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L’opposant Ousmane Sonko, condamné à la prison avec sursis, reste éligible selon ses avocats

Un tribunal sénégalais a condamné jeudi l’opposant Ousmane Sonko à deux mois de prison avec sursis pour diffamation à l’encontre d’un ministre, une peine qui préserve son éligibilité pour la présidentielle de 2024 selon ses avocats.

Si le maintien de son éligibilité est confirmé, le jugement semble susceptible de diminuer au moins temporairement les vives tensions qui parcourent le pays depuis des semaines et qui, jeudi encore, ont quasiment mis à l’arrêt la capitale Dakar, quadrillée par les policiers et les gendarmes.

Un éventuel répit pourrait être de courte durée, le sort de M. Sonko restant suspendu à un appel, du parquet par exemple, mais aussi à une autre procédure dans laquelle il est mis en cause pour des faits présumés de viols, qu’il conteste. M. Sonko, 48 ans, devait répondre de diffamation, injures et faux contre le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang.

Outre les deux mois de prison assortis du sursis, le tribunal a condamné M. Sonko, absent à l’audience, à verser 200 millions de francs CFA (300.000 euros) au ministre. Il l’a relaxé des délits d’injures et de faux. Le ministère public avait réclamé sa condamnation à deux ans de prison, dont un an ferme, pour diffamation et faux, et trois mois ferme pour injures. Il avait aussi requis la délivrance d’un mandat d’arrêt contre lui.

« Avec deux mois avec sursis, Sonko reste éligible », ont déclaré à l’AFP deux de ses avocats, Mes Bamba Cissé et Cheikh Khoureyssi Ba. Derrière ce procès en diffamation, c’est la candidature déclarée de M. Sonko à la présidentielle qui est en jeu. Les textes en vigueur prévoient une radiation des listes électorales, et donc une inéligibilité, dans certains cas de condamnation pour diffamation.

L’opposant, arrivé troisième de la présidentielle en 2019, ainsi que ses supporteurs crient à l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir, qui chercherait à l’éliminer politiquement et à dégager la voie pour le sortant Macky Sall. M. Sonko a juré de ne pas se laisser faire. Le tribunal a une fois de plus pris des airs de camp retranché jeudi et l’activité tournait à nouveau au ralenti dans la capitale, comme c’est devenu la règle à chaque rendez-vous de M. Sonko avec la justice.

Depuis 2021, ses convocations ont suscité des affrontements avec les forces de l’ordre. Au moins 12 personnes avaient trouvé la mort en 2021 lors de plusieurs jours d’émeutes, les troubles les plus graves connus depuis plusieurs années dans ce pays réputé comme un rare îlot de stabilité dans la région. L’audience a aussitôt donné lieu à des incidents de procédure et à de vifs échanges entre les parties, jusqu’à ce que les avocats de M. Sonko quittent le prétoire.

Etat de droit

Les avocats de M. Sonko ont vainement protesté contre le refoulement, mercredi par les autorités sénégalaises à l’aéroport de Dakar, d’un nouveau confrère recruté pour la défense de l’opposant, le Franco-Espagnol Juan Branco.

M. Sonko a annoncé sur les réseaux sociaux qu’un autre de ses conseils, Me Ousseynou Fall, avait été suspendu par l’Ordre des avocats. « On a bloqué la défense, des avocats qui devaient venir Il est clair que le Sénégal n’est plus un Etat de droit », a dit à des journalistes Cheikh Aliou Beye, député du parti de M. Sonko, près du domicile de ce dernier, aux abords verrouillés par un important dispositif policier.

La personnalité de M. Sonko divise. Son discours souverainiste, panafricaniste et social, ses diatribes contre les élites, la corruption et l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française lui valent une grande popularité parmi les jeunes. Ses détracteurs dénoncent en lui un populiste n’hésitant pas à souffler sur les braises sociales. Le président Sall a lui-même accusé M. Sonko de se servir de la rue pour échapper à la justice, dans un entretien récemment accordé au magazine français L’Express.

Les appels de l’opposition à protester mercredi et jeudi ont paru peu suivis d’effet. Des centaines de personnes ont été interpellées ces dernières semaines, notamment parmi les sympathisants de M. Sonko. Le flou entretenu par le président Sall quant à son intention de passer outre aux objections constitutionnelles et de briguer ou non un troisième mandat en 2024 alimente les tensions. L’opposition a fait du non au troisième mandat son mot d’ordre.

voa

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