POLITIQUE

Portrait du maire élu de Yoff : Seydina Issa Samb, fidèle au Khalifa

Membre de la famille layène, Seydina Issa Laye Samb a, à la surprise générale, renversé Abdoulaye Diouf Sarr pour devenir le prochain maire de Yoff. A 34 ans, l’ancien Secrétaire général des jeunes du Ps dans le département de Dakar, ex-proche de Mamadou Diop, récolte les dividendes de sa fidélité à Khalifa Sall. «Banquier» discret, timide politicien, Baye Seydi a avancé masqué pour réaliser ses ambitions.

Il est porté en triomphe par des centaines de jeunes déchaînés et déferlant dans les rues de Yoff. Il est du 3h du matin, sous la fraîcheur, un jeune vêtu d’une chemise blanche, casquette vissée sur la tête, multiplie les signes de remerciement en direction des sympathisants qui ont écourté leur sommeil pour saluer, depuis les balcons et terrasses, la victoire de Seydina Isssa Laye Samb. Yoff, d’habitude bastion du pouvoir, vient de créer l’un des faits retentissants de ces Locales du 23 janvier 2022. Seydina Issa Laye Samb a renversé Abdoulaye Diouf Sarr. Pour mesurer l’ampleur de l’exploit du candidat de Yewwi askan wi, il faut lister les casquettes politiques de son adversaire : candidat de Benno bokk yaakaar pour la Ville de Dakar et maire sortant de Yoff, ministre de la Santé et coordonnateur de la Convergence des cadres républicains (Ccr). La montagne a été soulevée par un jeune de 34 ans, poulain de Khalifa Sall, un des rares qui s’opposaient à Diouf Sarr depuis 2014.
Dans une commune où contrer Diouf Sarr était considéré comme un crime de lèse-majesté, Baye Seydi, comme l’appellent ses proches, a cru en son destin. Il est le symbole de la constance et du courage à toute épreuve. «Dans la vie, il faut avoir un rêve que les gens prennent parfois pour quelque chose de fou. Mais il faut se donner les moyens humains, politiques et financiers pour y arriver. Avec Yewwi askan wi de Yoff, nous avons relevé le défi», a déclaré sobrement M. Samb, rapidement devenu le golden boy des vainqueurs sur les réseaux sociaux après sa victoire. Sa loyauté en Khalifa Sall lui a valu de connaître la période des vaches maigres, ou l’éclipse politique pendant un certain temps.
Formaté au Parti socialiste, le jeune Seydina est désigné Secrétaire général des jeunes du département de Dakar lors du congrès des 6 et 7 juin 2014. Dans la crise interne qui secoue le Ps, entretenue par le Secrétaire général, Ousmane Tanor Dieng, et Khalifa Sall, chargé de la Vie politique, il choisit le second. «Il a été de toutes les batailles aux côtés de Khalifa Sall pour le contrôle du Parti socialiste mais aussi quand Khalifa était en prison», témoigne Samba Ndao Diongue, son ami et membre de Taxawu Senegaal.
A l’époque, Ousmane Tanor Dieng avait le soutien tacite du Président Macky Sall. Mais Khalifa Sall pouvait compter sur le courage de Seydina Issa Laye Samb dans l’opposition. Il participe aux évènements sanglants du 5 mars 2016, jour des affrontements entre le camp du Oui de OTD et celui du Non porté par Khalifa Sall. Bamba Fall mis en prison, Baye Seydi va passer ses journées au Tribunal de Dakar en soutien du maire de la Médina. «C’est un jeune très sérieux, calme et ouvert d’esprit. On a milité ensemble au mouvement des jeunes. Il était sous ma responsabilité mais sa loyauté ne m’a jamais fait défaut. D’ailleurs, j’avais fait de lui le chargé de la Vie politique du Mouvement des jeunes du Ps. Malgré les difficultés que nous avions traversées, Seydina a toujours fait preuve de mesure dans ses actes», témoigne Mame Bounama Sall, Secrétaire général du Mouvement national des jeunesses socialistes (Mnjs).

Ancien proche de Mamadou Diop
Né le 4 novembre 1987, Seydina Issa Laye Samb n’a pas adhéré au Ps grâce au leader de Taxawu Senegaal. Son père, Seydina Samb, administrateur civil et cadre à la Sonacos, lui présente Mamadou Diop, ancien maire de Dakar. C’était en 2007 et le jeune de 20 ans commence son militantisme à l’Ecole du parti. 7 ans après, il devient le Secrétaire général des Jeunesses socialistes de Dakar et chargé de la Vie politique du Mnjs. Auparavant en 2009, il fait la connaissance de Khalifa Sall qu’il ne quittera plus jamais. D’ailleurs, lorsque Mamadou Diop a quitté le Ps pour créer le Bds, Baye Seydi ne l’a pas suivi. Il participe activement à la victoire à Dakar de Benno siggil Senegaal, qui a consacré la victoire de Khalifa Sall.
A Yoff, le jeune Baye Seydi est présenté comme quelqu’un de poli, de discipliné ou de timide. L’homme aux épaules larges est adepte des gestes de vieillards, comme quand il serre les deux mains pour saluer les gens. Son visage émacié et son teint noir brillant en font un beau gosse, couru par les filles dakaroises. «Le maire de Yoff est beau, Diouf Sarr déboulonné par un beau gosse, Seydina ya beau», pouvait-on lire sur WhatsApp, Facebook ou Instagram dimanche soir. Mais le futur successeur de Diouf Sarr pourrait traîner un handicap fatal en politique. «Il doit se départir de cette timidité s’il veut faire son trou en politique», invite un cadre socialiste qui l’a vu grandir.

Membre de la famille layène
Le maire élu de Yoff, qui porte le nom du premier khalife de Seydina Limamou Laye, a reçu une éducation de fidèle layène où la pudeur et la discrétion sont érigées en règle. Sa mère Sokhna Mame Coumba Thiaw est la fille de Ababacar Laye, fils de Seydina Limamou Laye, fondateur de la confrérie layène. Sa mère est donc la sœur de Mamadou Lamine Thiaw Laye, porte-parole de la communauté layène, des imams Mamadou Makhtar Thiaw Laye (il dirige la prière du vendredi à Layène) et Mame Libasse Thiaw Laye (il officie lors de la prière de Tabaski et celle de Korité). «Seydina Issa Laye Samb est très loyal», ajoute Mame Bounama Sall.
A Yoff, il s’est imposé comme leader du Ps dès le début de la dualité entre Tanor et Khalifa Sall. S’il est proche de ce dernier, il voue un respect immense au premier qu’il ne dénigre jamais. «Tanor a su tenir le parti dans les moments les plus difficiles. Il n’a jamais été question de l’humilier. Nous avions des relations très cordiales avec lui», explique Baye Seydi. Ainsi, lorsque le Secrétaire général de la 8ème coordination du Ps de Yoff, Idrissa Ndiaye, a rejoint le camp de Tanor, Seydina Issa Laye Sambe est devenu le visage de l’opposition dans la commune. «Seydina est très poli, disponible, discret et serviable. Quand on le voit s’exprimer, on sent qu’il est issu d’une famille religieuse», constate Ibrahima Diamé, conseiller à la Ville de Dakar et ex-maire de Patte d’Oie.

Allié à Khalifa Sall
Au référendum de 2016, Baye Seydi glane quelque 6000 voix, insuffisantes cependant pour faire vaciller le camp du Oui porté par le ministre Diouf Sarr. Mais lors des Législatives du 30 juillet 2017, il est investi sur la liste départementale de Dakar de Manko Taxawu Senegaal parmi les suppléants. Cette défiance au Ps va sonner la fin de son militantisme au sein du parti. D’abord lui et ses amis du département de Dakar sont interdits d’activités à la Maison du parti. Et le 30 décembre 2017, il est exclu du Ps avec Khalifa Sall, Barthélemy Dias, Bamba Fall, Idrissa Diallo, Banda Diop, etc.
Après avoir battu campagne aux côtés de Idrissa Seck lors de la Présidentielle de 2019, Seydina Issa Laye Samb a continué son chemin dans l’opposition à Yoff. Titulaire d’un master en Banque décroché à l’Institut de formation en administration et en création d’entreprise (Iface) de l’Université de Dakar, Baye Seydi est employé à la Ville de Dakar. Ce 23 janvier a été la consécration pour lui. Car il n’était pas question de rater l’investiture en tant que candidat de Yaw à la mairie de Yoff. «Je serai là. Je travaille pour ça depuis des années», disait cet habitant de Layène avant le scrutin.
Timide oui, mais le jeune Seydina sait rester droit dans ses bottes. Lors des investitures, Khalifa Sall avait dans un premier temps indiqué qu’il céderait aux autres partis de Yaw les communes où il n’a pas de «maire». Yoff en faisait partie mais Baye Seydi est resté intransigeant. Les négociations ont été âpres entre Pastef et Taxawu Senegaal. La Conférence des leaders a finalement tranché en faveur de l’ancien socialiste. Signe que son heure était arrivée. Preuve aussi que la fidélité et la constance paient parfois en politique.

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