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Pouvoir judiciaire et professions juridiques en Afrique: les pistes d’une justice africaine forte

La volonté de renforcer l’indépendance la justice et les professions juridiques a sous-tendu la conférence virtuelle de professionnels de la justice. Cette quête essentielle et existentielle ne pourra se faire qu’avec une réelle indépendance des juges et avocats et une collaboration avec les organisations des droits de l’homme et les médias.

La Coalition pour une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples efficace (Coalition pour la Cour africaine), en collaboration avec l’Union panafricaine des avocats, a organisé, vendredi dernier, une réunion virtuelle sur « Repenser les pouvoirs judiciaires et la profession juridique en Afrique dans un contexte de récession démocratique ». Le webinaire a réuni des spécialistes qui ont essayé d’esquisser des solutions pour que la profession juridique puisse (re)trouver ses lettres de noblesse. Bernard Ngoepe, ancien juge à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, introduisant « la raison d’être et l’importance des tribunaux telle qu’elle est définie dans la Charte africaine et dans les autres instruments », a appelé à des « solutions durables fondées sur le respect de l’État de droit avec une possibilité et une capacité d’avoir un environnement propice à une expression libre et une lutte contre la corruption ». Il plaide pour un « mécanisme solide, apolitique et indépendant pour la nomination des juges » ; une « sécurité du mandat » pour que les juges ne s’inquiètent point des décisions qu’ils sont appelés à rendre. Pour lui, la solidité du système judiciaire ne pourra être obtenue qu’en apportant les réponses adéquates aux « attaques du système judiciaire et autres attaques contre l’indépendance des tribunaux qui finissent par saper la conception des populations sur cette indépendance ». Ainsi, il suggère une collaboration entre les acteurs du monde judiciaire et des organisations non-gouvernementales fortes qui « vont pouvoir se mobiliser et travailler avec les différentes organisations pour faire face aux actions qui sapent le pouvoir judicaire », mais aussi avec les journalistes considérés comme la « lumière qui permet de voir les recoins de tout le pays ». Il a aussi souligné la nécessité d’ « assortir l’aide extérieure par le respect de l’indépendance de la justice ». Bernard Ngoepe affirme que le respect des droits de l’homme ne pourra s’obtenir qu’avec l’urgence de « construire une jurisprudence solide sur l’ensemble du continent ». D’où son invite aux Cours suprêmes et à la Cour africaine à « interagir pour une jurisprudence africaine ».

Interagir pour une jurisprudence africaine

Même son de cloche chez l’ancienne Présidente de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Pour Me Soyata Maïga, l’édification de l’État de droit et de la démocratie n’est possible qu’avec l’existence d’une justice parfaite sous le contrôle de la loi. En dépit des efforts de réforme, elle a regretté que la justice n’ait pu réussir à réaliser son indépendance dans de nombreux pays africains qui sont parvenus à des révisions constitutionnelles tendant à ériger la justice au rang de pouvoir.

Pour elle, l’absence de ressources peut être une explication à ce déficit d’indépendance. Mais ce sont surtout l’absence de volonté politique réelle des gouvernements et la pression de la rue, des leaders religieux, chefs coutumiers, les atteintes à l’intégrité physiques des juges, leur sécurité.

Ibrahima Khaliloulah NDIAYE

CONFIANCE DES JUSTICIABLES ET FORMATION CONTINUE
Les nouveaux défis

Me Soyata Maïga regrette que les citoyens, au nom de qui la justice est rendue, en soient arrivés à une « situation de dépit » et manifestent des « actes de défiance ». Pour elle, les avocats doivent repenser à partir des règles d’indépendance de la profession libérale pour qu’elle s’exerce au bénéfice des citoyens et de la loi. La réalité peut néanmoins être autre et confiner cette quête en vœu pieux avec l’insécurité dans certains pays ou le confinement de barreaux dans les capitales et grandes villes… Ce qui se traduit par une quasi-impossibilité de « rechercher et de traduire devant la justice les auteurs des crimes ». Elle a aussi fustigé le fait que certains avocats se « complaisent dans les tares du système » pour exhorter au « renforcement des règles déontologiques, éthique et de probité et à l’indépendance des juges et avocats qui commercent entre eux au détriment de la responsabilité ».

La formation continue, la saisie de juridictions régionales (la justice n’étant pas toujours disponible surtout dans les pays en conflit), l’établissement de programme de travail annuel entre les juridictions et barreaux et autres structures associées pour l’accès de tous à la justice, l’utilisation des médias pour vulgariser les résultats de certaines enquêtes… sont des pistes à explorer pour Me Maïga. Pour le juge Souleymane Teliko, Président de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums), la subordination de l’organe de poursuite à l’exécutif, l’insuffisance de garanties statutaires pour le magistrat qui voit sa carrière gérée par le Conseil supérieur de la magistrature et la remise en cause de la liberté des magistrats » sont des éléments qui ne militent pas en faveur de l’indépendance du pouvoir judiciaire et de la profession juridique.

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