le projet de loi, le ministre de la Justice a évoqué la «survenance brutale» de la pandémie du Covid-19. Selon Malick Sall, l’année 2022 va constituer la période de relance de l’économie nationale et le Sénégal doit être partie prenante dans cette dynamique mondiale. «Le Président sera très souvent absent du pays, pour servir les intérêts de notre cher continent», a souligné M. Sall. Le ministre a souligné qu’il s’avérait nécessaire de rétablir le poste de Premier ministre, qui sera le coordonnateur de la mise en exécution de la politique déclinée par le chef de l’Etat. «Cette réforme est une exigence de la gouvernance démocratique et un renouveau institutionnel, face au contexte international. Il est opportun et vient à point nommé», a justifié Malick Sall.

A noter que le gouvernement a introduit deux amendements adoptés par la majorité. Par contre, ceux de Mamadou Lamine Diallo, Théodore Chérif Monteil et Serigne Cheikh Mbacké Bara Dolly ont été rejetés. Avec le retour du poste de Premier ministre, le gouvernement devient responsable devant le Parlement, qui retrouve sa motion de censure. Mais le président de la République a de nouveau, cette compétence de dissoudre le Parlement, selon les conditions fixées par la loi. L’Assemblée nationale peut désormais convoquer le gouvernement pour des séances de questions d’actualités.

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