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L’image de Macron ternie en Occident mais pas forcément dans le reste du monde

Russie et Chine: le président français Emmanuel Macron persiste dans sa volonté de faire de la France une puissance capable de parler à tous, au risque d’abîmer son image dans une partie de l’Europe et aux Etats-Unis.

Pour autant, notent certains experts, les propos controversés en Occident s’adressent aussi à toute une partie du monde animée par un sentiment anti-occidental qui pourrait accueillir favorablement la posture de non-alignement sur les deux premières puissances du monde.

L’hôte de l’Elysée a suscité un tollé à l’issue de sa visite d’Etat en Chine en déclarant à des journalistes de Politico et du quotidien économique Les Echos que l’Europe ne devrait pas automatiquement s’aligner sur les Etats-Unis ou sur la Chine en cas de conflit à propos de Taïwan. Il avait déjà suscité la polémique, comme en juin 2022 pour avoir soutenu qu’il ne fallait pas « humilier » la Russie afin de trouver un « chemin de sortie » diplomatique lorsque Russes et Ukrainiens déposeront les armes.

« L’image d’Emmanuel Macron est plus qu’écornée, elle est ébréchée », estime Michel Duclos, conseiller spécial à l’institut Montaigne, soulignant la remise en cause de la crédibilité du président français. Le chef de l’Etat français avait, dit-il, « un atout dans les réunions internationales: il passait pour plus intelligent que les autres ». Désormais, il apparaît comme un dirigeant « non fiable sur un sujet extraordinairement complexe, sensible, explosif ».

Pour le chercheur français Bruno Tertrais, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), « c’est une séquence qui risque d’ancrer encore un peu plus en Europe et aux Etats Unis l’image d’un Emmanuel Macron enclin à la provocation sur des sujets internationaux sensibles ».

Pour autant, il note qu’après six années à la tête de la France, le président « continue de fasciner et ne suscite pas le rejet que certains de ses prédécesseurs avaient suscité ». En outre, observe-t-il, Emmanuel Macron peut s’appuyer sur sa « longévité » et « son ancienneté ». « Cela compte », dit-il, « au Conseil européen et au conseil de l’Atlantique nord ».

« Auto-marginalisation » ?

Certes, ajoute l’expert, les critiques de « responsables politiques et de commentaires de premier plan » ont « un impact sur la perception générale de la politique française ».

Mais l’absence de réaction de la plupart des principaux homologues d’Emmanuel Macron illustre que ceux-ci « ont l’habitude des saillies du président français » et savent qu’elles reflètent « souvent davantage sa liberté voire sa volonté de provocation dans les entretiens informels ». Pour Michel Duclos, le risque reste néanmoins que ces provocations « conduisent à une auto-marginalisation de la France » qui renforcera in fine le leadership américain.

Bertrand Badie, professeur et spécialiste des relations internationales à Sciences-Po Paris, note, lui, que « les hurlements viennent de personnages assez marginaux ». Et le silence des principaux interlocuteurs de Macron, à l’instar du chancelier allemand Olaf Scholz, témoigne selon lui que fondamentalement, ils ne sont pas en désaccord sur l’approche avec la Chine ou sur la nécessité d’assurer la souveraineté européenne.

« C’est une tempête dans un verre d’eau », dit-il ainsi à propos de la polémique des derniers jours. Par ailleurs, il note que si la posture de la France sur le non-alignement peut « agacer une partie de l’Europe, du monde occidental ou même de la classe politique française, elle pourrait être relativement bien perçue dans le monde » au-delà de la Chine, qui n’a pas manqué de louer les commentaires du président français.

Dans des pays africains, qui ne se sentent pas concernés par exemple par la guerre en Ukraine, « l’exaspération » est palpable et la position d’Emmanuel Macron pourrait ainsi être bien accueillie. Selon lui, le président français a aussi compris que les pays émergents comme l’Inde ou le Brésil ou une organisation comme l’Union africaine (UA) ne sont plus « des figurants » ou des acteurs secondaires.

Et dans un contexte de « déconfiture » de la France en Afrique, de « claques successives dans le grand Moyen-Orient, au Liban, en Syrie ou en Iran », le président s’efforce de sortir « du bastion occidental pour dire on est dans le monde et parce qu’on est dans le monde, l’Europe doit se construire dans le monde ». « C’est une dialectique qui est plus subtile qu’elle n’y paraît », conclut Bertrand Badie.

voa

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