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Le Sénégal devait-il appliquer le suivisme du Confinement pour lutter contre le coronavirus ?

Ce matin, je découvre le post d’un ami Diawar Diop sur Facebook : pour 17 cas positifs on ferme les mosquées et pour 1995 le 12 mai 2020 on rouvre les mosquées. Cette information nous emmène à se poser cette questionlancinante : Le Sénégal devrait-il suivre la France ou le monde entier dans une politique de confinement pour lutter contre laCovid-19 ? 

Dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus, s’il y a un point sur lequel il y a presque un consensus mondial, c’est bien le confinement. Le confinement permettra, aux pays qui l’ont mis en place, de limiter le nombre de cas, notamment lors des vagues de contamination et ainsi de permettre au système hospitalier de tenir. 

Cependant, chaque semaine de confinement a un impact lourd sur l’économie. A titre d’exemple, un confinement de 2 mois en France a entraîné une forte baisse du PIB de plus de 8 pour cent. Dis autrement, beaucoup d’entreprises vont déposer le bilan entraînant de facto la perte d’emplois pour de centaines de milliers voire des millions de personnes. Ce qui,certainement, entraînera une grave crise économique.

En ce qui concerne le Sénégal, un article de CNEWS, daté du 23 avril 2020 mettait l’accent sur les conséquences du Coronavirus ; dont une, de celles-ci, est la famine qui pourrait impacter plus de 5 millions de sénégalais. Aussi plus de 265 millions de personnes dans le monde pourraient être menacées par cette dernière. Avec une population dont la majorité vit de la débrouillardise : « goorgorlou », le Sénégal allait certainement vers une famine sans comparaison malgré les mesures prises par le gouvernement pour des aides en denrées de première nécessité.

Si la mise en place du confinement est une nécessité absolueaujourd’hui, le dé-confinement devient une urgence afin de limiter les impacts économiques qui, à ce rythme, seront probablement aussi meurtrier que la Covid-19 elle-même.

Est-il nécessaire de rappeler que chaque pays a ses propres réalités et ainsi doit prendre ses responsabilités en fonction de ses réalités socio-professionnelles propres. Les réalités françaises ne sont pas les réalités sénégalaises ni même celles chinoises. 

Alors fallait-il confiner au Sénégal ? Depuis le message du président Macky Sall la question se pose avec acuité. Pourquoi prendre des mesures radicales d’urgence sanitaire avec 17 cas positifs avec aucun décès et aujourd’hui alléger profondément ces mesures alors que le Sénégal compte au moment j’écris 1995 cas positifs et 19 décès.

La mise en place du confinement nécessite un certain nombre de mesures pour s’assurer que la population ait accès aux ressources de première nécessité. L’identification des activités nécessaires à la vie du pays et assurer leur continuité tout en ayant des règles de sécurité sanitaire est donc nécessaire. Dis autrement, cela nécessite des moyens techniques, logistiques, humains… et surtout financiers. Le Sénégal a-t-il les moyens de mettre en place le confinement ?

Classé 20ème pays qui produit le plus de richesse en Afrique (112ème pays au niveau mondial), le Sénégal ne figure plus dans la zone rouge des 25 pays les plus pauvres du monde. Cette croissance du PIB est principalement liée au démarrage d’une des phases du Programme d’actions prioritaires du Plan Sénégal Émergent (PSE) qui devra mobiliser plus de 14 mille milliards de FCFA sur la période 2019-2023. Ceci ne change pas la dépendance de l’économie sénégalaise au secteur informel, qui constitue le principal moyen de subsistance pour une très large majorité des foyers sénégalais. Selon un récent rapport de la Banque Mondiale, ce secteur informel est à l’origine de 97% des créations d’emplois au Sénégal. 

Cette dépendance au secteur informel résulte d’une politique d’emploi défaillante et se traduit par le fait qu’une large majorité de la population en dépend pour gagner sa vie au quotidien, ne serait-ce que pour s’alimenter, se loger…. Considérant le postulat selon lequel confiner la population sénégalaise revient à la priver du secteur informel, comment mettre en place un confinement sans créer une crise humanitaire et sociale majeure qui s’ajouterait à cette crise sanitaire ? Surtout pour un pays qui n’a pas les moyens financiers et aura beaucoup de mal à assumer les conséquences économiques de la crise en cours. Les décideurs l’ont surement compris, car ils semblent avoir écarté le confinement total comme moyen de lutte contre la propagation du Coronavirus en instituant l’état d’urgence sanitaire avec des règles strictes de déplacement.

Avec l’augmentation du nombre de tests par jour, le nombre de cas augmente. Le pays qui avait, jusqu’alors, « inversé » la courbe (nombre de guéris vs nombre de contaminés) voit son nombre de cas contaminés augmenter de jour en jour avec, parmi ces cas, les cas communautaires (sans lien identifié avec des cas importés ou venant de clusters connus). Souvent au Sénégal, on attribut, à tort, l’augmentation des cas (surtout communautaires) à l’indiscipline de la population. Ce type de réflexion est aussi d’actualité en France (et surement partout ailleurs). Autant dire que cet « ennemi invisible » a cette force de nous pousser à désigner des fautifs dans notre imaginaire. Cessons de pointer des cas épisodiques d’indiscipline et concentrons-nous dans la lutte. 

Et même si l’indiscipline était la cause de plusieurs cas, alors cette indiscipline est forcément liée à la défaillance des politiques publiques depuis des décennies, que ce soit au niveau de l’éducation nationale ou au niveau social. L’augmentation du nombre de cas incite bon nombre de sénégalais à demander la mise en place du confinement. Je le comprends. Mais je comprends également que ceux qui demandent le confinement ne font pas partie de la classe sociale qui en subira les pires conséquences. 

Nous craignons tous ce virus, avant tout pour nos proches que nous voulons préserver. Toutefois, le confinement ne peut pas constituer un moyen de lutte car simplement applicable au Sénégal. S’il fallait l’appliquer, sans moyens de le financer et sans la mise en place des politiques sociales et humanitaires qui doivent accompagner, le confinement risquerait d’amplifier la misère sociale déjà présente. Il serait destructeur de la cohésion sociale si chère au Sénégal. 

Le Sénégal n’a pas les moyens financiers de mettre en place un confinement. Sa réalité sociale ne lui permet pas de le mettre en place. Nous devons lutter contre la propagation du virus en étant tous responsables, solidaires. Nous avons un peuple avec des scientifiques et experts compétents, faisons leur confiance ! Exigeons que l’Etat leur donne les moyens de lutter et les armes pour le faire.

Malgré ces réalités, le Sénégal a quand même confiné à sa manière en appliquant un état d’urgence sanitaire avec des règles strictes ponctuées de comportement parfois au-dessus de l’absurde. Non, à mon humble avis il ne fallait pas. Trois mesures suffisaient. La première il fallait une fermeture totale des frontières aériennes et maritimes pour les voyages de plaisance ; deuxièmement il fallait instaurer des mesures sanitaires de distanciations sociales avec des leçons pour vivreavec le coronavirus dans tous les médias, faire obligation à tous les sénégalais de porter des masques et enfin, il fallait tester puis confiner pour briser l’élan du virus et réduire sa propagation.

Conséquence de beaucoup de tâtonnements et de prises de décisions hasardeuses ; beaucoup de sénégalais ont eu beaucoup de doute sur l’existence même de la covid-19 à cause d’une politique d’information catastrophique. Fallait-il faire autant de tapage sur les distributions alimentaires ?Fallait-il chanter le coronavirus en espérant éduquer les gens ?Fallait-il réduire cette maladie en une maladie honteuse ?Fallait-il chaque matin à 10h donner un détail sur les cas positifs et les morts ? Fallait-il fermer les mosquées, les lieux de culte et les écoles ? Fallait-il empêcher de pauvres commerçants, de pauvres chauffeurs etc. de faire leur travail et de subvenir à leur besoin ?

Pas du tout, le désastre est qu’aujourd’hui la majorité de Sénégalais pensent que tout cela n’était que pure politique pour permettre à certains de s’enrichir sur leurs dos. Hélas les mille milliards de francs CFA devrait servir à construire de nouveaux hôpitaux bien équipés pour prévenir de nouvelles pandémies et mettre les soignants à l’abri de besoins. Combien d’argent a été dilapidé dans des investissements comme le TER et d’autres encore au mépris de la santé des sénégalais et de leur existence même ? Prions pour que peu de malades nese retrouvent en réanimation et ne soient victimes d’un manque criant de matériel à cet effet.

Il est évident que le virus est toujours là. Prions aussi pour que le pic soit atteint rapidement bien avant le mois de septembrecomme le dit le président de la république. En attentant il appartient à chaque sénégalais et à tout un chacun de prendre ses responsabilités et ne pas douter de l’existence même du virus ou ne considère plus cette maladie comme une maladie honteuse. Il s’agit maintenant de s’inspirer des évènements du passé pour combattre avec rigueur et discipline la Covid-19. Il s’agitde ne pas reproduire l’histoire de la grippe espagnole qui, en 3 vagues successives de confinements et de déconfinements, a vu les populations abandonner toutes les restrictions sanitaires entraînant des dizaines de millions de morts.

Amadou Diallo

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