SOCIETE / FAITS DIVERS

Mare aux crocodiles de Dabo: Quand rizicultrices et reptiles cohabitent paisiblement

Sous le ponton de Komambouré Maoundé (village de la commune de Dabo), se promènent des crocodiles. Dans la mare ou sous les arbres touffus qui leur servent de refuge, ils s’épanouissent et cohabitent paisiblement avec les rizicultrices, dans le respect du périmètre consacré.

Sur une route bien goudronnée de l’axe Diaobé-Kolda, le voyageur est à l’aise. Il fait son chemin en admirant la nature verdoyante -synonyme de l’abondance des pluies- avec des plantes et herbes qui poussent au bord de la chaussée. Avec un peu d’attention, il peut tomber sur un panneau d’indication sur lequel est inscrit en gros caractères noirs « La mare aux crocodiles ». Sa soif de découverte peut lui donner des idées, l’obliger à quitter la route nationale n° 6, pour y faire un tour. À 14 heures, le soleil darde ses rayons, une forte canicule enveloppe cette zone du Fouladou. C’est le moment idéal pour se mettre sous les arbres à la recherche de la fraîcheur, en attendant une pluie qui ferait autant de bien. Un groupe de filles semble l’avoir compris. Elles sont assises à l’ombre d’un grand arbre, à côté d’une boutique, plongées dans de longues discussions. « La marre aux crocodiles est-elle loin d’ici ? » Après moult hésitations, elles répondent en chœur par l’affirmative. Elles dépêchent alors un jeune garçon pour nous accompagner parce que dans ces pistes aussi cahoteuses qu’instables, il est presque risqué pour un étranger d’y aller seul. Mais, le concerné, ne faisant pas confiance aux visiteurs, décline. « Je peux me faire tuer », se défend-t-il, le doigt sur la gorge, comme s’il y passait un couteau. Éclat de rires général. Une vieille dame vient à notre secours. La démarche ralentie par l’âge, elle se dirige vers le véhicule, place quelques mots supplémentaires, décline son identité, puis embarque à bord. Assise à droite du chauffeur, Diabou Baldé met à contribution sa maîtrise de la géographie de la zone. « Prenez votre gauche », indique-t-elle du doigt. L’homme au volant exécute et quitte la chaussée. Le reste du chemin se fait sur une route sablonneuse, affrontant parfois les branches d’arbres qui débordent. Il suffit de cinq minutes pour se mettre sur le ponton qui surplombe « La mare aux crocodiles ». C’est à deux minutes du village de Komambouré Maoundé. À partir de là, seule une partie de la mare est visible. Il faut faire un grand tour à pied. Diabou Baldé demande au groupe de la suivre. Dans un paysage tout vert, garni de cocotiers et de petits arbustes, de hautes herbes s’entrelacent et des femmes s’occupent des rizières, plants en main, les pieds enfoncés dans les eaux. C’est de vieilles connaissances de la dame qui nous accompagne. Toute souriante, Diabou distribue des salutations. Leurs voix se mêlent aux gazouillements des oiseaux et au bêlement des chèvres attachées sous les arbres. Après une dizaine de minutes de marche dans la brousse, nous sommes devant la mare, une vaste étendue d’eau presque collée aux rizières des dames. L’eau est tantôt bleue, tantôt rose, certaines parties sont submergées par les herbes encore vertes. C’est le terrain de jeu des crocodiles. Ils sortent de temps en temps, à condition qu’il n’y ait pas de soleil. Le cas contraire, ils se réfugient sous un immense arbre touffu, à moins d’un mètre de la mare.

Une entente naturelle

Malgré la chaleur torride, les femmes, plus d’une dizaine, sont en pleine culture du riz. Courbées ou en position debout, et pagnes bien noués, elles piquent les plants sous une bonne ambiance. Elles discutent et n’hésitent pas à saluer les passants. Mais ici, la règle est claire, à chacun son périmètre. Il ne faut surtout pas violer le territoire des crocodiles. C’est comme une entente naturelle, presque une relation de bon voisinage entre les cultivatrices de riz et ces animaux. Ainsi, ils vivent côte à côte sans aucune violence. Les rares attaques des crocodiles ont concerné des moutons, des chèvres, mais jamais un être humain. « Ils peuvent être dans la mare et ne rien faire aux rizicultrices. Ils restent dans leur périmètre », raconte Diabou Baldé, la soixantaine passée. Ses petits-fils témoignent avoir vu à plusieurs reprises ces crocodiles qui valsent entre la mare et leur refuge, les jours ensoleillés. D’après ces derniers, il n’y a aucun danger pour ces femmes qui les côtoient tous les jours. « La distance réglementaire est respectée. Ainsi, aucune attaque n’est à déplorer », ajoute Demba Kandé, l’un d’eux, prêt à repartir en vélo. Ici, c’est la cohabitation entre crocodiles et êtres humains dans le respect de la distanciation…sécuritaire, pour ne pas dire sociale.

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