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Pourquoi le Liban s’enfonce dans la crise économique

Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian est en visite au Liban ces 23 et 24 juillet alors que le pays traverse la pire crise économique de son histoire. Le Liban est en défaut de paiement depuis le mois de février, mais pour le moment aucune solution n’est en vue pour résoudre la crise.

A Beyrouth, Jean-Yves Le Drian vient marteler un message de fermeté à l’intention des autorités libanaises qui rechignent à accomplir les réformes demandées par les bailleurs. Cela fait des années que celles-ci sont dans le déni. Les réformes en matière de transparence, de lutte contre la corruption, de contrôle des sorties de capitaux, de réorientation de l’économie auraient dû être faites il y a deux ans déjà, selon un diplomate, c’est-à-dire dans la foulée de la conférence CEDRE pour le développement du Liban, organisée en avril 2018 à Paris avec le parrainage de la France. L’immobilisme des gouvernements successifs a provoqué la colère de la rue qui manifeste depuis le mois d’octobre dernier.

Depuis, le pays s’enfonce dans la crise économique. Les suicides, les braquages pour un paquet de couches culotte ou un morceau de pain sont les symptômes les plus tragiques de cette implosion accélérée de l’économie. On parle d’une crise « à la vénézuélienne », d’un effondrement de l’Etat. La dette totale du Liban se monte à 90 milliards de dollars, presque deux fois son PIB. Et presque autant que le montant de l’argent évaporé dans les méandres du système financier, soit 85 milliards de dollars. Les négociations avec le FMI ont commencé au mois de mai ; elles sont suspendues depuis dix jours.

En cause, une absence d’accord sur le diagnostic et le remède. Les banques libanaises, partie prenante de la négociation parce qu’elles détiennent une grande partie de la dette publique, font barrage. Elles ont refusé l’évaluation des comptes et surtout d’endosser des pertes.

Ces établissements longtemps prospères ne sont pas prêts à renoncer à la poule aux œufs d’or. Les banques libanaises ont gagné beaucoup d’argent en en prêtant à la Banque centrale à un taux record, de l’ordre de 15%. Pour trouver le cash, elles ont attiré les dépôts, notamment ceux de la diaspora avec des taux record de 10%. Les analystes parlent aujourd’hui d’une pyramide de Ponzi, d’une escroquerie.


Le système a profité au 1% de Libanais détenant 80% des dépôts bancaires. En clair, les membres de l’élite au pouvoir, toute confession confondue, qui ont souvent des participations dans ces banques. Les dépôts se faisaient surtout en dollars puisque la parité fixe avec le billet vert rassurait et entretenait le mythe d’une livre forte. Tant que l’ingénierie financière du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, a fonctionné, tout le monde a fermé les yeux. Mais une fois que les transferts se sont taris, le montage s’est grippé.

L’octroi d’une aide du FMI pourrait être l’occasion d’assainir ce modèle dévoyé, mais pour le moment, les principaux bénéficiaires font de la résistance. Les banques et leurs clients fortunés ont eu le temps de transférer leurs capitaux à l’étranger, à l’abri de l’inflation et de la dévaluation qui minent aujourd’hui l’épargne de la classe moyenne libanaise.

Des soutiens impatients

Les temps sont durs aujourd’hui pour le Liban parce que ses soutiens traditionnels, les pays du Golfe, les Etats-Unis ou la France, font face chez eux à des difficultés économiques grandissantes liées à la pandémie. Et ces alliés s’impatientent. L‘influence de l’Iran via le Hezbollah irrite autant Washington que les capitales arabes.

Paris déplore la paralysie des autorités, mais le chef de la diplomatie française vient aussi à Beyrouth pour démontrer la solidarité de la France avec la population qui endure cette crise. Jean-Yves Le Drian apporte notamment dans sa valise un soutien aux écoles francophones.

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