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L’INTELLECTUEL COLONISÉ ATTAQUE SES TRADITIONS AU LIEU DE LES EMBRASSER, PAR SOBEL DIONE

Selon Frantz Fanon, l’intellectuel colonisé devra passer par trois étapes intellectuelles afin de sortir définitivement de l’aliénation coloniale et de rentrer pleinement dans la lutte pour l’émancipation de son peuple.

« Dans une première phase, l’intellectuel colonisé prouve qu’il a assimilé la culture de l’occupant. Ses œuvres correspondent point par point à celles de ses homologues métropolitains. L’inspiration est européenne et on peut aisément rattacher ces œuvres à un courant bien défini de la littérature métropolitaine. C’est la période assimilationniste intégrale. On trouvera dans cette littérature de colonisé des parnassiens, des symbolistes, des surréalistes.

Dans un deuxième temps le colonisé est ébranlé et décide de se souvenir. Cette période de création correspond approximativement à la replongée que nous venons de décrire. Mais comme le colonisé n’est pas inséré dans son peuple, comme il entretien des relations d’extériorité avec son peuple, il se contente de se souvenir. De vieux épisodes d’enfance seront ramenés du fond de sa mémoire, de veilles légendes seront réinterprétées en fonction d’une esthétique d’emprunt et d’une conception du monde découverte sous d’autres cieux. Quelquefois cette littérature de pré-combat sera dominée par l’humour et par l’allégorie. Période d’angoisse, de malaise, expérience de mort, expérience aussi de nausée. On se vomit, mais déjà par dessous, s’amorce le rire.

Enfin dans une troisième période, dite de combat, le colonisé après avoir tenté de se perdre dans le peuple, de se perdre avec le peuple, va au contraire, secouer le peuple. Au lieu de privilégier la léthargie du peuple il se transforme en réveilleur de peuple. Littérature de combat, littérature révolutionnaire, littérature nationale. Au cours de cette phase un grand nombre d’hommes et de femmes qui auparavant n’auraient jamais songé à faire œuvre littéraire, maintenant qu’ils se trouvent placés dans des situations exceptionnelles, en prison, au maquis ou à la veille de leur exécution ressentent la nécessité de dire leur nation, de composer la phase qui exprime le peuple, de se faire le porte-parole d’une nouvelle réalité en actes. »

L’intellectuel colonisé qui est parti très loin du côté de la culture occidentale ou arabe et qui se met en tête de proclamer l’existence d’une culture ne le fait jamais au nom de l’Afrique. La culture qui est affirmée est la culture africaine. Le nègre qui n’a jamais été aussi nègre que depuis qu’il est dominé par le blanc quand il décide de faire preuve de culture, de faire œuvre de culture s’aperçoit que l’histoire lui impose un terrain précis, que l’histoire lui indique une voie précise et qu’il lui faut manifester une culture nègre. »

Frantz Fanon »Les damnés de la terre »

SobelDione

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