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Serigne Modou Kara, les sentiers du particularisme

Chef religieux, homme politique, interprète de chants «mystiques», Serigne Modou Kara Mbacké est un personnage aux multiples facettes. Adulé par ses nombreux disciples, le nom de certains de ses proches est évoqué, ces derniers jours, dans une affaire marquée par des soupçons de « séquestration » et de « maltraitance humaine ». Profil.

Le personnage ne passe pas inaperçu. Tout chez Serigne Modou Kara Mbacké focalise l’attention: démarche, habillement, prise de paroles, gestuel, énoncé…A la tête de plusieurs milliers de disciples, pour l’essentiel, des jeunes, Serigne Modou Kara est vénéré, adulé, aimé, respecté. Issu de l’une des plus grandes familles religieuses du Sénégal, il est petit-fils de Mame Thierno Birahim Mbacké, frère cadet de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie Mouride.

Les sorties de «Kara» comme l’appellent affectueusement la plupart des Sénégalais sont l’opportunité pour ce chef religieux d’exposer le dévouement et l’attachement de ses talibés. A ces occasions, les éléments de «Kara Sécurité», préposés à sa sécurité sont toujours à l’affût pour frayer la voie, au milieu de la foule, à leur vénéré guide. Dénommés les «commandos de la paix», les centaines d’éléments de ce contingent arborent des treillis, paradent en file indienne, s’attribuent des galons, obéissent au doigt de celui qu’ils appellent le «général Kara». Certains voient en eux une menace pour l’ordre public. N’empêche, «Kara Sécurité» déroule, plus que jamais dévouée. Toutefois, le nom de certains membres influents de cette organisation est, depuis quelques temps, cité dans une affaire avec de supposés soupçons de maltraitance humaine.

L’affaire fait grand bruit au Sénégal. Dimanche 30 novembre, des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent les conditions dégradantes dans lesquelles ont été gardés plusieurs hommes, dans des centres dits «de redressement». Auparavant, des opérations menées par des éléments de la gendarmerie entre le 26 et le 28 novembre ont permis de démanteler un réseau de ces centres où étaient détenus des jeunes en perdition. L’opinion est outrée. L’écho de condamnations ne s’arrête pas.

Selon un communiqué de la gendarmerie, 43 personnes ont été interpellées dans l’entourage du chef religieux pour des faits «d’association de malfaiteurs et de trafic d’êtres humains». En réponse, le service de communication de Serigne Modou Kara rejette les accusations. «Les centres de redressement accueillent des victimes de la drogue, des jeunes repris de justice et des déficients mentaux», souligne un communiqué. En raison des «résultats satisfaisants» enregistrés dans ces centres, le nombre de pensionnaires a augmenté et causé une «promiscuité du cadre de vie due au manque de moyens», ont-ils justifié. Serigne Modou Kara demande alors à ses disciples d’observer le silence. Il présentera des excuses à travers un élément audio «à toutes les personnes outrées par ce qui s’est passé, notamment les dignitaires religieux du Sénégal». Le chef religieux dira au passage ignorer ce qui se déroulait réellement, au sein de ces centres, dits de redressements.

Homme politique

Pour les proches du guide religieux, ces arrestations s’inscrivent dans le cadre d’une «cabale politique». Leur leader commence selon eux, à prendre ses distances avec le pouvoir en place. Homme politique, Serigne Modou Kara crée en mai 2004 le Parti de la vérité pour le développement (PVD). Une formation qui assume son essence religieuse et proclame fonder son projet de société sur «l’œuvre gigantesque de Cheikh Ahmadou Bamba». Avant de créer son propre parti, Serigne Modou Kara s’était déjà massivement impliqué dans la marche politique du pays. En 2000, lors de l’élection présidentielle, il soutient le président sortant, Abdou Diouf, candidat à sa propre succession. Mais, l’élection est remportée par Wade. Sept ans après, il soutient le tombeur de Diouf qui briguait un second mandat. Une fois Macky Sall au pouvoir, le PVD s’allie avec la coalition majoritaire Benno Bokk Yakaar lors des législatives de 2012. Après avoir soutenu l’actuel président de la République Macky Sall à la dernière présidentielle de 2019, Serigne Modou Kara semble à travers ses dernières sorties prendre ses distances. Le PVD ne se réclame ni de l’opposition, ni de la mouvance présidentielle. Il se dit à équidistance des deux et se place sous le signe de la régulation, souligne les textes du parti. Lors d’une conférence de presse rapportée par le journal Le Quotidien, dans sa parution du 15 octobre, Samba Kara Ndiaye, directeur du cabinet de Serigne Modou Kara affirme : «aucun disciple, aucun membre de la famille n’est content. Pourtant, si l’actuel président a obtenu un deuxième mandat c’est grâce à Serigne Modou Kara». Poursuivant son propos, il souligne, « si les tenants du pouvoir ne rejoignent pas le général de Bamba (faisant référence à Sergine Modou Kara) dans ses propositions de changer de système et d’amener un autre adéquat au Sénégal, il (le leader du PVD) va se radicaliser en s’opposant fermement et rigoureusement à ce régime et à ce système ».

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