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Nouvelle loi facilitant l’entrée des OGM au Sénégal : le Sénégal en danger ! Par Irina Vekcha

Nouvelle loi facilitant l’entrée des OGM au Sénégal : le Sénégal en danger !

Par Irina Vekcha, professeur de génétique à l’ENSA, Ecole Nationale Supérieure d’Agriculture, Sénégal.

1. Nouvelle loi sur les OGM au Sénégal.

Le 3 juin 2022, le Sénégal a adopté une nouvelle loi facilitant l’entrée des OGM au pays, loi adoptée sous la pression du lobby pro OGM, qui cherche à élargir ses marchés en Afrique.

La loi de 2022 a abrogé la loi de 2009 sur les OGM. La nouvelle loi ne contient plus un principe important figurant dans l’article 18 de la loi de 2009 :

principe d’interdiction « d’importer ou de mettre sur le marché des OGM, susceptibles de provoquer une dégradation de l’environnement ou un déséquilibre écologique, ou de nuire à la santé humaine ou animale ». Pour la COPAGEN, Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain, la suppression de ce principe est un acte irresponsable ! L’ANB, Autorité nationale de la biosécurité, qui a dirigé le travail sur la nouvelle loi, et dont la mission consiste à prévenir les risques biotechnologiques, a, au contraire, œuvré pour la promotion des OGM au Sénégal !

L’adoption de la loi était faite par une procédure totalement incorrecte : un vote à un mois de la fin du mandat de la 13e législature, à l’unanimité, sans débat et en procédure d’urgence !

La loi 2022 était adoptée suivant le principe d’harmonisation exigeant la conformité avec le règlement de la CEDEAO 2020. Ce règlement, adopté dans le plus grand silence, et inconnu, jusqu’à présent, pour les populations de la sous-région, instaure, dans son article 9, la libre circulation des OGM dans l’espace CEDEAO. Pour la COPAGEN, la libre circulation des OGM est inadmissible !

La loi 2022 signifie pour le Sénégal le danger pour l’agriculture familiale et pour la santé des populations.

Cette loi concerne, avant tout, les semences OGM qui sont produites par les firmes multinationales qui cherchent à écouler leurs semences, source de profit !

2. Généralités sur les semences OGM.

Un organisme génétiquement modifié, OGM, ou organisme transgénique, est un organisme dont le patrimoine génétique a été modifié par la technologie de la transgénèse (une branche de l’ingénierie génétique) d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement. L’ADN est une « molécule de la vie » qui contient l’information génétique qui détermine la structure et le fonctionnement d’un organisme. Un gène est un fragment d’ADN qui contrôle un caractère particulier.

Naturellement, le transfert des gènes s’effectue au cours de la reproduction entre les individus de la même espèce. La fabrication des OGM contourne les mécanismes naturels et permet le transfert des gènes entre les espèces qui ne se croisent pas (ne se reproduisent pas) naturellement.

Exemple : le niébé résistant aux insectes ravageurs a reçu un gène d’une bactérie appelée Bacillus thuringiensis qui contrôle la production d’une substance toxique ; ce gène est appelé gène Bt, du nom de la bactérie, donneuse du gène. Le niébé qui a reçu le gène Bt est appelé niébé Bt. Les OGM obtenus par la transgénèse sont appelés les OGM de la 1ère génération ; il existe actuellement des OGM de la nouvelle génération, notamment issus de la technologie d’édition du génome.

La plupart des variétés OGM appartiennent à la firme multinationale Monsanto, devenue Bayer (90% des semences OGM cultivées dans le monde). Les quatre plantes génétiquement modifiés. GM, les plus cultivées au monde sont le maïs, le soja, le coton et le colza. Les deux principaux caractères concernés par cette technologie sont la tolérance aux herbicides et la résistance aux insectes ravageurs des cultures : cultures Bt.

Les OGM ne devraient jamais quitter les laboratoires de recherche pour venir dans les champs. Concernant l’histoire de la première autorisation des semences OGM dans le monde, les chercheurs affirment que Monsanto a forcé l’autorisation des OGM par la FDA, Food and Drug Administration, la principale agence américaine de régulation qui autorise les nouveaux produits alimentaires. La décision d’autorisation des OGM était purement politique et contestée par les scientifiques de la FDA, elle-même ! En 1991, la division de la chimie et de la technologie alimentaire de la FDA a présenté un document qui souligne que les aliments OGM peuvent engendrer des anomalies, telles que le niveau anormalement élevé de substances toxiques connues, l’apparition des nouvelles substances toxiques, etc.

3. Danger des semences OGM pour l’agriculture familiale.

Les OGM sont incompatibles avec l’agriculture paysanne basée sur les semences paysannes (locales ou traditionnelles) qui présentent l’alimentation de base des populations d’Afrique. Les semences locales, reproduites par les paysans de génération en génération, sont adaptées aux conditions locales et leurs qualités nutritionnelles et technologiques sont adaptées aux besoins alimentaires et aux méthodes de transformation des paysans.

Toutes les semences OGM sont brevetées et constituent un instrument idéal du monopole des firmes sur les semences. Les paysans acheteurs des semences OGM sont totalement dépendants des firmes qui leur dictent leurs conditions : semences chères, interdiction de ressemer des récoltes, etc.

L’idée de brevet est totalement incompatible avec la mentalité africaine, pour qui la vie est sacrée et la semence est la quintessence de la vie. La mentalité africaine reconnaît uniquement le droit collectif sur les semences. L’existence d’une communauté paysanne dépend étroitement des semences qu’elle possède, qu’elle a hérité de ses ancêtres et qu’elle va transmettre à ses enfants.

L’introduction des variétés OGM provoque la disparition des variétés paysannes et leur contamination par les OGM. Lorsque les paysans abandonnent leurs variétés au profit des variétés OGM, les variétés paysannes disparaissent. De nombreux faits ont démontré que les variétés OGM contaminent les variétés non OGM de la même culture par pollinisation, suite aux croisements naturels.

Concrètement, voici les cultures OGM qui menacent le Sénégal :

• le maïs OGM, vulgarisé par certains projets et ONG,

• le niébé Bt dit résistant aux insectes, il est conçu spécialement pour l’Afrique !

Il y a une grande menace d’introduction du niébé Bt au Sénégal.

Le projet visant l’introduction du niébé Bt en Afrique de l’Ouest existant depuis 2005 est financé par l’USAID, les Fondations Rockefeller et Gates. Le niébé Bt a été autorisé au Nigeria en 2019 (variété SAMPEA 20-T) et au Ghana en 2021 (variété 709 A). L’expérimentation sur le terrain des nouvelles variétés du niébé Bt est en train d’être menée au Burkina Faso. L’ISRA participe au projet niébé à travers le programme NGICA, Network for the Genetic Improvement of Cowpea for Africa, l’un des partenaires du projet.

L’obtention des variétés Bt du niébé comprend 2 étapes:

• Le transfert du gène Bt (appelé Cry1Ab), fourni par Monsanto, dans une variété du niébé, par la méthode de la transgénèse, était effectué en Australie, par la structure de recherche CSIRO, Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation.

• Les croisements du produit obtenu avec les variétés locales, afin de garantir une adaptation au milieu local, étaient effectués par les institutions nationales africaines de

recherche.

Le projet du niébé Bt est anti scientifique !

1) L’Afrique de l’Ouest est le centre d’origine du niébé. Les centres d’origine des plantes sont des endroits du globe où les plantes ont été domestiquées à partir de leurs ancêtres sauvages. Ce sont les endroits les plus riches en biodiversité agricole, qui, de ce fait, présente un grand intérêt pour l’agriculture. La science de la génétique demande la protection des centres d’origine des plantes contre la contamination par les OGM.

2) Le projet du niébé Bt est en contradiction avec la CDB, Convention sur la diversité biologique, qui a comme objectif la protection de la biodiversité. La CDB est ratifiée par le Sénégal et il abrite un point focal qui coordonne les activités liées à la conservation de la biodiversité.

3) Le niébé Bt est conçu pour être résistant à un seul type d’insectes ravageurs : le foreur de gousses appelé Maruca (Maruca vitrata) ; cela ne peut pas résoudre le problème du parasitisme chez le niébé qui est attaqué par plusieurs insectes ravageurs, à part le Maruca : les trips, les pucerons, le bruche, etc.

4) La résistance du niébé Bt aux attaques de Maruca est éphémère : 3 – 5 ans, c’est la résistance de type verticale qui est connue pour manquer de durabilité, suite à l’apparition des insectes mutants capables d’attaquer le niébé Bt.

5) Puisque chaque cellule du niébé Bt produit la toxine Bt, le niébé Bt provoque les perturbations de la rhizosphère (la zone du sol entourant la racine d’une plante) et des organismes du sol, suite à la sécrétion de la toxine par les racines.

Georges Tine, le responsable du point focal zone centre de la COPAGEN Sénégal, mène la lutte contre les OGM depuis plusieurs années. Il demande aux paysans de rejeter le niébé OGM et d’autres semences OGM et de protéger leurs variétés locales, qui sont un véritable trésor !

Il est intéressant de noter une évolution juridique : le 19 avril 2024, le Tribunal des Philippines a décidé l’arrêt de la commercialisation du riz et de l’aubergine OGM : le riz doré et de l’aubergine Bt. Cette décision est en faveur des demandeurs, groupe d’agriculteurs/scientifiques et contre les actions du gouvernement philippin qui a autorisé la commercialisation de ces cultures OGM en 2021.

Le tribunal a jugé que la commercialisation de ces deux OGM doit être arrêtée jusqu’à ce que « les agences gouvernementales concernées soumettent une preuve de sécurité de ces OGM », ainsi la décision du tribunal reconnaît les risques inhérents associés aux cultures GM.

4. Danger des semences OGM pour la santé des populations.

La question de l’impact des OGM sur la santé subit une écrasante pression de l’industrie qui cherche à contrôler la recherche.

La législation américaine des OGM (qui régit les OGM de Monsanto) est très laxiste :

• les tests toxicologiques sont faits par l’entreprise elle-même – situation de conflit d’intérêt !

• les tests sont de courte durée : 90 jours, incapables de détecter des effets à long terme de la bioaccumulation des toxines,

• ils portent sur un petit nombre de paramètres des animaux étudiés,

• les animaux ont un régime alimentaire à faible concentration d’OGM (5 – 10 %).

Il existe plusieurs obstacles à la recherche indépendante sur les OGM : un manque de financements, la réticence des firmes à fournir des semences OGM pour analyse, situation encouragée par des brevets sur les semences OGM. Les résultats des travaux de recherche qui trouvent la toxicité des OGM sont souvent supprimés ou discrédités et la carrière de ces chercheurs est brisée.

Malgré tous ces obstacles, il existe des centaines d’études de chercheurs indépendants qui ont trouvé des effets délétères des OGM sur les animaux nourris aux OGM : effets toxiques provoquant des altérations des organes, effets allergiques, mortalité, réduction de la fertilité, tumeurs, etc.

Une étude de Giles-Eric Séralini publiée en 2012, et très médiatisée, est bien connue dans le monde entier. L’étude a montré que les rats de laboratoire nourris pendant 2 ans (étude de longue durée) avec du maïs tolérant à herbicide, variété NK 603, avaient une forte mortalité et ont développé des larges tumeurs et des altérations sévères des organes : foie, reins, hypophyse, estomac et petit intestin. La publication présentant des photos de rats qui manifestent de grosses tumeurs a provoqué une forte agitation médiatique et politique qualifiée de l’affaire Séralini.

Il existe plusieurs études multigénérationnelles qui ont démontré que le régime alimentaire comportant les OGM provoque chez les animaux des altérations sévères des différents organes, des troubles immunitaires et la réduction de la fertilité. Parmi ces études, il y a une étude de Jürgen Zentek financée par le gouvernement autrichien et portant sur 4 générations de souris et une étude de Judy Carman financée par le gouvernement australien et portant sur les porcs pendant 22,7 semaines (la durée de vie normale d’un porc commercial). Les gouvernements autrichien et australien ont rejeté les conclusions des études sur les OGM qu’ils ont financées. Des études multigénérationnelles de Ermakova, de Kilic, de Trabalza – Marinucci et de Krzyzowska montrent également des effets délétères des OGM sur les animaux.

Plusieurs études portant sur une large gamme de paramètres (histologiques, biochimiques, cytogénétique, etc.) faites par les chercheurs indépendants ont montré que les animaux nourries aux OGM avaient des altérations des organes, de leurs cellules et la fragmentation de l’ADN (Oraby, Kiliçgün, (Gab-Alla, El-Shamei, (Abdo, Ibrahim, Sekily et Vendomois).

Il existe très peu d’études sur l’effet des OGM sur les humains. La plupart des études sont faites sur des animaux de laboratoire.

Une des rares études sur les humains, faite par les médecins de Québec, Canada, et dirigée par Aziz Aris, portait sur l’effet des aliments GM sur les femmes enceintes et leurs fœtus, étant donné que le fœtus est considéré comme très sensible aux effets néfastes des agents toxiques. L’étude portait sur 30 femmes enceintes en bonne santé, examinées au moment d’accouchement. Elle a montré la présence de la toxine Cry1Ab caractéristique pour les plantes Bt dans le sang des femmes enceintes et de leurs fœtus, avec des proportions importantes (respectives de 93 % et de 80 % dans les échantillons de sang maternel et fœtal). Ces conclusions contredisent la thèse de l’industrie biotechnologique qui affirme qu’il n’y a pas de transfert des gènes transgéniques, et de toxines qu’ils gouvernent, dans des cellules humaines ou animales puisque l’ADN transgénique et des toxines correspondants sont efficacement dégradés par les enzymes digestives dans le tube digestif des mammifères. Il est important de noter que l’alimentation des femmes suivies n’était pas contrôlée par l’étude, elles avaient une alimentation habituelle canadienne comportant l’utilisation généralisée des aliments transgéniques (soja, maïs, etc.). Les conclusions de l’étude ont été contestées par Monsanto.

Concrètement, voici les produits alimentaires contenant des OGM qu’on peut trouver au Sénégal (vendus le plus souvent sans étiquette « OGM », malgré le fait que la règlementation sénégalaise exige l’étiquetage des OGM et de leurs produits) : article 125, loi biosécurité, Sénégal, 2022).

• graines de maïs OGM provenant de l’aide alimentaire,

• graines de maïs et de soja OGM, tourteaux de coton Bt pour l’aliment de bétails et de volailles (avec les OGM qui se retrouvent par la suite dans le corps humain),

• huile de soja et de tournesol OGM, avec le soja OGM venant de d’Argentine ou de Brésil (deux pays grands producteurs du soja et du maïs OGM), huile végétal (mélange) contenant de huile de soja OGM,

• produits alimentaires transformés importés (venant des Etait Unis d’Amérique, du Canada ou de la France), contenant de la farine ou l’huile de maïs, du soja et de colza OGM : biscuits, ketchup, sauce, céréales de petit déjeuner, corn flakes, crèmes, gâteaux, chocolat, confiserie, plats industriels, etc.

Aux Etait Unis d’Amérique et au Canada, les semences et les produits OGM ne sont pas étiquetés « OGM », résultat d’une règlementation laxiste, favorable aux firmes.

 

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