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« Macron acte, en partie, l’effacement symbolique de la fonction de premier ministre »

lemonde.fr

Laurence Girard

En nommant Jean Castex, un haut fonctionnaire inconnu du grand public et sans existence politique, le président réduit le chef du gouvernement au rang de simple « collaborateur ».

Par Solenn de Royer Publié aujourd’hui à 09h58, mis à jour à 10h47

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Jean Castex et Emmanuel Macron, à Créteil, en 2019.

Analyse. Une fois n’est pas coutume. Emmanuel Macron, qui a consulté la semaine dernière ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, s’est inspiré des deux. Au premier, il a « emprunté » son ex-collaborateur, Jean Castex, qui fut secrétaire général adjoint de l’Elysée entre 2011 et 2012, et l’a nommé à Matignon, en remplacement d’Edouard Philippe. Du second, qui plaidait dans un livre (Répondre à la crise démocratique, Fayard, 2019) pour la mise en place d’un véritable régime présidentiel, avec la suppression de la fonction de premier ministre, il a repris, au moins dans l’esprit, les préconisations institutionnelles.

Car c’est un peu de cela qu’il s’agit avec le remaniement, intervenu vendredi 3 juillet : en nommant un haut fonctionnaire totalement inconnu du grand public et sans existence politique, même si c’est un fin connaisseur de l’Etat et qu’il a une expérience d’élu local, Emmanuel Macron acte, du moins en partie, l’effacement symbolique de la fonction de premier ministre, réduit au rang de chef d’état-major, voire de simple « collaborateur », pour reprendre le mot qu’avait eu Nicolas Sarkozy pour désigner François Fillon.

« Sans préjuger des qualités du nouveau premier ministre, on peut se demander si l’on ne vient pas de supprimer de fait cette fonction, a ainsi tweeté l’ancien ministre de François Hollande, Thierry Mandon. L’article 20 de la Constitution (« le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ») devient un article vain. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi Avec Jean Castex comme premier ministre, Emmanuel Macron assume de vouloir gouverner seul

A sa nomination, il y a trois ans, Edouard Philippe était certes peu connu des Français mais pour le président élu, issu de la gauche, le maire (LR) du Havre apparaissait comme une belle prise de guerre à droite. M. Philippe permettait en outre à M. Macron de mettre en scène sa promesse du « en même temps », une politique « et de droite et de gauche ».

L’ancien collaborateur d’Alain Juppé montait surtout à bord avec de précieuses troupes LR, contribuant ensuite à structurer l’un des pôles de la majorité. Rien de tel avec Jean Castex, même si cet ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy et de Xavier Bertrand vient, lui aussi, des rangs de LR.

« OPA » de l’Elysée sur Matignon

Téléguidée par l’Elysée, qui avait échoué à imposer ce choix à Edouard Philippe en 2017, la nomination d’un très proche d’Emmanuel Macron, Nicolas Revel, comme directeur du cabinet de Jean Castex, renforce encore cette impression d’« OPA » de l’Elysée sur Matignon. « Macron vient de se nommer à Matignon », sourit un ancien conseiller élyséen, qui a fréquenté l’« inséparable » binôme Macron-Revel, quand les deux hommes étaient secrétaires généraux adjoints de la présidence, pendant le quinquennat de François Hollande

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