« Le massacre de Thiaroye, longtemps occulté par les autorités françaises… devient un symbole de résistance et de dignité pour l’Afrique » Mamadou Diouf, historien
Le Sénégal commémore, le dimanche 1er décembre 2024, le 80ème anniversaire du massacre de Thiaroye, un épisode tragique survenu en 1944, au cours duquel des dizaines de tirailleurs sénégalais furent tués par les forces coloniales françaises. Cette commémoration, présidée par le chef de l’État Bassirou Diomaye Faye, marque une rupture avec les approches précédentes, en inscrivant cette tragédie dans le récit national et panafricain.
Pour l’historien Mamadou Diouf, président du comité de commémoration, cette démarche représente à la fois un acte de mémoire et une affirmation de souveraineté. « Le massacre de Thiaroye, longtemps occulté par les autorités françaises et les régimes sénégalais successifs, devient un symbole de résistance et de dignité pour l’Afrique », déclare-t-il dans un entretien avec AFP.
La commémoration, désormais inscrite dans le calendrier national, vise à rendre hommage aux tirailleurs sénégalais massacrés pour avoir réclamé leurs arriérés de solde après leur participation à la Seconde Guerre mondiale sous l’uniforme français.
Les activités incluront une cérémonie officielle au camp militaire de Thiaroye et au cimetière où reposent les victimes, ainsi que des hommages civils et militaires. Un livre blanc retraçant les faits, les enjeux mémoriels et les recommandations pour les réparations sera remis au gouvernement en avril 2025.
Le comité de commémoration souhaite également renforcer les recherches historiques et promouvoir la création artistique autour de cet événement, en mobilisant historiens, écrivains et artistes pour faire vivre cette mémoire dans l’espace public.
La quête de vérité sur le massacre de Thiaroye reste semée d’embûches. Malgré une promesse faite par le président François Hollande en 2014 de remettre toutes les archives relatives à cet événement, les historiens accusent la France de ne pas avoir totalement honoré son engagement. Certaines archives cruciales restent inaccessibles, tandis que d’autres sont déclarées détruites ou inexistantes, ce que contestent les chercheurs.
Pour surmonter ces obstacles, le Sénégal a constitué une délégation composée d’historiens et d’archivistes. Celle-ci se rendra prochainement en France pour négocier l’accès aux documents encore retenus et leur numérisation.
Au-delà de la reconnaissance du massacre, le Sénégal appelle à une relecture des faits dans un cadre moral et historique. Mamadou Diouf insiste : « Cette entreprise n’est pas un règlement de comptes avec la France, mais une interrogation sur une mémoire occultée et une histoire falsifiée. »
Les demandes incluent : La reconnaissance officielle du massacre, l’accès total aux archives françaises, la localisation des fosses communes et l’identification des victimes, des réparations morales et financières, la révision des procès des tirailleurs impliqués.
Le massacre de Thiaroye dépasse les frontières sénégalaises, car les tirailleurs provenaient de diverses colonies africaines sous domination française. Cette commémoration réaffirme donc un engagement panafricain pour la justice historique. Alors que le Sénégal inscrit cet événement dans son récit national, le pays offre un exemple de résilience collective face à une histoire marquée par l’injustice coloniale. Ce 80ème anniversaire pourrait ainsi devenir un levier pour renforcer les relations internationales basées sur la vérité et la réconciliation.
Rts