SANTE

LUTTE CONTRE LE SIDA : SOUKEYNA NDIAYE, L’EXEMPLE DE LA RÉSILIENCE

Soukeyna Ndiaye, la présidente du Réseau national des personnes vivant avec le VIH (RNP +) est la reine du jour. On ne le dirait pas mais dépistée en 2005, l’ex-épouse d’émigré vit depuis lors, 14 ans aujourd’hui, avec le VIH sida. Symbole de résilience. Le témoignage de la jeune grand-mère, sa petite-fille, Arame, âgée de 3 ans, a été choisie comme mascotte de la journée, a ému plus d’un, à l’occasion de la cérémonie officielle de la Journée mondiale de lutte contre le sida, ce 1er décembre, à l’esplanade du Grand-Théâtre national, sous le sous-thème : « Prenons un enfant par la main ».

Originaire de Guinguinéo, dans la région de Kaolack, sa vie a été « profondément marquée » par le Sida, confie-t-elle, racontant son histoire : « Mariée une première fois en 1988, mon mari a été emporté par le Sida, en 2006. Nous vivions le parfait amour. J’étais enceinte de mon septième enfant. Sous la pression de son ami également séropositif, il finit par m’amener à l’hôpital 7 jours après mon accouchement. Le médecin m’a proposé le test (du sida), ce que j’ai accepté. » Le monde s’effondre car poursuit la dame : « On m’annonça la dure nouvelle, que j’avais le virus dans le sang ».

« L’espoir de sauver mon enfant »

« Mon médecin m’a expliqué que les anti rétroviraux (ARV) existent, et que j’avais une chance de vivre, en subissant le traitement. Mon objectif principal était de protéger mon bébé pour le sauver car je l’allaitais au sein. 18 mois plus tard, je vivais une psychose dans l’espoir de ne pas contaminer mon enfant. Dieu merci, le test s’est avéré négatif. Ce fut un soulagement, et aussi un début d’engagement pour moi pour aider la communauté afin qu’aucun enfant ne naisse avec le virus du Sida. »

Le sens de son engagement et le manque de moyens

C’est de là qu’est né son engagement auprès de la communauté. « J’avais réuni les fondateurs de l’association, et nous avions décidé de dépister leur enfant. Ce jour-là, j’ai eu très mal car 3 enfants étaient infectés. Quelque mois après, mon mari décéda et me laissa la charge de nos 7 enfants. Mes enfants, les mamans dont les enfants étaient atteints, et moi, nous nous soutenions moralement. Ils étaient en face de nous souriants et ignorants, inconscients du poids de la vie qui tombait sur eux. L’association dont je suis la présidente, est partie à la recherche de financement pour leur venir en aide. Malheureusement, un parmi eux nous abandonna en cours de lutte, faute de moyens. Son papa était obligé de ramener sa famille au village où les conditions de vie étaient difficiles pour eux, et où la nourriture adaptée à l’enfant faisait défaut. »

Son plaidoyer pour les 2 mille enfants pris en charge

« Si je vous dis cela, ce n’est pas pour jouer avec vos émotions, ou ruminer des souvenirs par ailleurs douloureux, ni pour susciter votre pitié, je n’en ai pas besoin, je vous dis cela essentiellement pour vous montrer que la question du sida chez l’enfant a été confinée à l’arrière-plan pendant de longues années. Combien d’enfants sont morts et meurent encore depuis l’introduction des ARV ? Combien d’enfants sont infectés chaque année à l’heure où la science et la technologie permettent de limiter considérablement la transmission du VIH de la mère à l’enfant ? »

Dépistage : son message aux épouses d’émigrés

Forte de ce fait, elle plaide pour que « les 2 mille enfants suivis au Sénégal » puissent disposer « d’un kit, permettant d’assurer leur alimentation pour renforcer leurs besoins nutritionnels, et leur transport. » « Nous devons y arriver pour permettre à ces anges de fêter leur anniversaire malgré le poids de la maladie. Mais aussi la joie de vivre, d’étudier, de grandir et de s’amuser », prie Soukeyna Ndiaye. S’adressant aux épouses d’émigrés, elle leur demande d’exiger de leur mari, à leur retour au pays, de se faire dépister avant d’accomplir leur devoir conjugal.

7 enfants sur 10 vivants avec le Sida ne sont pas dépistés. Pire, 1 sur 2 d’entre eux risque de ne pas fêter son premier anniversaire s’il n’est pas traité, selon les estimations de la représentante de l’UNICEF au Sénégal, Silvia Danailov.

Ces défis qui restent à être relevés

Malgré les progrès réalisés au Sénégal notamment avec « une gratuité des ARV, une baisse régulière des infections, une prévalence de 0,5% et une augmentation significative des personnes sous traitement ARV, qui a doublée, entre 2013 et 2018, la mise sous ARV des femmes enceintes séropositives pour réduire la transmission mère-enfant reste faible, même si le taux est passé de 53% à 64%, entre 2017 et 2018 », reconnait Dr Safiatou Thiam, Secrétaire exécutive du Conseil national de lutte contre le sida (CNLS). Qui signale que des défis restent à être relevés : « Les résultats doivent être accélérés dans la perspective de l’atteinte des 3/90 (traitement pour tous), en 2020. Il nous faut supprimer les barrières sociales qui empêchent tant d’hommes et de femmes, et d’enfants d’obtenir les soins dont ils ont besoin. Les enfants, les filles, et les garçons particulièrement vulnérables au VIH sont fragilisés par la pauvreté, les personnes qui vivent avec le VIH sont encore marginalisées ».

Lueur d’espoir, le constat est fait lors de la journée que les organisations communautaires jouent un rôle « décisif » et constituent « le meilleur espoir » dans la riposte. L’exemple de Soukeyna Ndiaye en dit long. La ministre de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection de l’enfant, Ndeye Saly Diop Dieng, présidant la cérémonie, a entendu son message.

Selon l’ONUSIDA, 24,5 millions de personnes séropositives reçoivent un traitement antirétroviral en 2019, soit environ 2/3 de la population infectée dans le monde. Cela représente une augmentation de 1,2 million du nombre de personnes en 6 mois. Mais, il reste des efforts à faire pour atteindre les 30 millions de malades qui doivent être mis sous traitement en 2020.

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