SOCIETE / FAITS DIVERS

Menaces sur l’environnement

Le port obligatoire et correct du masque est une recommandation que les autorités sanitaires ne manquent pas de rappeler. Il est fortement préconisé pour freiner la circulation du virus responsable de la Covid-19. Conséquence, les masques chirurgicaux sont devenus très présents sur le marché national. Mais, à cause du caractère éphémère de leur durée normale d’usage et du fait qu’ils ne peuvent pas être recyclés, ils constituent aussi une réelle menace pour l’environnement, surtout dans un pays très impacté par le péril plastique comme le Sénégal.

Le Sénégal a enregistré son premier cas de contamination à la Covid-19 le 2 mars 2020. Juste après, le président de la République, Macky Sall, a déclaré l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu au niveau national, avec une demande du respect scrupuleux des recommandations du personnel sanitaire. Le port obligatoire de masque en fait partie, une nouvelle réalité dans le quotidien du Sénégalais.

Aux premières heures de la pandémie, la rareté de la denrée avait fait que les citoyens s’étaient rués vers les masques de fabrication artisanale notamment ceux en tissus lavables plusieurs fois. Ceux chirurgicaux, étaient invisibles ou bien pas à la portée de tous. Il se vendait à 500 F CFA dans les officines tandis que ceux en tissus coûtaient moins cher, avec un prix variant entre 200 et 300 F CFA, l’unité. Seulement, depuis quelques temps, on assiste à un véritable envahissement du marché sénégalais par des masques chirurgicaux. Ils se vendent comme de petits pains, dans les rues de la capitale, les boutiques et au marché, à 100 F CFA l’unité.

Au-delà du questionnement sur la qualité des différentes variétés vendues, il se pose celui de l’impact (les conséquences) de l’usage du masque sur l’environnement dans un pays comme le Sénégal, confronté à la difficile gestion du péril plastique. Les masques sont devenus une nouvelle forme de pollution. Ils sont visibles partout, dans les rues, jetés et abandonnés à l’air libre, après usage. Et pourtant, ils sont d’un extrême danger pour l’écosystème. Les masques jetables ne sont pas recyclables. Ils sont faits en polypropylène, une dérivée du pétrole utilisé pour sa résistance au temps, au choc et à la température.

La matière qui la compose est celle utilisée pour la fabrication des pare-chocs des voitures et les pipettes de boissons. Ces éléments de composition ne sont pas biodégradables et ne se recyclent pas. Généralement, les objets faits de cette matière mettent 450 à 500 ans pour se dégrader. La conséquence de cette circulation importante des masques est qu’ils peuvent se retrouver dans les caniveaux, obstruer le passage des eaux ou se retrouver dans les océans, au grand dam des espèces aquatiques.

Le sort réservé aux masques, après usage, est un problème mondial. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) signale sur son site internet qu’on pourrait s’attendre à ce qu’environ 75% des masques utilisés ainsi que d’autres déchets liés à la pandémie se retrouvent dans des décharges ou flottent en mer. Le PNUE avertit que si la forte augmentation des déchets médicaux, dont une grande partie est constituée de plastiques à usage unique et nocifs pour l’environnement, n’est pas gérée de manière rationnelle, des décharges incontrôlées pourraient en résulter.

Selon l’agence onusienne de protection de l’environnement, les conséquences potentielles comprennent les risques pour la santé publique des masques usagés infectés, et le brûlage à l’air libre ou l’incinération incontrôlée des masques conduisant à la libération de toxines dans l’environnement, et la transmission de maladies aux humains. Plusieurs pays dans le monde se préoccupent déjà de la question. Au Canada, l’Ong Greenpeace plaide à ce que le gouvernement fasse la promotion des masques réutilisables. En France, des organisations de défense de l’environnement ont fait des sorties pour alerter sur le danger que constituent ces nouveaux polluants.

LA COVID EXPLOSE LES COMMANDES DE MASQUES CHIRURGICAUX : Plus de 700.000 kg importés en 2020, presque le triple de 2019

Le changement des habitudes, à cause de la pandémie de la Covid-19 qui impose le respect de gestes barrières parmi lesquels le port de masques, est ressenti même dans le commerce. A cause du port obligatoire du masque de protection instauré par l’autorité, le masque chirurgical est devenu un produit très prisé par les importateurs. Les entrées de la marchandise sur le territoire national ont plus que doublé. Les chiffres de l’importation des masques ont connu un bond considérable, depuis 2020. Des données qui ont été fournies par la Direction de la Douane montrent que du 1er janvier au 31 décembre 2020, 749.273 kg de masques chirurgicaux ont été importés, contre 289.555 kg en 2019. Il s’agit du poids brut c’est-à-dire celui du produit avec son emballage. De très grosses quantités ont été enregistrées par les douaniers, au mois de juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre. En juillet, 32.694 kg ont été importés. Pour août, la quantité est évaluée à 31.520 kg. En septembre, elle est de 57.878 kg.

S’agissant d’octobre, 60.401 kg ont été enregistrés à l’entrée. Au mois de novembre, 99.422 kg ont été décomptés. Enfin, pour décembre, 91.144 kg ont été importés. Les masques utilisés au Sénégal nous viennent de plusieurs pays : les Emirats Arabes Unis, l’Inde, l’Espagne, la Chine, la France. Il y a également des produits qui sont importés de la province chinoise de Taïwan, des Etats-Unis d’Amérique (Usa), de l’Allemagne, de 0la Belgique et du Royaume Uni. Le Japon, le Mexique, le Portugal, le Chili, l’Afrique du Sud, les Tokelau, l’Indonésie et la Turquie sont aussi des lieux de provenance de la marchandise. Le poids net des masques, c’est-à-dire le produit non emballé, est estimé à 728.315 kg importés en 2020, contre 286.270 en 2019.

IBRAHIMA DIAGNE, EXPERT EN GESTION DES DÉCHETS ET ANCIEN DIRECTEUR DE L’UCG : «Il y a une surproduction de déchets avec la Covid-19»

L’expert en gestion des déchets et ancien directeur de l’Unité de coordination et de la gestion des déchets solides (UCG), Ibrahima Diagne, trouve que la pandémie de la Covid-19 a augmenté la production des déchets. Il invite les usagers à faire preuve de responsabilité.

«Les masques chirurgicaux, c’est plus ou moins la même problématique que le plastique, du fait de son caractère léger. Il peut être transporté facilement. Il a les mêmes prérogatives que les déchets plastiques. Pour ce qui est des masques qui sont utilisés dans les structures hospitalières, à priori, il est requis qu’il y ait un dispositif de gestion des déchets biomédicaux au niveau des hôpitaux. Ce qui fait que, normalement, dans tous les hôpitaux, les déchets qui sont utilisés par le personnel médical, de même que les malades, sont mis dans une poubelle spécifique.

Normalement, il doit y avoir deux (2) poubelles, une pour les déchets banaux et l’autre pour ceux issus des activités de soin. Ces déchets souillés doivent être transférés vers les unités de traitement qui sont dans les hôpitaux ; mais ils ne doivent pas être versés comme ça à la décharge. Ce qui fait que tous les masques qui sont produits dans les hôpitaux peuvent avoir des germes facilement. Tous les déchets doivent être transférés vers les déchets biomédicaux. Cette pandémie nous invite à plus de responsabilité. Il y a une surproduction de déchets avec cette Covid. Tout ce qu’on utilise avec les maladies de la Covid, c’est du jetable. Cela veut dire qu’aujourd’hui, les hôpitaux sont débordés par des déchets provenant des malades. Tout est à usage unique. Le problème se pose encore parce que rares sont les hôpitaux qui ont le dispositif nécessaire. Je constate quand même que le ministère est en train de faire des efforts. Par contre, le problème majeur, c’est dans la rue et les maisons. Nous utilisons plusieurs masques jetables, par jour ; cela veut dire qu’on le lance n’importe où. La solution est de sensibiliser pour qu’il y ait de petits sacs pour qu’on puisse y mettre directement les masques».

MACOUMBA DIAGNE, DG PROPLAST INDUSTRIE : «La revalorisation énergétique est la seule solution»

«La seule possibilité que je préconise, en tant qu’acteur qui est dans le domaine du recyclage, c’est la valorisation énergétique par les cimenteries. Il faut d’abord les collecter, mais ça dépend de comment ces masques ont été utilisés et ont été utilisés par qui ! Ça dépend de la zone d’utilisation ; parce que s’ils sont utilisés au niveau de l’hôpital, on pourrait les considérer comme des déchets biomédicaux. Maintenant, quand c’est utilisé par une tierce personne pour se protéger du coronavirus, ça aussi, le système de collecte est à revoir parce qu’on est en contact avec un type de déchets qui, potentiellement, peut être dangereux. Mais, une fois que cette collecte-là est faite dans les normes, il y aurait une possibilité de les valoriser sur le plan énergétique. Je proposerai cette solution. C’est mieux que de laisser les masques se disperser un peu partout ou de finir dans la rue. Il faut essayer de voir comment mettre en place un système de collecte, que les gens aussi ne les jettent pas n’importe où. C’est devenu un fléau parce que personne n’avait prévu cette pandémie. On voit qu’en Europe, par exemple, les gens sont en train de rechercher des solutions par rapport à cette prolifération de masques qui ne sont pas réutilisables. Aujourd’hui, les masques non réutilisables sont sur le marché, et ça sera difficile de les collecter. Ça va naturellement finir dans la nature et poser un danger pour l’environnement».

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