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Ndoumbélane : quand tout un pays et son roi implorent de la salubrité !

Selon une certaine tradition orale, un sage aurait comparé le pouvoir politique à un gourdin égaré au milieu de la route : il peut arriver que la fortune le place dans les mains d’un homme avisé qui s’en servira pour guider son peuple ou dans celles d’un forcené qui l’utilisera pour asservir et abrutir le peuple.

Cette façon allégorique de théoriser la neutralité morale du pouvoir politique est surtout valable à Ndoumbélane.
Ce pays est-il réellement gouverné par des gens sensés ?
Qui pouvait imaginer que ce pays régresserait à ce point ?

Tout ce qui a un sens ou une valeur a déserté Ndoumbélane où, même le sucre est aujourd’hui moins sucré (dafa maki) et le piment plus pimenté (kané gui dafa Reubeuss) !

Pauvre pays où même le miel a perdu son goût délicieux. Espérons que quand le ciel mettra fin à sa bouderie pluviale et ouvrira enfin ses vannes, il ne nous arrosera pas de pluies salées (taww bu wèkh xatt).

« Quel pays de sel » dirait le phacochère blond de l’outre-Ndoumbélane ! Quand les insensés gouvernent les sensés, c’est la lucidité elle-même qui est considérée comme un crime ou comme une forme de démence.

N’avez-vous remarqué deux choses bizarres à Ndoumbélane : la Raison va à Reubeuss et les charlatans ont congédié tout le résidu de rationalité qui subsistait encore dans ce pays ?

Le suffrage universel est non seulement décidé ou destiné à l’avance (ci baatin) mais son dépositaire est blindé mystiquement pour faire ce qu’il veut ! Et c’est la même culture qui rythme la vie des pauvres Ndoumbélanois.

La lutte, le foot, les échanges économiques, les études, etc. : tout est régi par une main invisible qui laisse les hommes sans main et, par conséquent, sans responsabilité. Même le dealer de faux médicaments qui est sorti de prison par une grâce présidentielle unique en son genre a été, dit-on, tiré d’affaire par des forces mystiques.

Les oiseaux et les asticots de cet étrange pays doivent certainement se moquer très souvent des humains, car ces animaux n’ont ni main ni raison, et pourtant ils font des efforts pour s’en sortir.
Les gens de Ndoumbélane par contre sont les pauvres jouets de forces occultes. D’où viennent subitement d’ailleurs tous ces faiseurs de miracle qui défilent dans les médias de Ndoumbélane ?

L’adage sérère qui dit « Tapalé mpiré godji » (il n’existe pas de filouterie ou de stratagème qu’on puisse utiliser de sorte à traire avec succès une pierre pour avoir du lait) résume parfaitement l’impasse dans laquelle la culture du bricolage a plongé les gens de Ndoumbélane.

De même qu’éraflures et enflures peupleraient certainement les doigts de cet enchanteur qui tenterait de sortir du lait des pis de la pierre, la vie à Ndoumbélane est rythmée par des regrets, des complaintes et une désespérance universelle.

Dans ce pays très particulier où s’opposer au roi est presque synonyme de crime, l’accès au pouvoir absout tous les crimes et vilénies précédemment commis. C’est ce qui fait que même si un fou venait à gouverner ce pays, on aurait toute la peine du monde à montrer son vrai visage.

Le pouvoir politique renferme une dose d’anesthésiant pour le peuple : par une espèce de sortilège qui lui est inhérent, il enlève la lucidité aussi bien à ceux qui l’exercent qu’à ceux qui le subissent.
La plupart des gens n’aiment pas être réveillés de leur torpeur et ce, non pas parce qu’ils n’ont pas assez dormi, mais parce qu’ils ne veulent pas faire face à la dure réalité.

La torpeur est une drogue, surtout dans un pays comme Ndoumbélane où le démuni est un paria objet de toutes les invectives et de tous les quolibets que l’on peut se dire entre membres d’une même famille, sous le ton sarcastique certes, mais dans le dessein de blesser. Ah le diable, il ne nous lâche jamais ! On dirait que les gens de Ndoumbélane ont par devers eux quelque chose que convoite le diable.

Il est toujours là en train de rôder dans les esprits comme dans les corps : les accidents de la circulation devenus endémiques, c’est lui ; les crimes passionnels, c’est lui ; les divorces précoces et chaotiques des jeunes mariés, c’est encore lui ; l’atrocité industrielle des agresseurs, c’est toujours lui ; même le déficit pluviométrique, c’est lui… Il faut dire qu’il est vraiment taquin et encombrant ce diable. Mais se pourrait-il que le diable soit nous-mêmes ?
Le pire diable est celui qu’on porte avec soi et en soi : l’indiscipline.
Oui mais que faire ?

Quand l’indiscipline promeut à des postes ministériels, quand le savant s’assied à la même table de conseil des ministres que n’importe quel bouffon, quand l’ignorant et le voleur bombent la poitrine sur la place publique, comment exiger l’exemplarité des citoyens ?

Et vous êtes ainsi scandalisés par l’insalubrité dans les rues et dans les demeures de Ndoumbélane !

Laissez-moi vous dire où se trouve la racine du mal : la saleté, c’est d’abord un état d’esprit, c’est dans les esprits, c’est une façon de penser avant d’être une façon d’être.
Un seul mot à supprimer dans le vocabulaire wolof et le problème est à moitié réglé « boroxlu ». A défaut de le supprimer dans le langage, il faut le bannir dans les comportements.

Un pays où BOROXLU décrit tristement l’occupation du marché, de la rue, de la classe, des moyens de transports, du stade, bref de tous les espaces (même le gouvernement est caractérisé par boroxlu) -un tel espace- n’a plus d’espace pour déposer et traiter la saleté. Boroxlu partout engendre naturellement saleté partout.

Mais vous-la, que voulez-vous au juste ?
Vous vivez avec des moutons et vous espérez ne pas en porter les empreintes ! Vous élevez des chèvres à côté de vos enfants et vous refusez que ces derniers se comportent comme des chèvres ! Vous élevez des porcs dans vos maisons et implorez la salubrité !

Comment des chèvres, des moutons et des porcs peuvent-ils, sans dommage, cohabiter avec des humains ? Vous voulez vraiment la salubrité ?
Expliquez-moi alors ce que ces vaches viennent faire en pleine capitale ?
Tous ces animaux errants n’ont donc pas de propriétaire ?

Et ce roi qui implore la salubrité, où sont les poubelles, les camions de collecte des ordures et les usines de transformation qu’il a mis la disposition du peuple de Ndoumbélane ?
Pourquoi aime-t-il tant bavarder et gesticuler au lieu d’agir ?

La salubrité, c’est une culture : n’avez-vous pas remarqué que les pays où il y a de grandes rues salubres et éclairées ont des idées éclairées et des gouvernants éclairés ?

A Ndoumbélane on aime la promiscuité et, un de ses sous-produits, l’obscurité : nos politiques économiques sont à l’image de nos rues, c’est-à-dire lugubres, brouillonnes et incohérentes.

Le casse-pied de Ndoumbélane

Alassane kitaane Professeur de Philosophie à Thiès et Président du Mouvement citoyen « Label »

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