L’épidémie de Covid-19 aggrave les troubles psychiques des jeunes migrants
L’isolement provoqué par l’épidémie de Covid-19 a aggravé les troubles psychiques qui peuvent être observés chez certains jeunes migrants traumatisés par leur exil. Cela s’explique notamment par l’arrêt de la plupart des interactions sociales.
Déjà loin de leurs proches et de leur pays, les personnes migrantes ont été encore plus isolées socialement par le Covid-19. Chez certains jeunes migrants traumatisés par leur expérience de l’exil, l’épidémie a eu pour effet secondaire d’accroître leurs troubles psychiques, expliquent deux sociologues de l’école de santé publique de Rennes.
Patricia Loncle, professeure en sociologie à l’École des hautes études en santé publique (EHESP), et Alessia Lefébure, sociologue et directrice des études à l’EHESP, mènent un projet de recherche sur la santé des jeunes migrants qu’elles ont présenté sur le site francophone « The Conversation ».
Parmi les troubles observés régulièrement chez cette population soumise à un fort niveau de stress et de violence au long de son parcours, se trouve le syndrome d’Ulysse. Il s’agit d’un stress chronique provoqué par des épreuves anxiogènes sur une longue durée.
« Les comportements peuvent être très graves : des crises d’angoisse ou des hallucinations qui résultent de la pression liée à l’incertitude », explique Patricia Loncle, qui souligne les difficultés de prise en charge, faute de places et de formation des professionnels.
« Livrés à eux-mêmes »
Pour cette population fragile, l’épidémie de Covid-19 est venue perturber un quotidien fait de peu de repères. La distribution alimentaire a ainsi parfois fait défaut et l’isolement a fortement augmenté.
« On a mis les gens à l’abri mais ils se sont retrouvés livrés à eux-mêmes. Beaucoup de petites associations ont dû suspendre leur action, et les jeunes migrants, qui souffrent déjà d’isolement et de déracinement, se sont retrouvés encore plus seuls », explique Alessia Lefébure.
« Il n’y avait plus de chaleur humaine autour d’eux dans la mesure où l’interaction humaine repose essentiellement sur les bénévoles, et leur santé mentale s’est encore dégradée », poursuit-elle.
Effectivement, l’épidémie et les deux confinements ont mis un cran d’arrêt aux sorties culturelles, jeux et goûters organisés par les associations d’aide aux migrants.
Troubles mentaux six fois plus fréquents
Ces souffrances s’ajoutent aux difficultés quotidiennes des personnes migrantes, privés d’hébergement dans leur majorité. Le manque d’hygiène, de sommeil et de nourriture provoque chez ces personnes des maladies de peau, des troubles digestifs et des maux de tête.
En février, l’Académie nationale de médecine avait jugé la situation sanitaire des migrants « préoccupante », citant des troubles mentaux « six fois plus fréquents que dans la population générale ». Elle mettait notamment en cause la précarité des conditions d’hébergement, d’hygiène, ainsi qu’un retard dans l’accès aux droits.
Parmi les situations les plus critiques, les deux chercheuses citent notamment les Centres de rétention administrative (CRA), dont certains ont été maintenus ouverts pendant les périodes de confinement malgré l’impossibilité de renvoyer dans leur pays d’origine les personnes placées en rétention.
« L’État considère que ces centres sont un sas avant un départ vers l’étranger. Résultat : on ne s’occupe plus de la souffrance des retenus. L’an dernier, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a dénoncé avec virulence la difficulté d’accès aux soins dans les CRA, notamment psychiatriques », souligne Alessia Lefébure. Elle rappelle que les placements en CRA de personnes atteintes de pathologies mentales augmentent, tout comme les actes de détresse