Mort de Jean-Marie Le Pen Figure controversée de la politique française
Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national (devenu Rassemblement national), est décédé ce matin à l’âge de 95 ans. Homme politique emblématique et sulfureux, il a marqué plus de cinquante ans de vie publique en France, laissant derrière lui un héritage aussi clivant que déterminant dans le paysage politique français.
Il débute sa carrière politique dans les années 1950 en rejoignant les cercles nationalistes. Après avoir été député sous la Quatrième République, il fonde le Front national en 1972, un parti qui deviendra le pivot de l’extrême droite française.
Le Pen s’est imposé sur la scène nationale par un discours populiste et nationaliste, ciblant l’immigration, l’Europe et les élites. Son style provocateur et ses multiples dérapages verbaux, notamment sur la Seconde Guerre mondiale, (« les chambres à gaz sont un détail de l’histoire »), lui ont valu de nombreuses condamnations judiciaires et une large réprobation. Ces prises de position ont cependant trouvé écho chez une frange de la population inquiète des transformations sociétales et économiques, lui permettant de dépasser le simple statut de marginal politique.
Malgré les critiques, il réussit à transformer le FN en une force électorale majeure. En 1984, il fait une percée aux élections européennes avec 11 % des voix. L’apogée de sa carrière survient lors de l’élection présidentielle de 2002, lorsqu’il accède au second tour face à Jacques Chirac, un séisme politique en France. Bien qu’écrasé au second tour avec seulement 17,8 % des voix, cette percée marque un tournant dans l’évolution de la droite et de l’extrême droite françaises.
En 2011, il cède la présidence du Front national à sa fille Marine Le Pen, amorçant une stratégie de “dédiabolisation” du parti. Toutefois, les relations entre Jean-Marie et Marine se dégradent rapidement. En 2015, il est exclu du parti qu’il a lui-même fondé, après de nouveaux propos polémiques sur la Shoah. Cet épisode marque la fin de sa carrière politique active, mais il demeure une figure de référence pour une partie des militants déçus par l’évolution du Rassemblement national.
La carrière de Jean-Marie Le Pen est également jalonnée de controverses judiciaires, éthiques et mêmes familiales. Il a été condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine, propos discriminatoires et diffamation. Ces affaires ont contribué à forger son image de “paria” du système, une posture qu’il revendiquait volontiers.
Ses détracteurs pointent un héritage toxique, accusant Le Pen d’avoir banalisé un discours xénophobe et antisémite. Une xénophobie qui ne l’a pas empêché de venir au Sénégal dans les années 1980, où le repoter d’images d’un journal satirique français l’a surpris se dorant au soleil sur une plage de Cap Skirring. Ses partisans, eux, saluent un homme qu’ils considèrent comme visionnaire et courageux, ayant su “dire les vérités que d’autres taisaient” et anticiper les débats sur l’immigration et la souveraineté nationale. Ses détracteurs, en revanche, lui reprochent d’avoir légitimé un discours xénophobe et antisémite, contribuant à déplacer les lignes de la droite française vers des thèmes extrémistes. Pour les uns comme pour les autres, il demeure une figure centrale dans l’histoire contemporaine de la France.
En dehors de la politique, Jean-Marie Le Pen cultivait une image d’amateur de musique classique et de littérature. Il aimait aussi se présenter comme un patriarche, bien que les relations avec ses filles, notamment Marine et Yann, aient été tumultueuses.
Avec sa disparition, une page de l’histoire politique française se tourne. Si son influence sur le système partisan et le débat public reste sujette à polémique, il est indéniable que Jean-Marie Le Pen a joué un rôle central dans l’émergence de l’extrême droite en France et son installation durable dans le paysage électoral. Les réactions après sa mort survenue hier comme tout au long de sa vie, reflètent le personnage : polarisées, passionnées et chargées de controverses.
Henriette Niang Kandé