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Le Ngalax : La convivialité sénégalaise à inscrire au patrimoine universel de l’UNESCO

Cet exemple de tolérance et de convivialité devrait être inscrit au patrimoine immatériel universel de l’UNESCO. Jérusalem, Karachi, Bombay, Islamabad, Katmandou, etc., cette image vous interpelle et vous parle. Des musulmans et des chrétiens s’échangeant des amabilités ; des chrétiens préparant et offrant le Ndogou « Rupture du jeûne » à des musulmans ; des musulmans aidant des chrétiens à préparer le Ngalax ou leur offrant des présents pour célébrer la fête de la nativité… Quelle merveilleuse illustration de la convivialité comme fondement de notre humanité ! Il n’y a pas de raison que la Thanksgiving soit connue du monde et que le Ngalax ne le soit pas.

Le Ngalax n’est pas seulement un succulent plat, c’est une idée, une valeur, une culture, une morale, bref une philosophie. Le Ngalax est une invention sénégalaise à amener au « Rendez-vous du donner et du recevoir ». Raimond Pannikar a proposé une alléchante allégorie pour illustrer le pluralisme et la convivialité qu’il requiert : « Pluralisme signifie qu’il y a des systèmes de pensée et des cultures incompatibles entre eux ou, en utilisant une métaphore géométrique, qu’ils sont incommensurables (tels, que le sont le rayon et la circonférence ou l’hypoténuse et le cathe?te, en restant pour autant en coexistence et co-implication) ». Le musulman n’est pas un chrétien, mais il peut comprendre l’essence du christianisme, d’autant que Jésus est dans le Livre saint (Coran). Le chrétien n’est pas un musulman mais il peut comprendre le « projet » (au sens où Sartre entend ce mot) musulman d’autant que l’héritage le plus fécond de Jésus est « l’Esprit ». Chacune des cathètes est apparemment opposées à l’hypoténuse, mais cette opposition cache une « coexistence et co-implication » parce qu’il n’y a de cathète que par rapport à une hypoténuse et inversement. C’est le même rapport que nous devrions avoir dans nos relations à autrui. La convivialité consiste à adopter un comportement qui met à l’aise autrui du fait qu’on a conscience de sa propre contingence et par conséquent du droit d’autrui à avoir des valeurs, des idées et des croyances différentes.

Le Ngalax est l’extériorisation, la figuration de la pensée la plus achevée de ce que doit être notre humanité. Le Ngalax est selon nous l’expression sur le plan humaniste de ce que Mamadou Dia appelle la  Participation : « Le trait essentiel qui les caractérise, leur foi fondamentale d’où découle leur conception de l’homme, leur conception de la nature, celle des rapports entre l’homme et la nature, toute leur philosophie et leur histoire, c’est la participation » (Islam, sociétés africaines et culture industrielle, Dakar, NEA, 1975). En Afrique l’homme est capable de s’associer à la nature, de la respecter, de s’abstenir de la blesser. Un homme qui fusionne aussi harmonieusement avec la nature peut-il haïr un homme comme lui ? Si même la nature a des droits, comment pourrait-on refuser ces droits à l’homme ? Nous sommes les enfants de la nature, nous ne pouvons pas nous haïr.

La Ngalax sénégalais, cette communion extra religieuse, donne raison à un autre penseur lointain, mais proche, Confucius : « Par la nature nous sommes frères, c’est l’éducation qui nous rend étrangers ». Puisque, c’est l’(éducation qui nous étrangers, infléchissons-là dans les limites de la convivialité pour qu’elle devienne un facteur d’unité, de symbiose. Faisons de l’éducation le ciment de l’humanité en enseignant aux adultes que les différences sont le fruit ou la conséquence de notre identité générique.

Alassane K. KITANE

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